DIRK DERAEDT MÉDECIN SPÉCIALISTE EN SOINS INTENSIFS, TIENT LA CHRONIQUE D'ÉVÉNEMENTS QUI LE TOUCHENT DANS SA PRATIQUE. © FRANK BAHNMÜLLER

Toute une vie sur l’écran

Devant moi, une femme est allongée sur la table d’opération. Elle a la soixantaine et souffre d’une calcification des artères coronaires. Angoissée, elle ne sait pas trop ce qui l’attend. Avant de l’anesthésier pour un pontage coronarien, je consulte son dossier. Et voici tout son historique médical qui défile devant mes yeux. L’opération des amygdales à l’âge de 20 ans. L’hypertension à 40. Des problèmes de thyroïde à la cinquantaine. Une dépression. Un rapport chirurgical mentionnant une ablation de l’utérus. Le tout avec des précisions extrêmement personnelles. Personne n’y a accès, à l’exception des équipes chargées de soigner cette patiente à un moment donné.

PERSONNE N’A ACCÈS À L’HISTORIQUE MÉDICAL DES PATIENTS... SAUF CEUX CHARGÉS DE LES SOIGNER !

Dans le temps, le dossier médical se limitait à une farde cartonnée, remplie de notes et de bilans, le tout classé plus ou moins soigneusement dans une armoire à archives. Aujourd’hui, les informations sont stockées sur le serveur de la clinique. Les membres du personnel ont accès aux dossiers via leur écran d’ordinateur, dans tous les services. À condition d’avoir des raisons suffisantes pour consulter ces historiques éminemment personnels. On pourrait être tenté de ne pas respecter cette règle : par envie de découvrir des informations sensibles sur un collègue, un voisin, une connaissance ou une personne célèbre... Autant d’aiguillons qui risquent de piquer la curiosité. Heureusement, la toute grande majorité des équipes soignantes ont une éthique professionnelle qui les empêche d’aller mettre leur nez dans des dossiers qui ne les regardent pas.

Des dérapages peuvent toutefois se produire. Il est arrivé qu’un membre du personnel (ni médecin, ni infirmier), attaché à une clinique universitaire, soit démis de ses fonctions pour avoir consulté sans autorisation le dossier d’un ministre de premier plan. Nos voisins néerlandais ne plaisantent pas avec ce genre de pratiques : un hôpital de La Haye a fait les gros titres, après que des membres de son personnel aient consulté sans autorisation le dossier d’une vedette du petit écran. L’autorité néerlandaise de protection des données a condamné l’hôpital à payer une amende salée – 460.000 ? – pour négligence.

Le secret médical est un principe primordial. Les cliniques et hôpitaux sont tenus de faire respecter au sein de leur personnel une culture de confidentialité et de discrétion. Ils doivent aussi veiller à garantir la sécurité des données personnelles de leurs patients.

Pour l’heure, la femme allongée devant moi, sur la table d’opération, a un autre sujet d’inquiétude : elle espère que l’intervention va bien se dérouler. Je lui promets que nous allons prendre grand soin d’elle. Elle me regarde, déjà rassurée. Juste avant de sombrer dans un profond sommeil artificiel, elle murmure :  » Je vous fais entièrement confiance ».

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