Un mauvais calcul?

Les courses en supermarché s’apparentent de plus en plus à une  » corvée », à évacuer le plus vite possible. Et si les caisses automatiques favorisaient ce désamour?

Il fut une époque où le supermarché et son grandfrère, l’hypermarché, avaient quelque chose de glamour. Apparus chez nous durant les Trente Glorieuses, ils étaient les symboles de  » l’American way of life « , de l’automobile victorieuse, de la consommation de masse et de l’abondance. La Belgique fait d’ailleurs partie des pays pionniers en la matière : le premier supermarché belge ouvre ses portes à Ixelles dès 1957 et, rappelle le Pr Jean-Pierre Grimmeau, professeur de Géomarketing à l’ULB, les premiers hypermarchés européens ont été créés par GB en 1961 à Bruges, Auderghem et Anderlecht, sous le nom de  » SuperBazar « . Certains ont encore en tête le souvenir de joyeuses expéditions familiales au milieu des rayons, clôturées par un tour au restaurant self-service.

SUPPRIMER LES CAISSIÈRES POURRAIT REDIRIGER DES CLIENTS VERS LES COMMERCES DE PROXIMITÉ

UNE ENVIE DE PAPOTER

Cette vision récréative du super/hypermarché a vécu : pour la majorité, les courses caddies à la main sont devenues d’une affligeante banalité, voire une corvée à évacuer au plus vite. Le selfscan et les caisses automatiques répondent en partie à cette demande de rapidité, tout en permettant aux enseignes de faire des économies substantielles sur le personnel. Il en va de même des sites internet permettant de remplir un caddie virtuel, avant d’aller chercher ses achats en vitesse à un guichet.

Une évolution win-win, où tout le monde est gagnant ? Pas si sûr ! En réduisant le nombre de caissières et en incitant toujours plus les acheteurs à  » dialoguer  » avec des machines, les supermarchés pourraient aussi mécontenter une partie de leur clientèle. Celle qui tient à garder des relations sociales au sein de l’enseigne qu’elle fréquente, qui a envie de pouvoir papoter avec la caissière qu’elle connaît parfois depuis des années, le personnel en rayon... (voir encadré page précédente)

RETOUR AUX SOURCES

Supprimer les caissières pourrait inciter ces clients à délaisser les grosses enseignes pour se rediriger, pour autant qu’ils en aient le temps et les moyens, vers les magasins de proximité et les circuits courts, qui ont actuellement le vent en poupe. En plus de répondre à des critères écologiques ou de durabilité, qui prennent de plus en plus d’importance, ces petites structures promettent une véritable relation vendeur-acheteur, comme dans les commerces de jadis. Elles délaissent d’ailleurs parfois volontairement toute possibilité d’achat en ligne.

Pour limiter le désamour et une éventuelle désertion de leurs rayons,  » les supermarchés font beaucoup pour réenchanter les lieux, recréer une certaine proximité, explique Alexandra Balikdjan, docteure en psychologie de la consommation (ULB). Ils vont chercher à y associer une petite galerie marchande, un café, voire à proposer une expo. L’idée est qu’on n’y aille plus nécessairement que pour faire ses courses.  » Les hypermarchés se subdivisent désormais en îlots thématiques, pour se donner un visage plus  » humain « , intime.

Les grandes surfaces jouent également sur d’autres envies et besoins, en proposant des points de vente plus citadins, d’une superficie plus réduite, ouverts plus longtemps ou le dimanche... Suffisant ? Pour certains, peut-être. Mais pour d’autres, tout ceci ne vaudra jamais un  » Et sinon, la p’tite famille, ça va ?  » prononcé depuis l’autre côté du tapis roulant.

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