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Acouphènes : entendre du bruit en plein silence

Bourdonnements, tintements, sifflements... Les acouphènes se manifestent de différentes façons et peuvent s’avérer insupportables. Si certains pensent que c’est une maladie, il s’agit plutôt d’un signe que notre organisme est endommagé. Explications.

On estime qu’au moins 30% des Belges sont concernés par l’une ou l’autre forme d’acouphènes. Et ce nombre ne fait que croître avec le temps. Car les d’acouphènes concernent toutes les tranches d’âge, même si certaines personnes en souffrent de manière plus intense que d’autres. Parfois, les acouphènes sont temporaires et disparaissent d’eux-mêmes ; parfois, ils deviennent chroniques. Les gens qui en souffrent le plus sont évidemment ceux qui doivent vivre en permanence avec un bourdonnement ou un sifflement dans l’oreille.

« Les acouphènes ne sont pas une maladie, mais plutôt le symptôme d’un problème quelque part dans l’organisme », assure le Pr Bart Vinck, audiologiste qui se consacre depuis plusieurs années au traitement des acouphènes et de l’hyperacousie (hypersensibilité au bruit). Souvent, le phénomène s’explique par un dommage à l’oreille interne. Cela peut être dû à une exposition excessive au bruit, mais une infection virale ou autre peut également être en cause. « Cela dit, la raison principale de l’augmentation des cas d’acouphènes au sein de la population s’explique tout simplement par son vieillissement. Avec l’âge, il se produit une usure inévitable, donc une perte d’audition. »

UNE RÉACTION EN CHAÎNE

Que se passe-t-il exactement quand survient un acouphène? « L’oreille interne est tapissée de milliers de minuscules cils sensibles. Ce sont eux qui captent les différentes fréquences des ondes sonores et les envoient au cerveau via le nerf auditif. Il suffit qu’une série de cils soient endommagés pour que l’oreille capte moins de sons et que le cerveau, à son tour, en reconnaisse moins. Comme pour les autres systèmes défaillants, le corps réagit en compensant. Le nerf auditif comble le manque de volume en envoyant au cerveau des influx nerveux supplémentaires. Le sens de l’audition devient hyperactif. Le cerveau prend ces influx nerveux pour des bruits bien réels, alors qu’ils ne proviennent pas du tout de l’extérieur. »

UN BRUIT « FANTÔME »

Certaines personnes, surtout parmi les plus âgées, souffrent d’acouphènes aigus. Dans d’autres cas, le sifflement ou le bourdonnement aura une fréquence sonore plus basse. « Cela correspond à la fréquence à laquelle les dommages auditifs se sont produits, explique le Pr Vinck. Comme les cils tapissant l’oreille ne transmettent plus de sons à cet endroit, un son fantôme fait son apparition. Si on ne traite pas ce dommage auditif, le corps continue à produire régulièrement des acouphènes pour avertir que quelque chose ne va pas. »

Une personne sur cinq souffre d’une perte d’audition liée aux acouphènes. En 2050, on estime que ce sera 1 sur 4.

« Il suffit que je bouge les mâchoires, que j’ouvre la bouche ou que je tourne la tête pour que l’acouphène se modifie », racontent souvent ceux qui en sont victimes. Il y a une explication logique à ce phénomène bizarre mais fréquent.

« Les acouphènes s’accompagnent d’une hyperactivité des nerfs reliant l’oreille et le cerveau. Le nerf facial se trouve tout près du nerf auditif et il suffit de faire un certain type de mouvement pour provoquer des étincelles électriques entre les deux. »

LES OREILLES HYPERSENSIBLES

Beaucoup de gens souffrent de plaintes typiques, où les acouphènes sont plus ou moins liés à une perte d’audition et à son symptôme cousin, l’hyperacousie. L’hyperacousie se définit comme un excès de sensibilité aux bruits du quotidien – vaisselle et couverts qui s’entrechoquent, voix, trafic, etc. Cette hypersensibilité résulte le plus souvent d’un excès d’influx nerveux dans l’oreille. « L’hyperacousie reste dans l’ombre des acouphènes, mais pour beaucoup de personnes elle est encore plus gênante dans la vie quotidienne. Ce problème invisible et souvent mal compris peut aller jusqu’à impacter la vie sociale. »

UNE SOURCE DE STRESS

L’image négative et la désinformation sont deux autres obstacles auxquels sont confrontés ceux qui souffrent d’acouphènes. « Il faut apprendre à vivre avec! », leur répète-t-on. Le Pr Vinck s’insurge contre ce mythe qui a la vie dure. « Avec un schéma d’attente aussi négatif, comment ne pas ressentir du stress et de l’anxiété? Or, on sait que le stress, la fatigue due au manque de sommeil et la peur libèrent certaines substances dans le cerveau. Ces substances sont également envoyées à l’oreille, qui réagit à son tour en produisant plus d’influx nerveux. Ces derniers s’ajoutent aux stimuli déjà présents à cause de la perte auditive. Tout cela crée un cercle vicieux, avec encore plus d’acouphènes et d’hyperacousie.

En soi, le stress ne provoque pas d’acouphènes, mais il peut les aggraver, avec le risque que ce symptôme finisse par devenir prédominant. Souvent, les personnes qui en souffrent se retrouvent sous antidépresseurs ou sous somnifères à forte dose, alors que le problème sous-jacent n’est pas traité. »

À faire / à ne pas faire

  • Evitez les appareils sensés contrer le bruit de fond des acouphènes. Si vous soumettez vos oreilles à du bruit supplémentaire, cela stimule encore plus le nerf auditif qui ne fera qu’alimenter le signal de l’acouphène. Et vous risquez de devenir encore plus hypersensible au bruit.
  • En journée, écoutez de la musique à un volume normal, et pas dans le but de couvrir vos acouphènes.
  • Le soir ou la nuit, ne mettez pas de musique pour couvrir vos acouphènes, elle envoie un signal erroné au cerveau et perturbe l’endormissement.
  • Evitez les thérapies expérimentales, comme la neuromodulation, les électrochocs, etc. Il n’existe aucune preuve scientifique de leur efficacité.
  • Détendez vos trapèzes (la zone du dos reliant les épaules) et veillez à garder les épaules basses.
  • Veillez à ce que l’atmosphère soit suffisamment humide pour éviter le dessèchement des muqueuses, car cela amplifie les acouphènes.

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