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10 astuces pour entretenir sa mémoire

Julie Luong

La mémoire est comme la santé: elle s’entretient. Notamment en se prémunissant de l’anxiété et en gardant l’esprit ouvert. Mieux on va, mieux elle va.

Longtemps, on a cru que le coeur était le siège de la mémoire. C’est de cette croyance que vient l’expression « savoir par coeur », qu’on doit à Rabelais. Il faudra en réalité attendre le XXe siècle pour découvrir que le siège de la mémoire se trouve dans le cerveau: non pas à un endroit mais dans plusieurs zones cérébrales qui communiquent entre elles . « On peut même affirmer que l’ensemble du système nerveux participe aux processus de mémorisation et de restitution des éléments stockés dans le cerveau humain, grâce aux milliards de connexions qui ont lieu en permanence entre les neurones « , analyse Stéphanie Bouvet, auteur d’un livre sur la mémoire*.

Néanmoins, il est vrai que si la mémoire ne s’ancre pas dans le coeur en tant qu’organe, les émotions jouent un rôle crucial dans la mémorisation. Voilà pourquoi les expériences intenses occupent une place importante dans notre mémoire mais aussi pourquoi les expériences traumatisantes peuvent aller jusqu’à créer, paradoxalement, une amnésie.

* »Booster sa mémoire. 100 exercices pratiques » (éditions First, 2017)

TROUVER DU SENS

Le processus de mémorisation se déroule en trois étapes: l’encodage, le stockage et la restitution. Au cours de l’encodage, le cerveau reçoit des informations envoyées par nos différents sens (vue, toucher, odorat, goût, ouïe). L’étape du stockage permet, elle, de maintenir en mémoire l’information. Enfin, la restitution ou récupération permet d’accéder à l’information, de manière spontanée ou grâce à des stimuli (odeur, chanson...) ou des indices (« Mais si, rappelle-toi, c’était un jour où il neigeait.. ») « Pour bien mémoriser une information, il faut la comprendre mais aussi la répéter. Répéter permet même de retenir des choses qui ne nous intéressent pas , explique Michaël Devilliers, psychologue et spécialiste de la mémoire. »

Autre principe qui permet une bonne mémorisation: regarder vers l’avenir car la mémoire n’est pas tournée vers le passé! « Si le cerveau pense que telle ou telle chose pourrait lui être utile à un moment ou à un autre, il va la retenir « , poursuit Michaël Devilliers. C’est une des raisons qui explique pourquoi la mémoire peut devenir moins performante avec l’âge, une période de la vie où il arrive que les projets soient moins nombreux... »

Curiosité, enthousiasme et ouverture d’esprit sont donc des facteurs qui favorisent la mémoire! « Les personnes qui ont une bonne mémoire sont souvent des personnes qui s’intéressent à beaucoup de choses , poursuit Michaël Devilliers. La curiosité amène le cerveau dans quelque chose de très agile. » « Mémoriser un numéro de téléphone plutôt que d’appuyer sur une touche du téléphone, c’est intéressant car plus on fait fonctionner son cerveau, plus il fonctionnera bien , ajoute Fabienne Collette, chercheuse et neuropsychologue à l’ULiège. Mais en même temps, ce n’est pas un muscle, il ne faut pas avoir une vision trop mécanique: retenir un numéro c’est bien mais appeler la personne, discuter de ce qu’on a fait, de ce qu’on va faire, c’est mieux . »

Michaël Devilliers précise encore que retenir n’est pas une question de volonté! « Plus votre raisonnement prend de la place, plus votre cerveau va le retenir. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire à votre cerveau: cette fois, je le retiens! Ce n’est pas ce qu’on appelle une négociation réussie . »

Les différents types de mémoires

  • Les mémoires à court terme: la mémoire sensorielle – qui concerne les informations perçues par les organes des sens – et la mémoire de travail – qui permet de conserver un nombre limité d’éléments pour une durée d’une minute au maximum (pendant une conversation par exemple ou pour effectuer un calcul mental).
  • Les mémoires à long terme (ou mémoire permanente), qui permettent de stocker durablement des souvenirs, parfois pour plusieurs années ou pour toute la vie. Parmi elles, la mémoire épisodique a pour objet les éléments autobiographiques, dans un contexte précis et dans un lieu particulier: cette mémoire est chargée affectivement, c’est pourquoi deux personnes ayant assisté au même événement n’en conserveront pas le même souvenir. La mémoire sémantique stocke, elle, les connaissances (noms d’objets de la vie courante, règles de langage, noms de pays...) et les faits culturels (dates, événements historiques). En cela, elle est la garante de ce qu’on appelle « la culture générale ». La mémoire procédurale concerne nos habitudes et nos savoir-faire (faire du vélo, tricoter, conduire...).

UN RÉSEAU INTERNET

Dans nos sociétés, les plaintes liées à la mémoire sont fréquentes, même chez des personnes jeunes, qui ont l’impression d’avoir leur « disque dur saturé » à cause d’un niveau de stress trop élevé, d’une charge mentale permanente. Pourtant, comme le rappelle Michaël Devilliers, la mémoire est potentiellement infinie. « Ce n’est pas un disque dur! La mémoire doit plutôt être imaginée comme un ensemble de liens qui se tissent entre plusieurs zones du cerveau. Elle ressemble plus à internet: elle n’a théoriquement pas de limites et n’exige pas qu’on restreigne par avance la quantité de choses à savoir. « 

Quand on a l’impression d’avoir le cerveau « comme une passoire », c’est que la mémoire de travail – mémoire à court terme – est saturée. Il faut donc « dégager l’allée » encombrée par les to-do list, les réseaux sociaux ou les tâches domestiques pour que des informations puissent venir s’installer plus durablement.

Pour pouvoir investir la mémoire à long terme, il importe donc de ne pas vivre en apnée permanente. « Quand la charge mentale est trop élevée, on commence à perdre ses facultés, avertit le psychologue. On est dans de la gestion in extremis. On a toujours l’impression d’oublier quelque chose et donc il n’y a plus de vue d’ensemble, plus d’intégration. Par ailleurs, on a besoin de mettre son cerveau en repos car le souvenir se met en place en deux fois: au moment où on vit les choses puis dans des moments off, notamment pendant le sommeil .  » Voilà pourquoi on se souvient de choses importantes quand on est sous la douche ou en train de faire son jogging...

LUTTER CONTRE L’ANXIÉTÉ

L’autre grand ennemi de la mémoire, c’est notre humeur, en particulier quand elle n’est pas au beau fixe. « L’anxiété ou la dépression prennent des ressources cognitives, précise Fabienne Collette. Si 40% de nos ressources sont occupées par des ruminations, nos capacités de mémorisation sont forcément moins bonnes! « Avec son équipe, la chercheuse a mené récemment une étude sur des personnes à risque de développer plus tard une démence comme la maladie d’Alzheimer. Objectivement, ces personnes fonctionnent très bien mais pourtant, elles ont des plaintes de mémoire. Or, nos résultats montrent qu’une intervention portant sur l’éducation à la santé ou un programme de méditation de type pleine conscience diminuent le niveau d’anxiété de ces personnes, explique-t-elle. Comme l’état anxieux est un facteur de risque (parmi d’autres) pour la survenue d’une maladie neurodégénérative, ce sont des résultats très prometteurs . »

Lutter contre l’anxiété, le stress ou la dépression, par exemple par la méditation, peut donc être considéré aujourd’hui comme une manière efficace de réduire le risque de développer des troubles de la mémoire. Une raison supplémentaire pour ralentir et cultiver les énergies positives.

10 astuces qui aident

1. Utilisez un agenda, un calendrier, tenez un journal, bref notez et listez les activités passées et à venir. Privilégiez l’écriture à la main, qui permet en général de mieux retenir les informations et offre une pause bienvenue au « tout écran ».

2. Faire vos courses est un casse-tête? Au supermarché, visualisez votre maison et passez en revue toutes les pièces pour vous souvenir de ce qui manque. De cette manière, plus moyen d’oublier le papier toilette, les bouteilles d’eau stockées à la cave, le gel douche pour la salle de bain...

3. Plus on encode une information de façon riche, plus on a des chances de la retenir. Vous devez reprendre votre petite-fille à l’école à 15 h plutôt qu’à 16 h? Visualisez-la en train de vous attendre en dessous de l’horloge de l’école et imaginez que l’horloge indique l’heure fixée.

4. Faites appel à votre imagination. Vous avez du mal à retenir les noms? Imaginez monsieur Jardin avec des fleurs dans sa barbe, madame Comhaire sur le pas de sa porte en train de bavarder, ou le docteur Philippe au bras de la reine Mathilde...

5. Résistez à la tentation Google! Aujourd’hui, dès qu’un nom ou un titre nous échappe, nous avons tendance à recourir à un moteur de recherche. Si la technologie n’est pas en soi « mauvaise » pour la mémoire, un bon réflexe est de commencer par chercher l’information par un autre chemin, par exemple en récitant mentalement l’alphabet pour retrouver la première lettre du mot que vous cherchez. Il faut parfois le faire plusieurs fois mais il y a beaucoup de chances pour que retrouviez l’info sans avoir besoin de vous connecter!

6. Pour les chiffres, fiez-vous à la méthode des chiffres-mots. Cette méthode associe un chiffre à un mot dont le nombre de lettres est égal à ce chiffre. Pour retenir votre code PIN, par exemple, créez une phrase dont chacun des quatre mots aura le nombre de lettres voulu: « Il manque des touches » signifie que votre code est: 2637.

7. Retenez les prénoms. Le « mentaliste » Fabien Olicard (Votre cerveau est extraordinaire, éditions First, 2017) possède une méthode imparable pour retenir le prénom des personnes qu’on rencontre pour la première fois. A) Focalisez votre attention en vous disant que vous voulez vraiment connaître le prénom de cette personne et ne vous laissez pas distraire par l’environnement au moment où elle vous répond. B) Répétez le prénom une fois ou deux intérieurement pour le stocker temporairement. C) Répétez son prénom avec une phrase de politesse. Par exemple: « Ravi de te rencontrer, Benoît ». D) Associez le visage de la personne et son prénom en trouvant une comparaison, un truc mnémotechnique. Benoît, n’est-ce pas aussi le nom de votre voisin? E) Créez une image mentale: par exemple, imaginez Benoît et votre voisin côte à côte. F) Quand vous vous adressez à nouveau à cette personne, redites son prénom: « Vous faites quoi dans la vie, Benoît? »

8. Faites des associations. Si vous oubliez toujours où vous êtes garé au parking, utilisez une association d’idées. La rangée 17, n’est-ce pas justement le jour de naissance de la personne avec qui vous dînez ce soir? Vous pouvez aussi vous concentrer sur le chemin: droite, gauche, vers l’ascenseur...

9. Utilisez la mnémotechnique. En octobRE, on REcule. En AVril, on AVance l’heure. Un classique de la mnémotechnique! De même, les stalagMites Montent et que les stalacTites Tombent.

10. Rangez! Vous ne perdrez plus jamais vos lunettes ou vos clés de voiture si vous les posez toujours au même endroit. Idéalement, dans un endroit en rapport avec leur fonction: les lunettes à côté de la pile de journaux et les clefs de voiture dans une coupelle à l’entrée.

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