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Anne Vandamme, atteinte de sclérose en plaques : « Je vis le moment présent, avec les capacités dont je dispose encore! »

La sclérose en plaques (SEP) touche 12 000 personnes dans notre pays. Anne Vandamme en fait partie. Une conversation inspirante avec une patiente pour qui le verre est toujours à moitié plein, jamais à moitié vide.

Nous rencontrons Anne Vandamme chez elle, à Malines. Elle commence son récit, une tasse de café fumant posée devant elle :  » Les médias accordent beaucoup trop peu d’attention à la sclérose en plaques. Une fois par an, il y a la Semaine de la SEP, mais même cette semaine attire peu l’attention des médias. C’est pourquoi j’aime raconter mon histoire. Dans l’espoir qu’à l’avenir, je n’aurai pas à entendre des phrases telles que « la SEP, oh oui, c’est la maladie musculaire mortelle... « , parce que la SEP n’est pas mortelle et n’est certainement pas une maladie musculaire, mais une maladie auto-immune qui affecte le système nerveux central. Pourquoi la SEP n’est-elle pas mieux connue, comme le cancer par exemple, qui fait l’objet d’une grande attention et pour lequel des ressources sont libérées ? »

La sclérose en plaques n’était malheureusement pas une maladie inconnue pour Anne Vandamme. Sa mère et sa grand-mère souffrent également de cette maladie. « J’ai la SEP depuis un certain nombre d’années, mais la maladie s’est dans un premier temps calmée. Tout a commencé par une inflammation du nerf optique de mon oeil droit. J’ai aperçu une tache grise qui grandissait d’heure en heure. L’ophtalmologue m’a diagnostiqué une infection du nerf optique et m’a dit que je ne pouvais pas y faire grand-chose. Il m’a donc prescrit de la vitamine B et j’ai dû patienter pour voir si cela fonctionnait. Comme il n’y avait aucune amélioration, je suis allée voir un médecin urgentiste à l’hôpital. Il a fait un examen de potentiels évoqués pour mesurer la conduction nerveuse et a confirmé le diagnostic d’une infection du nerf optique. Il a prescrit des pilules de cortisone. Cela a immédiatement amélioré la situation. Mais trois mois plus tard, j’avais le même problème à l’autre oeil. Quand d’autres tests ont été faits, il est rapidement devenu évident que je souffrais de SEP. »

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Anne Vandamme : « Non, nous avons d’abord choisi d’attendre. Avec le recul, j’ai fait plusieurs petites rechutes pendant cette période, mais elles ont été plutôt limitées. J’y ai prêté peu d’attention. Je suis allée travailler, j’avais ma famille, j’étais occupée. Ce n’est que quelques années plus tard, en 2011, lorsque je me suis rendue chez le neurologue pour un bilan de santé, et sur la base des résultats de l’IRM, que j’ai pensé qu’il était conseillé de commencer un traitement inhibiteur, d’autant plus que de nos jours il existe des produits qui ralentissent réellement l’évolution de la SEP chez beaucoup de personnes. Pendant 6 ans, je me suis injectée un traitement chaque jour.

Au cours de ces 6 années, je me suis également adressée au Centre National de la SEP à Melsbroek. J’y ai été très bien soutenue par une équipe multidisciplinaire. J’y suis allée quelques semaines pour me réhabiliter. Une fois par an, j’y vais encore pendant 4 semaines pour me réhabiliter et c’est vraiment génial. L’atmosphère entre les patients et entre les patients et les thérapeutes est vraiment réconfortante. Nous avons tous la même maladie. Dans cette évaluation, tout est couvert et chacun reçoit un suivi et des conseils en fonction de ses problèmes. J’apprécie ces 4 semaines que j’ai pour moi toute seule.

Au début, je ne me sentais pas tout à fait à l’aise là-bas parce que je me porte beaucoup mieux physiquement que certains autres patients. Mais chaque personne atteinte de SEP est différente, la maladie progresse différemment selon les cas. Ils ont peut être été touchés plus sévèrement physiquement, mais ont toujours un esprit très vif. Alors que moi, je suis bien plus confuse. J’ai beaucoup plus de problèmes de concentration, d’attention, parfois, je ne trouve plus mes mots. Mon esprit est brumeux. J’adore lire, mais ce n’est pas si évident parce que, très souvent, je dois retourner quelques pages en arrière parce que je ne me souviens de rien.

Parfois, il est très difficile d’expliquer cela aux gens, même à ma propre famille. Ils ont tendance à me répondre que « cela arrive à tout le monde d’oublier des choses ». C’est parfois frustrant, parce que je sais que c’est la SEP. Mais j’admets que j’en dis très peu à ce sujet. Je n’arrête pas d’y penser.

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Entre-temps, mon fils et ma fille ont grandi. Quand ils avaient entre 8 et 10 ans, je leur ai expliqué que j’avais la même maladie que leur grand-mère, qui était en fauteuil roulant. « Je ne vous l’ai pas encore dis, mais j’ai la même maladie que grand-mère ». C’est aussi très difficile pour eux. Surtout pour ma fille qui est la prochaine fille de la famille. Le risque d’être atteint de sclérose en plaques est de 1 sur 1 000. Pour une personne dont un membre de la famille est atteint de SEP, le risque est beaucoup plus élevé. Mais la chance de ne pas contracter la maladie l’est davantage. C’est comme ça que je vois les choses. Pour moi, le verre est toujours à moitié plein, jamais à moitié vide. Ma grand-mère avait la SEP. Elle a eu 6 enfants, dont 5 n’ont pas la SEP. Elle a eu 17 petits-enfants, dont 16 n’ont pas la SEP.

Naturellement, je reste vigilante, je fais plus attention.

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J’ai de la chance, parce que je peux encore entreprendre beaucoup de choses par moi-même. Il y a des choses qui sont désormais impossibles et inaccessibles, mais je me concentre sur ce que je peux encore faire. Même si mes capacités diminuent un peu plus chaque jour. Par exemple, je me lève systématiquement fatiguée, et avec des douleurs dans le dos et les jambes. Parfois, c’est une torture de sortir du lit. Mais une fois que je suis debout, je suis prête pour la suite, même si je reste épuisée tout au long de la journée. Mon mari m’a dit dès le début : « Nous avons désormais cette maladie et nous n’avons plus qu’à attendre et voir ce qui se passe. » Mais même si nous avions déjà vécu le processus de la maladie chez ma mère, nous sommes arrivés à la conclusion que ce n’est pas si simple. Je ne peux plus faire certaines choses et cela signifie dire adieu à mes habitudes et m’adapter à chaque fois à une nouvelle situation. Ma famille vit elle aussi un deuil dans ces moments-là. Par exemple, je ne peux plus aller me promener sur la plage. Lorsque je sors, j’utilise un déambulateur et ce n’est pas possible dans le sable. Mais je peux toujours profiter d’une promenade sur la digue. Mon mari a plus de problèmes avec ça, alors que moi, je trouve plus facilement une alternative. Je me concentre toujours sur ce qui est encore possible.

Plus Magazine : « Votre traitement a-t-il beaucoup changé au fil des ans ? »

Oui, c’est ce qu’il y a de bien avec mon séjour annuel à la clinique de SEP. Les neurologues y sont de véritables spécialistes qui surveillent tout ce qui est connu et développé pour la SEP. Je raconte mon histoire, je subis des tests... À un moment donné, ils ont constaté que les injections n’étaient plus suffisantes pour ralentir la progression de ma maladie. Fin 2017-début 2018, je suis passée aux médicaments de deuxième ligne. Maintenant, je reçois une perfusion toutes les 4 semaines avec Tysabri, un puissant inhibiteur de la SEP et je ne fais presque plus de poussées. Chaque fois, je dois me rendre à l’hôpital durant une demi-journée. Pour moi, c’était un soulagement de ne plus avoir à m’injecter quotidiennement. Je me sentais comme une pelote à épingles.

Bien sûr, je suis aussi très bien suivie. Deux à trois fois par an, je passe une IRM et ils vérifient ce qui se passe dans mon cerveau, s’il y a ou non des blessures actives. Le fait que je suis maintenant si bien suivie avec ce médicament me donne un sentiment agréable.

Plus Magazine : « Pensez-vous souvent à l’avenir ? »

Non, pas vraiment. Nous verrons bien. Je vis le moment présent, avec les capacités dont je dispose encore ! Entre-temps, la science est en constante évolution. Et c’est vraiment nécessaire ! Parce qu’il y a beaucoup de jeunes atteints de SEP. J’ai plus de 50 ans, mais j’espère du fond du coeur pour les générations futures que la cause de cette maladie sera trouvée rapidement. Bien entendu, cela nécessite des ressources financières. C’est pourquoi je donne 7 € par mois dans le cadre d’une mission permanente. 7 €, cela représente une journée de recherche.

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