Un héritage, c’est plus que de l’argent !

 » Je n’ai plus de bonnes relations avec ma mère. Elle désire que mon héritage revienne directement à mes enfants, déclare Bérénice, 43 ans. Je ne suis pas dans le besoin. Je ne travaille plus pour moi, mais pour l’avenir de mes enfants. Néanmoins, le fait de ne pas hériter de ma mère reste très symbolique, très révélateur. Cela en dit long sur notre relation. « 

 » Mon fils unique a trois enfants, expose Michèle, 67 ans. Je ne l’ai plus vu durant plusieurs années, à cause d’un conflit avec ma belle-fille. J’avais alors pris contact avec mon notaire. Mon idée était que mes biens reviennent totalement à mes petits-enfants, que ma belle-fille n’en profite pas. Je ne pouvais pas totalement déshériter mon fils au profit de mes petits-enfants sans son accord. Mais 50 % de mon héritage serait allé directement à mes petits-enfants. J’ai changé d’avis depuis que nous avons retissé des liens. « 

L’héritage a une valeur symbolique: le patrimoine est aussi culturel.

Les motivations pour sauter une génération sont très diverses. Pour la Fédération royale du notariat belge, c’est clair, le saut de génération correspond à une évolution sociologique de la société :  » De nos jours, avec l’augmentation de l’espérance de vie, vos enfants héritent plus souvent à 50 ans qu’à 30 ans. Or, à 50 ans, leur parcours de vie est souvent déjà en grande partie tracé. Ils sont mariés, ont acheté une maison ou ont lancé leur société. Ils ont donc parfois moins besoin d’argent que vos petits-enfants. Vous souhaitez que votre succession revienne directement à vos petits-enfants à votre décès ? Le saut de génération fait partie des solutions... «  Cette démarche est donc positive. Du moins si elle est acceptée par tous, s’il n’y a pas d’arrière-pensées. Le saut de génération peut également être ressenti comme une injustice par les enfants.  » Je ne suis pas d’accord lorsqu’on dit que la génération intermédiaire n’a plus besoin de son héritage, s’insurge Sylvie L., 56 ans. Notre génération soutient, en effet, souvent durant de longues années, ses enfants qui peinent à trouver du boulot et à s’installer. Elle soutient en même temps ses parents âgés. Elle, qui n’a jamais connu le plein emploi, souffre également de la situation économique qui peut l’envoyer au chômage, avec très peu d’espoir de retrouver du travail au-delà de la cinquantaine. Et même quand ce n’est pas le cas, elle est bien consciente que les pensions belges comptent parmi les plus basses d’Europe, que l’épargne ne rapporte plus rien. Même si nous n’avons pas nécessairement besoin d’argent aujourd’hui, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de la majorité, nous aurons besoin d’argent pour financer notre vieillesse. Il faut déjà plus qu’une pension moyenne pour payer un lit et des soins en maison de repos ! « 

Il n’y a pas que l’argent !

Pour d’autres, par contre, comme le soulignent les témoignages recueillis plus haut, le saut de génération peut être envisagé comme un moyen de  » punir  » ses enfants. Et ce, sans briser totalement le lien avec sa descendance.  » L’héritage, comme l’enterrement, sera un repère très symbolique pour les survivants, écrit Patrice Cuynet, professeur de psychologie clinique. C’est un moment solennel de transmission pas uniquement matérielle, mais identitaire. Il y a réaffirmation du contrat narcissique (...) «  En psychologie, le contrat narcissique est un processus qui lie l’individu à sa famille dans la chaîne des générations. Il a pour objectif d’assurer la continuité de la lignée. Il est aussi porteur des valeurs des anciens. En clair ? Les grands-parents donnent du matériel, certes, mais aussi de l’immatériel sur le thème du  » tu te souviendras de moi « . Pour l’enfant privé d’héritage, le message reçu peut symboliquement être très bouleversant. Car outre le fait de ne pas recevoir des biens et de l’argent, on lui refuse aussi la transmission de valeurs. Tout n’est pas qu’argent dans un héritage.  » C’est parfois l’homme le plus pauvre qui laisse à ses enfants l’héritage le plus riche « , se plaisait à dire Ronald Ross, célèbre bactériologiste britannique.

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