Un sujet délicat

Les questions touchant à l’argent ou à la gestion des biens sont toujours compliquées. « En parler en famille en amont est donc quelque chose d’important, pour ne pas être mis devant le fait accompli plus tard et vivre les choses de façon trop violente », estime Céline de Hepcée, psychiatre et cheffe d’unité à la Clinique La Ramée (Réseau Epsylon). L’enfant peut demander à ses parents ce qu’il pense de la gestion de ses biens si un jour sa santé décline – c’est un peu le pendant financier de la question épineuse de la maison de repos, finalement. Le parent, lui, peut expliquer à ses enfants ce qu’il gère, d’éventuelles complexités, et sur quoi il devra peut-être un jour passer la main.

Quid si la question d’une procuration ou d’une administration des biens finit par s’imposer? « Le cas de figure le plus facile est celui où le parent est conscient qu’il y a des difficultés, puisqu’on peut directement s’orienter vers un plan de solution. Mais même si la personne est d’accord, il peut y avoir des moments d’angoisse, des moments où elle se rétracte. Quand le cas se présente dans notre institution, dans le cadre d’une mise sous administration, nous expliquons au patient que c’est à leur bénéfice ; que tout est bien encadré par la loi, qu’il s’agit d’une mesure de protection, pas d’une décision arbitraire, et qu’elle n’est théoriquement pas irréversible: on va d’abord essayer, voir si cela le soulage et, si cela ne convient pas, on peut toujours réfléchir à une autre solution. »

Notons aussi qu’il est bon, dans la mesure du possible, d’impliquer le parent inquiet, en faisant en sorte que l’administrateur ou le mandataire le tienne au courant des mouvements financiers. « Cela lui donnera moins l’impression d’être dépossédé. »

Si le parent ne se rend pas compte qu’il y a un problème dans sa gestion des biens, et qu’il se met en danger financièrement, il est important de s’appuyer sur du concret pour lui en faire prendre conscience. « On peut rebondir sur ses propos, par exemple « d’habitude je gère, mais j’ai oublié cette facture », pour lui faire admettre que parfois, malgré tout, des choses lui échappent... Cela fonctionne mieux que de rester dans des généralités et lui rappeler sans cesse qu’il y a un souci. »

Les enfants, eux, peuvent être angoissés ou mal à l’aise lorsqu’il faut mettre l’idée d’une procuration ou d’une administration des biens sur le tapis. « C’est clairement un moment difficile, reconnaît la psychiatre. Si vous ressentez que votre parent n’est plus apte à gérer ses biens mais que vous n’avez pas tout à fait confiance en votre ressenti, n’hésitez pas à faire appel à un professionnel (le médecin traitant, par exemple) qui pourra l’objectiver. Ne soyez pas non plus présent à tous les niveaux: celui qui voit le problème, qui avertit le médecin et qui gère les biens à la fin... Il faut faire attention à soi et ne pas prendre trop de place. Faire appel à un administrateur professionnel peut, par exemple, permettre de se sentir libéré d’un poids et de ne pas avoir l’impression d’être une personne persécutrice. Dans tous les cas, gardez à l’esprit qu’un accompagnement psy est possible si cela génère trop de culpabilité ou de sentiments négatifs en vous. »

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