DIRK DERAEDT MÉDECIN SPÉCIALISTE EN SOINS INTENSIFS, TIENT LA CHRONIQUE D'ÉVÉNEMENTS QUI LE TOUCHENT DANS SA PRATIQUE. © FRANK BAHNMULLER

Souvenir de vacances

Ce sont les vacances. Tout est calme dans notre service. Survient un appel extérieur. La centrale d’alerte d’une société d’assistance voyage me met en liaison avec un autre continent : un médecin officiant dans un hôpital asiatique souhaite me parler. Depuis une petite semaine, son service des urgences a pris en charge une Belge d’une cinquantaine d’années qui souffre d’un traumatisme thoracique. Une promenade en scooter s’est achevée par une collision avec un étal de fruits. La femme souffre d’une forte lésion de la cage thoracique : elle est en soins intensifs et sous assistance respiratoire : plusieurs côtes cassées ont entraîné une lésion pulmonaire. Pour des raisons tout à fait compréhensibles, il est souhaitable qu’elle puisse continuer d’être soignée moins loin de chez elle. Son rapatriement est organisé.

À LA CINQUANTAINE ON EST ENCORE ASSEZ JEUNE ET BIEN PLUS SOLIDE QU’ON NE LE PENSE !

L’histoire pourrait s’arrêter là, sauf que l’infortunée touriste a rapporté dans ses bagages un souvenir indésirable : des bactéries multirésistantes. En l’occurrence des bactéries nosocomiales qui ont développé une résistance aux antibiotiques supérieure à la normale. C’est un phénomène bien connu dans tous les hôpitaux du monde, mais la problématique est particulièrement aiguë en Asie.

Quelques jours plus tard, lorsque la femme arrive dans notre service via transport spécialisé, nous la plaçons immédiatement en chambre d’isolement par mesure de précaution. Nous ne voudrions surtout pas répandre auprès d’autres patients la bactérie nosocomiale importée. Une sage précaution. Dans les cultures de notre département de microbiologie prospèrent trois types de bactéries porteuses d’un mécanisme qui annihile les effets de la toute grande majorité des antibiotiques. L’une d’elle est la fameuse bactérie SARM, un staphylocoque contre lequel on ne dispose plus que d’un seul antibiotique efficace.

À part son souci pulmonaire, la femme présente un assez bon état général. Son moral est excellent, surtout maintenant qu’elle a pu rejoindre la Belgique et ses proches, et elle reçoit de nombreuses visites.

Notre stratégie de soin semble paradoxale : nous décidons de stopper le traitement antibiotique démarré par notre confrère asiatique. En effet, nous pensons que, par rapport à la bactérie nosocomiale, il fait plus de tort que de bien. Nous préférons nous concentrer sur des exercices visant à renforcer les muscles respiratoires : le kinésithérapeute prend le relais au chevet de la malade. Avec succès. Notre patiente retrouve la force d’expectorer et se met à respirer plus librement. Au bout de quelques jours, elle peut se passer d’assistance respiratoire et quitter notre service de soins intensifs.

Cette femme a eu de la chance ? Même pas : pour une patiente en soins intensifs, 55 ans, c’est encore assez jeune. À cet âge-là, on est bien plus solide qu’on ne le pense !

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