© Getty Images/iStockphoto

Alzheimer: les signes qui doivent alerter

Signaux d’alerte, facteurs de risques et diagnostic... Lors d’un tchat, le Dr Olivier De Ladoucette a répondu à vos interrogations.

Alkane : Quels sont les symptômes annonciateurs de la maladie et comment être certain de les identifier? On parle d’oublis, le plus souvent, mais qu’est-ce qui doit être pris en compte vraiment: le nombre, la fréquence? Existe t-il un moyen d’identifier le mal?

Dr Olivier de Ladoucette: La difficulté pour poser le diagnostic de maladie d’Alzheimer est que, au début de la maladie, les troubles sont souvent assez proches de ceux présentés par le vieillissement normal du cerveau. Il est vrai que les oublis sont en général les premiers symptômes observés. Il peut y en avoir d’autres. En ce qui concerne les oublis, il ne s’agit pas d’oublis bénins classiques du type perte de lunettes, de carte de crédit, chercher où on a garé sa voiture, oubli des noms propres, etc. Les oublis observés dans une maladie d’Alzheimer débutante sont des oublis massifs. A titre d’exemple, une personne vieillissante oubliera le prénom de son énième petit enfant. En cas de début de maladie d’Alzheimer, elle oubliera l’existence de ce énième petit enfant. Autre exemple: il est fréquent de perdre ses lunettes. Le malade Alzheimer oubliera qu’il porte des lunettes. Ces troubles de la mémoire sont rarement totalement isolés, ils s’accompagnent souvent d’autres difficultés intellectuelles, plus difficiles à repérer, mais qui entraînent une tendance à l’imprécision, un flou progressif dans la gestion de son quotidien.

Pierre66 : Issue d’une famille ayant une cinquantaine de cas de la maladie d’Alzheimer jeune, je souhaite connaitre l’avancée de la recherche et des traitements éventuels qui existent aujourd’hui.

Dr O. de Ladoucette: Si tel est le cas, je vous conseille de vous adresser à un service référent spécialisé dans les malades Alzheimer jeunes pour évaluer vos risques.

Martine : Beaucoup de personnes de 70 ans ont une mémoire à court terme défaillante mais ne sont pas pourtant Alzheimer. Y a t-il un diagnostic différentiel?

Dr O. de Ladoucette: En effet, se plaindre de sa mémoire est un grand classique après 70 ans. Toutes les personnes de cet âge n’auront pas la maladie d’Alzheimer. Le diagnostic différentiel repose sur un certain nombre de critères, l’un d’entre eux est l’intensité de la plainte, sa répétition, et surtout la gêne qu’elle occasionne. Sachez que la plainte subjective, c’est-à-dire la perception que l’on a de sa mémoire, est très souvent totalement décalée par rapport à la réalité de cette plainte. En d’autres termes, ce ne sont pas les personnes qui se plaignent le plus de leur mémoire qui ont les plus gros déficits, bien au contraire. Une des caractéristiques de la maladie d’Alzheimer est en effet ce que nous appelons l’anosognosie, c’est-à-dire la non perception par le patient de son déficit. Il est fréquent en consultation de rencontrer des gens qui ont de gros troubles de la mémoire, sans aucune plainte. Lorsque cela arrive, c’est souvent de mauvais pronostic.

Dr O. de Ladoucette: Le cas de votre maman n’est pas rare, en effet présenter des troubles de la mémoire passé un certain âge est très angoissant, et beaucoup de patients restent dans un « déni armé », c’est-à-dire refusent obstinément d’être pris en charge, de peur que le diagnostic de maladie d’Alzheimer soit porté. Ce que vous me décrivez de votre maman relève à la fois de la neurologie mais probablement aussi un peu de la psychiatrie. À défaut de lui faire passer un bilan, votre médecin généraliste pourrait peut-être donner à votre maman un traitement qui permettrait d’atténuer ses angoisses et ses idées de persécution. Lorsqu’elle sera plus apaisée, il sera toujours temps de la conduire dans un centre de mémoire où un bilan pourra être effectué.

Calinou: J’oublie de plus en plus. J’ai 70 ans: dois-je voir un neurologue?

Dr O. de Ladoucette: Les personnes qui se plaignent le plus de leur mémoire ne sont pas nécessairement celles qui ont les problèmes les plus graves. Toutefois pour vous rassurer, je vous conseille de vous adresser à un spécialiste (neurologue, gériatre) en ville ou dans un centre mémoire hospitalier.

Jenko: Je viens de déclencher des crises d’épilepsie depuis 4 mois. Je n’en avais jamais eu auparavant. Est-ce que je risque d’avoir la maladie d’Alzheimer plus que quelqu’un d’autre?

Dr O. de Ladoucette: L’épilepsie n’est pas considérée comme un facteur de risque pour la maladie d’Alzheimer.

Godet: Y a t-il un rythme irréversible de progression de la maladie?

Dr O. de Ladoucette: La maladie d’Alzheimer se soigne mais ne se guérit pas. En d’autres termes avec une prise en charge médicamenteuse et non médicamenteuse adaptée il est possible de freiner le déclin et de conserver au patient sa dignité jusqu’au bout. En revanche, la médecine n’est pas capable à ce jour de bloquer ou d’empêcher la maladie.

Mimi: Y a t-il plusieurs formes de maladie d’Alzheimer?

Dr O. de Ladoucette: Oui, il y a plusieurs formes de maladie d’Alzheimer, c’est une entité clinique compliquée dans laquelle on distingue de plus en plus de sous-groupes avec des évolutions des symptômes légèrement différentes. Aujourd’hui, ces différences ont peu de retentissement sur la prise en charge, car nous n’avons pas de traitement spécifique pour chacun de ces sous-groupes, et nous proposons le plus souvent le même traitement. Dans quelques années, j’espère qu’il en sera autrement et que nous pourrons proposer des traitements sur mesure.

Guy: Est-il souhaitable que les malades sachent le nom de leur maladie? Mon père a la hantise que ma mère apprenne ce dont elle souffre...

Dr O. de Ladoucette: Il n’est pas toujours souhaitable d’informer le patient sur sa maladie, sauf s’il insiste pour connaitre le diagnostic (mais c’est rare). En effet, tout le monde connait la maladie d’Alzheimer et son évolution redoutable. Il est donc préférable dans bon nombre de cas d’informer l’entourage et de rester évasif.

Fanfan : Je suis inquiète car j’ai des difficultés à retenir les choses et j’oublie beaucoup. J’ai également des difficultés de concentration. J’ai passé un test chez un neurologue et j’ai 28/30. Est-ce nécessaire d’aller plus loin c’est-à-dire un test de 2h pet scan du cerveau et scanner? J’ai 67 ans, je ne fume pas, suis en bonne santé et maman a eu cette maladie.

Dr O. de Ladoucette: Le test que vous avez effectué chez le neurologue que l’on appelle MMS (Mini Mental Status) étant à 28/30, il y a en principe pas lieu de vous inquiéter. Toutefois, ce test est relativement succinct, il ne permet pas d’avoir une appréciation fine de vos difficultés de mémoire. Si votre neurologue juge utile d’aller au-delà avec un bilan sur 2 heures, plus des images du cerveau, je vous conseille de suivre son avis.

Marion : Une histoire personnelle difficile dans la petite enfance peut-elle être un facteur de risque?

Dr O. de Ladoucette: Il n’a pas été à ce jour trouvé de corrélation entre une enfance difficile et une maladie d’Alzheimer. Toutefois une jeunesse très perturbée peut parfois générer par la suite des troubles psychologiques à l’origine d’états dépressifs sévères qui dans certains cas sont des facteurs de risque.

Sophia : Est-il difficile de poser le diagnostic de maladie d’Alzheimer ? Peut-elle être parfois confondue avec une dépression profonde?

Dr O. de Ladoucette: Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est difficile à poser. Il nécessite de poser plusieurs examens (bilan de mémoire, bilan biologique) et des entretiens cliniques avec des spécialistes. Il est parfois nécessaire d’attendre plusieurs mois pour évaluer l’évolution des troubles avant de se prononcer. La dépression peut être longtemps confondue avec un début de maladie d’Alzheimer d’autant que bon nombre de maladies d’Alzheimer commencent par une dépression. Il est très important dès lors qu’on présente un état dépressif caractérisé de suivre un traitement efficace.

le normand: Quels sont les premiers signes de la maladie?

Dr O. de Ladoucette: Le plus souvent, les premiers signes de la maladie concernent la mémoire, en particulier une atteinte des souvenirs récents. Ce qui frappe alors c’est la difficulté à se souvenir d’un événement qui s’est déroulé il y a quelques minutes, quelques heures, quelques jours, qui frappe avec la capacité à conserver une mémoire des souvenirs lointains. La maladie d’Alzheimer peut également débuter par des troubles de l’humeur, des états dépressifs et anxieux. Elle peut également débuter par des difficultés de langage, d’orientation dans le temps et dans l’espace, ainsi qu’une perte d’habileté pour les gestes simples du quotidien.

Alytal : On vient de diagnostiquer chez mon mari de 67 ans une aphasie primaire logopénique. Le neurologue nous a dit qu’il s’agissait d’un Alzheimer mais un autre spécialise me dit que ça n’en est pas. La progression de cette maladie sera-t-elle la même? Pour l’instant mon mari reste autonome malgré quelques troubles d’orientation dans un endroit qu’il ne connaît pas. Pouvez-vous m’en dire plus sur cette maladie dont les premiers symptômes, je m’en rends compte, datent de plusieurs années.

Dr O. de Ladoucette: L’aphasie primaire logopénique est une maladie neurodégénérative apparentée à la maladie d’Alzheimer, qui touche des régions du cerveau au début de la maladie un peu différentes de celles qui atteignent le cerveau des patients ayant une maladie d’Alzheimer. Elle touche de manière spécifique le langage. L’évolution se fait de manière inexorable, avec un déclin progressif des fonctions cognitives selon un rythme un peu différent de celui de la maladie d’Alzheimer. Après plusieurs années d’évolution, les tableaux cliniques se rejoignent avec une perte très importante d’autonomie.

Sylvia : Les bilans de mémoire sont source de stress pour les personnes. Je l’ai vu avec ma mère. Comment ce stress est pris en compte dans l’évaluation?

Dr O. de Ladoucette: Lorsque l’évaluateur (neurologue ou neuro-psychologue) procède, il essaye dans la mesure du possible de mettre la personne à l’aise. Si celle-ci reste stressée, ce qui est souvent le cas, ils en tiennent compte.

Lal : Une personne de 87 ans qui commence à croire qu’elle a été dans des endroits où nous savons que c’est impossible commence-t-elle la maladie?

Dr Olivier de Ladoucette: Les fausses reconnaissances sont une indication d’un trouble de la mémoire qui mérite de consulter pour une exploration plus approfondie. Toutefois cela ne préjuge en rien d’une maladie d’Alzheimer.

pafacile31 : Oublier les noms des personnes peut-il être un début de la maladie?

Dr Olivier de Ladoucette : Non, l’oubli des noms est un grand classique après 55 ans. Il s’agit surtout d’un trouble de la récupération de l’information qui est stocké dans la mémoire et que l’on retrouve quelques minutes ou heures plus tard.

Ani55 : Je suis très angoissée, mon mari et moi nous soutenons dans nos oublis mais quand je lui précise: je pose les clés ici et que une demie heure après j’ai complètement oublié où j’ai mis les clés... Cela m’inquiète.

Dr Olivier de Ladoucette : Oublier ses clés est un grand classique des troubles de la mémoire liés à l’âge. Avant d’imaginer le pire (une maladie d’Alzheimer débutante), posez-vous la question de savoir si vous n’êtes pas un peu stressée, fatiguée ou tout simplement distraite.

Ninimousse : Maman a eu la maladie d’Alzheimer à 74 ans. Elle est décédée à 78 ans. Je prends des somnifères depuis 30 ans suite à une grosse dépression de mon mari. Actuellement, j’ai un antidépresseur, du Levothirox depuis 30 ans. Et des traitements pour tension suite à une dissection aortique. Je me rappelle de moins en moins des choses. Est-ce le signe de la maladie d’Alzheimer?

Dr Olivier de Ladoucette : Les pertes de mémoire sont fréquentes après 50 ans. Elles peuvent être liées à de nombreux facteurs comme notamment l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil, voire la prise de psychotropes. Il existe donc de nombreuses causes, différentes de la maladie d’Alzheimer, pour justifier vos troubles de la mémoire. Toutefois, si vous êtes très inquiète, je vous suggère d’effectuer un bilan dans un centre mémoire. Il sera à même de vous dire où vous en êtes et de vous proposer des solutions.

Auteur: Isabelle Duranton (nt-f.com)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire