DIRK DERAEDT MÉDECIN SPÉCIALISTE EN SOINS INTENSIFS, TIENT LA CHRONIQUE D'ÉVÉNEMENTS QUI LE TOUCHENT DANS SA PRATIQUE. © FRANK BAHNMÜLLER

Un robot n’est pas un chirurgien

Le concept de robot a vu le jour il y a cent ans. Il est est apparu pour la première fois en 1920 dans une pièce de théâtre tchèque pour désigner des créatures endossant le travail d’êtres humains. Cette info me revient à l’esprit pendant une consultation préalable à une intervention chirurgicale. Devant moi, un homme qui doit bientôt se faire opérer pour un cancer de la prostate.  » Je serai quand même opéré par un robot ? « , me demande-t-il  » Non, c’est votre urologue qui va vous opérer à l’aide d’un robot ! « . Ce patient s’imagine-t-il qu’un robot humanoïde effectuera seul l’opération, pendant que l’urologue observera la scène, les bras croisés, d’un air approbateur ?

Croisera-t-on un jour des gens dont presque tous les organes auront été remplacés par leur équivalent artificiel ?

La réalité est moins futuriste : il s’agit en fait d’une chirurgie non invasive, au cours de laquelle quatre bras motorisés pilotent les instruments chirurgicaux via de fines incisions. C’est le chirurgien, qui, avec dextérité, contrôle à distance ces bras et les instruments depuis sa console. Il reste à tout moment maître de l’opération. Le robot n’est là que pour l’aider à réaliser ses actes minutieux pendant l’opération. Mais le patient savait déjà tout cela : il voulait juste avoir la confirmation qu’il serait opéré avec les dernières techniques de pointe, en l’occurrence par résection endoscopique de la prostate.

Je m’enquiers de ses antécédents médicaux. Il porte un pacemaker : un petit appareil implanté qui rythme le pouls grâce à des électrodes. Pour traiter ses apnées du sommeil, l’homme utilise aussi un CPAP, un dispositif posé sur le nez pendant la nuit pour empêcher le blocage de la respiration. Ces deux appareils aident donc le patient dans son fonctionnement physiologique.

La liste des appareils et prothèses que l’on peut implanter est longue : pompes à insuline, neuro-stimulateurs, articulations artificielles, cristallins... Et qui sait ce que nous réserve l’avenir ? Peut-être pourra-t-on demain implanter des coeurs, des reins et des foies artificiels, comme si c’était la chose la plus normale du monde. Où cela s’arrêtera-t-il ?

Je pense au bateau de Thésée : si on remplace systématiquement chaque partie d’un navire par une nouvelle, que reste-t-il de l’original après le remplacement de la dernière planche ? Croisera-t-on un jour des gens dont presque tous les organes et les membres auront été remplacés par leur équivalent artificiel ? Que restera-t-il de l’être humain originel ? Heureusement, les pensées et la personnalité restent, elles, irremplaçables.

Non, un robot n’est pas un chirurgien, et les gens ne deviendront sans doute jamais des robots. L’homme quitte le cabinet de consultation. Arrivé à la porte, il se retourne et ajoute :  » Ah oui, j’avais oublié de vous le dire, j’ai aussi deux prothèses de hanche !  »

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