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10 questions sur la consommation d’alcool

Julie Luong

Depuis septembre, les médecins généralistes sont formés pour lutter contre la consommation excessive d’alcool chez leurs patients. A 50+, est-ce que cela nous concerne encore ?

1.On supporte moins bien l’alcool à partir de 50 ans : VRAI

À partir d’un certain âge, l’organisme devient plus sensible à l’alcool. Le processus de vieillissement entraîne en effet différents changements métaboliques : la quantité de liquide présente dans l’organisme tend à diminuer, tandis que la quantité de graisse augmente. De plus, le foie et les reins travaillent de manière moins efficace et la résistance physique diminue. Dès lors, notre corps assimile moins vite la substance psychoactive (l’éthanol) présente dans l’alcool. Par conséquent, pour une même quantité consommée, une personne de 60 ans présentera des taux sanguins plus élevés qu’une personne de 40 ans. Avec l’âge, l’ivresse est plus rapide mais la tolérance est aussi moindre : maux de tête, nausées et problèmes de coordination ont ainsi tendance à apparaître plus facilement.

2. Si je me limite à 2-3 verres par jour, c’est ok : FAUX

Les recommandations en matière de consommation d’alcool sont normalement de 3 verres quotidiens maximum pour les hommes et de 2 verres quotidiens maximum pour les femmes. « Ce sont des normes indicatives. Certaines personnes développeront quand même une dépendance en se limitant à ces quantités, quand d’autres pourront consommer beaucoup plus sans jamais devenir dépendants physiquement. Nous ne sommes pas tous prédisposés de manière égale », explique Carol Dequick, psychologue et auteur de « Petit cahier d’exercices pour se libérer de l’alcool » (éditions Jouvence). Pour les 60-65 ans, ces normes sont d’ailleurs inférieures : il est recommandé de ne pas dépasser les 2 verres par jour pour un homme et 1 verre par jour pour une femme. Rappelons aussi qu’il est conseillé de ne pas boire au moins deux jours par semaine pour ne pas habituer son organisme à l’alcool.« On sait aujourd’hui qu’une consommation même modérée favorise certains cancers. L’argument santé du « petit verre de rouge » n’est plus valable », rappelle Carol Dequick.

3. Alcool et médicaments ne font pas bon ménage : VRAI

Plus on avance en âge, plus on a tendance à consommer de médicaments pour traiter différents petits soucis de santé. Or, l’efficacité de certains médicaments est modifiée par l’alcool : ils peuvent s’avérer plus puissants qu’ils ne le devraient ou, au contraire, moins performants. Leurs effets secondaires peuvent s’en trouver augmentés. Méfiez-vous en particulier des mélanges avec les somnifères et calmants (baisse de la vigilance), des analgésiques avec paracétamol (risque de lésions hépatiques) et des anti-inflammatoires comme l’aspirine (douleurs d’estomac)

4. La pension peut favoriser la dépendance à l’alcool : VRAI

« La dépendance, c’est la rencontre d’une situation de vie, d’une personnalité, d’un environnement et d’une proximité de produit. On se rend compte que la retraite peut, dans ce schéma, constituer un facteur de risque « , explique Carol Dequick. Les personnes très impliquées dans leur travail et qui avaient développé peu d’autres centres d’intérêt peuvent se sentir vides et démunies au moment de la retraite... y compris celles qui l’attendaient avec impatience. L’alcool apparaît donc parfois comme une réponse à l’ennui, un substitut à une vie autrefois bien remplie. « L’inactivité peut réveiller des affects dépressifs, renvoyer à une perte de sens chez certaines personnes « , poursuit la psychologue.

5.On ne peut pas cacher longtemps un problème d’alcool : FAUX

Et particulièrement faux chez les personnes retraitées. Une consommation excessive d’alcool entraîne souvent des conséquences au travail (absences, retards, comportement inadéquat...) qui éveillent les soupçons des collègues. Une personne retraitée n’est plus soumise à ces obligations sociales. Personne ne lui reprochera de ne pas être levée à 8h ou de boire un petit verre à midi... Les problèmes d’alcool sont d’autant plus invisibles chez les retraités que les conséquences physiques de cette consommation (troubles de la mémoire, difficultés de concentration, chutes, etc.) seront souvent mises sur le compte d’autres pathologies liées à l’âge.

10 questions sur la consommation d'alcool
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6.Impossible de devenir alcoolique à 65 ans : FAUX

Certaines personnes ont une consommation d’alcool problématique depuis des années : avec l’âge, elles constatent qu’elles doivent augmenter les quantités consommées pour obtenir les mêmes effets. Les conséquences sur la santé deviennent donc plus importantes et les répercussions dans la vie quotidienne plus visibles. Mais d’autres personnes ne développent que tardivement une consommation problématique. Celle-ci apparaît en général suite à certains changements de vie : perte d’emploi, divorce, décès du conjoint, isolement, problèmes d’argent, soucis de santé... Autant d’événements qui n’épargnent pas les sexagénaires.

7. L’alcool est une cause fréquente de chutes : VRAI

Le risque de chute augmente avec l’âge. Mais l’alcool est également une cause de chute fréquente. Les personnes d’un certain âge qui consomment de l’alcool sont donc doublement exposées à une mauvaise chute, dont on sait qu’elle constitue une cause majeure de perte d’autonomie et de fractures. Bien sûr, toutes les chutes ne sont pas liées à l’alcool mais la question mérite d’être posée. De même, des trous de mémoire récurrents sont souvent mis de facto sur le compte du vieillissement ou d’une démence débutante. Mais une consommation excessive provoque aussi ce type de symptômes !

8.L’alcool permet de lutter contre la douleur : VRAI et FAUX

La douleur chronique induite par certaines maladies augmente le risque de dépendance alcoolique chez les 50+. L’alcool fonctionne en effet comme un analgésique : en endormant le système nerveux, il permet de mieux supporter temporairement la douleur. Mais à terme, la consommation aggrave la situation. Lors de la « descente », les effets de la douleur sont ressentis d’autant plus vivement, ce qui peut donner envie de boire à nouveau et déboucher sur un cercle vicieux. Par ailleurs, la diminution de la condition physique induite par l’alcool rend la douleur plus difficile à gérer au quotidien.

9. L’alcool adoucit les difficultés de l’âge mûr : FAUX

Si l’alcool détend dans l’immédiat, il renforce à long terme les sentiments négatifs (angoisse, morosité...). Beaucoup de consommateurs omettent pourtant de faire ce lien de cause à effet et pensent qu’ils boivent parce qu’ils vont mal... alors qu’ils vont mal parce qu’ils boivent ! Plus on boit fréquemment et en grandes quantités, plus on renforce ces sentiments négatifs. Boire pour aller mieux, même temporairement, est donc une mauvaise idée... De même, l’alcool ne doit pas être utilisé comme un somnifère : même en petites quantités, il altère la qualité du sommeil. En cas de dépression ou d’insomnie, mieux vaut consulter un médecin et tenter d’améliorer son mode de vie.

10. Comment maîtriser sa consommation ?

* Ne buvez jamais d’alcool quand vous avez faim ou soif. L’envie d’alcool peut en effet se confondre parfois avec ces besoins qui sont des besoins de base !

* Dans un contexte festif, alternez les verres d’alcool avec des boissons non alcoolisées.

* Fixez-vous un maximum de verres à ne pas dépasser par jour.

* Déterminez les contextes dans lesquels vous vous autorisez ou non à boire (jamais à midi, jamais seul, jamais en dehors des repas, etc.)

* Ne mélangez pas plusieurs sortes de boissons alcoolisées.

* Essayez de réserver l’alcool aux moments festifs, quand vous êtes détendu et joyeux.

* Si vous êtes fatigué, stressé ou préoccupé, trouvez une alternative pour vous détendre (promenade, musique, coup de téléphone à un ami, etc.).

* Lors d’une sortie au restaurant, si vous commandez du vin, commandez aussi de l’eau qui vous permettra de consommer moins et de lutter contre la déshydratation induite par l’alcool.

* Si vous ressentez le besoin de diminuer ou de stopper votre consommation ou que vous avez déjà tenté de le faire sans succès, adressez-vous à un centre d’aide comme www.aide-alcool.be. Un test gratuit vous permettra d’auto-évaluer votre consommation.

Diane, 55 ans

« Je travaille dans l’Horeca depuis plus de vingt-cinq ans. C’est un milieu où l’alcool fait partie du quotidien, entre les verres offerts par les clients et les fins de soirée entre collègues. J’ai toujours bu plus que la moyenne sans que cela me pose réellement problème. J’étais jeune, résistante et je pense que j’ai la chance de ne pas avoir un « profil » dépendant. Mais je me suis rendu compte que l’alcool entraînait d’autres problèmes que l’alcoolisme... Je tombais tout le temps malade, j’étais de plus en plus fatiguée, je me trouvais mauvaise mine. Avec l’âge et la ménopause, j’avais aussi pris beaucoup de poids : l’alcool ne faisait qu’aggraver le problème. Je fais donc partie de ces femmes qui ont diminué leur consommation pour retrouver la santé et une apparence physique plus avantageuse. Et si ça me permet de ne pas devenir alcoolique dans mes vieux jours, c’est évidemment une bonne nouvelle. »

Gérard, 67 ans

« Les mauvaises habitudes, j’ai commencé à les prendre au bureau... Entre les « pots » entre collègues, les repas d’affaires et les voyages à l’étranger, j’ai pris le pli de boire quotidiennement, midi et soir. Comme je buvais pendant les repas, je gardais néanmoins le contrôle sur ma consommation. Mais quand j’ai pris ma retraite, l’alcool a commencé à jouer un autre rôle dans ma vie. Celui d’un compagnon, d’une distraction... Je me suis mis à avancer petit à petit l’heure de l' »apéro ». Dès 11h30, il y avait une bouteille ouverte sur la table. Plus tard, il y avait toujours bien un ami ou quelqu’un de la famille qui passait me voir. Ça aurait pu me changer les idées mais j’y voyais un prétexte pour ouvrir une nouvelle bouteille. Quand j’ai commencé à avoir des problèmes de santé, mon médecin m’a demandé si je buvais et c’est là que je me suis rendu compte de l’ampleur du problème. Aujourd’hui, je suis une thérapie et je fais partie d’un groupe de parole. Il y a beaucoup de personnes de mon âge qui rencontrent ce problème. Mon message est que s’il n’y a pas d’âge pour commencer, il n’y a pas d’âge non plus pour arrêter... »

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