© WIM KEMPENAERS

Sortez casqués!

Je découvre un homme ensanglanté et plutôt secoué dans le couloir de notre cabinet médical. Je viens de prendre mon sac et quelques affaires pour une visite à domicile, et ce détail ne lui a pas échappé. « Je ne veux pas vous déranger, docteur. Je voulais savoir si vous pouviez encore me recevoir aujourd’hui ». Il me montre ses blessures.

Il a fait une chute à vélo ce matin. « J’ai fait un écart pour laisser passer un autre cycliste qui arrivait à toute allure », me raconte Jean (*) lorsque j’ouvre la porte de mon cabinet pour le recevoir. Nous examinons ensemble sa joue droite, ses mains, ses genoux éraflés, et je décide de recoudre l’une ou l’autre plaie. Tout en préparant le fil et l’aiguille, j’apprends à mieux connaître Jean. C’est un homme de 85 ans, costaud et sportif. Il fait chaque jour du vélo, joue régulièrement au padel-tennis et marche beaucoup. Chapeau, il est est vraiment bien plus sportif que moi!

Jean a eu beaucoup de chance: malgré sa lourde chute, l’examen clinique ne révèle aucun symptôme alarmant. Il n’a pas perdu connaissance, ne souffre d’aucune perte de mémoire et ne s’est rien cassé. Comme il prend des anticoagulants, je lui prescris néanmoins un CT-scan du cerveau. Alerte et apparemment en forme, il sort du cabinet avec moi. Je dépose mon sac dans le panier de mon vélo et sors mon casque. Jean ne cache pas son enthousiasme. Du doigt, il m’indique son casque, tout cabossé: « Vous savez, docteur, c’est ce casque qui m’a sauvé la vie. Je suis content de voir que vous en portiez un, vous aussi! »

C’est à mes parents que je dois l’habitude d’en porter un: quand j’étais enfant, ils m’y ont obligée. Adolescente, je les maudissais, mais avec l’âge je n’ai eu qu’à me féliciter d’avoir pris cette bonne habitude. Aujourd’hui, la question: « Est-ce que vous portiez un casque? » est l’une de celles que je pose systématiquement aux patients que j’examine après une chute ou un accident de vélo (électrique ou non). Jean est l’un des rares qui m’ait répondu « Oui, bien sûr! ».

Une semaine plus tard, je le revois pour enlever les points de suture. Les blessures cicatrisent bien et son CT-scan n’a révélé aucune lésion cérébrale. Nous répétons à quel point il a eu raison de porter ce casque qui lui a évité de graves séquelles. La semaine précédente, il a finalement réussi à convaincre ses petits-enfants d’en porter un, eux aussi. « A vélo, on a beau être attentif, on ne contrôle pas tout... Il suffit qu’un autre véhicule fasse une embardée, et c’est l’accident. » Sur ces sages paroles, Jean repart. Dehors, je le vois enfiler son casque de vélo... flambant neuf.

(*) prénom fictif

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