Des mannequins des années 1940. © getty images

Sois fine ou tais-toi!

L’injonction à la minceur faite aux femmes ne date pas d’hier! Cela explique peut-être pourquoi il est si difficile de s’en défaire...

Dans l’imaginaire populaire, nourri des tableaux de Rubens où folâtrent des nymphes rondouillettes, les belles femmes de la Renaissance étaient avant tout bien en chair. Ce n’est que récemment que la minceur féminine aurait été érigée en canon de beauté. C’est inexact: l’injonction à la finesse des femmes est bien plus ancienne, puisqu’elle remonte (au moins) à la fin du Moyen-Âge. S’il a bien existé une époque où les courbes étaient considérées comme belles et désirables, celle-ci correspond à une époque antérieure, lorsque la famine n’était jamais loin. Georges Vigarello, historien spécialiste des représentations du corps, relève ainsi que dans les fabliaux du XIIIe siècle, on retrouve des descriptions de belles femmes « grasses et blanches et tendres », possédant de « beaux reins et grosses fesses ».

La femme trop gourmande est suspectée d’avoir d’autres appétits...

Au-dessus de la taille

Ce « prestige du gros » n’a qu’un temps: dès le XIVe siècle, les rondeurs manifestes deviennent suspectes et décriées. Dans le monde chrétien, qui distingue nettement le corps et l’esprit, le corps est le siège des pulsions, des bas instincts. Il convient de le maîtriser, de faire preuve de tempérance – et donc d’être mince – pour montrer sa dignité, son self control. N’oublions pas que la gourmandise est alors un péché capital! C’est encore plus vrai pour les femmes: leur éventuel embonpoint est d’autant plus scruté et mal vu qu’elles sont avant tout vues à travers le prisme de leur chair (la femme, c’est alors un corps qui enfante, mais qui aussi séduit et détourne du droit chemin). A l’époque, la minceur féminine est avant tout jugée aux parties supérieures du corps: la taille doit être fine et éventuellement resserrée, le cou élancé, les seins, petits et pommés. Les fesses et les cuisses, cachées sous les robes et les jupons, ne retiennent pas encore l’attention.

L’art du fantasme

Tout ceci est globalement toujours valable à la Renaissance: les courbes triomphantes des tableaux de Rubens ne seraient ainsi pas réellement un reflet des goûts de l’époque, mais plutôt des fantasmes et goûts personnels du peintre. Rubens, qui mène une vie austère et rigoureuse, met en peinture sa fascination pour un embonpoint synonyme de lascivité, d’ivresse et d’abandon, dans des compositions mythologiques qui permettent toutes les fantaisies. Ses portraits « réels » représentent au contraire des femmes parfois solidement corsetées.

Aux XVIIIe, une « objectivation » du surpoids commence à poindre, avec des notions telles que le tour de taille ou le poids. Cent ans plus tard, le ventre du bourgeois, s’il est moqué par les classes populaires, est aussi symbole de réussite et de prospérité. Les courbes de la bourgeoise, elles, sont avant tout interprétées comme un signe d’indolence et de paresse. La philosophe américaine Susan Bordo fait par ailleurs remarquer que la femme de l’ère victorienne qui est gourmande, goulue, est suspectée d’avoir d’autres appétits honteux... Le mythe de la « mangeuse d’hommes » est né.

Un miroir des capacités

La cellulite ne fait son apparition qu’au XXe siècle: décrite pour la première fois dans les années 20, elle était autrefois considérée comme quelque chose d’inhérent au corps féminin. Mais c’est un article de Vogue de 1973 qui en fera définitivement une ennemie à abattre, rappelle la journaliste française Mona Chollet. La recherche de la minceur atteint son paroxysme dans les années 80 et 90, avec des icônes telles que le top modèle Kate Moss ou le personnage de série Ally Mc Beal.

« Le modèle culturel de la minceur a toujours prospéré dans des périodes historiques où les femmes conquéraient de nouvelles positions dans le monde social et politique », écrit la journaliste dans son livre « Beauté fatale ». Comme si leur corps mince devait souligner leur sérieux, leur efficacité, leur rationalité. Sois fine ou tais-toi, donc. Rien n’aurait-il fondamentalement changé depuis le Moyen-Âge? Si cela s’avérait, en cette époque post « #metoo », le culte de la minceur devrait avoir encore quelques beaux jours devant lui...

Toutes les calories se valent-elles?

En moyenne, au repos, une femme et un homme dépensent respectivement 2.000 et 2.500 kilocalories chaque jour. Le calcul semble donc simple: pour ne pas stocker de l’énergie et grossir en menant une vie plus ou moins sédentaire, il suffirait de sélectionner aliments et quantités afin de ne pas dépasser ce seuil. De nombreuses méthodes de régime et applications permettent d’encoder les calories absorbées pour obtenir un récapitulatif quotidien. Mais en réalité, ce n’est pas si simple.

« Calculer ses calories sans veiller aux autres aspects de l’alimentation n’est pas pertinent, souligne Serge Pieters, professeur de diététique à la Haute-Ecole Léonard de Vinci. Il faut aussi prendre en compte les nutriments, lipides, fibres, protéines... Toutes les calories ne se valent pas: certaines sont dites vides, car elles n’ont aucune valeur nutritionnelle significative ajoutée. Il faut donc essayer de les limiter. » Ce sont par exemple les calories contenues dans le sucre, le pain blanc, l’alcool, l’huile de palme... « Elles n’apportent aucun nutriment au corps, mais en puisent parfois dans l’organisme pour être digérées.  » La qualité des calories absorbées, c’est-à-dire la quantité et la qualité des nutriments qui les accompagnent, est au moins aussi importante que leur quantité.

« De toute façon, chaque personne assimile et dépense les calories différemment, c’est assez compliqué à déterminer précisément. Mieux vaut se contenter de veiller à une alimentation équilibrée. » A noter que l’existence des « calories négatives », soit des aliments nécessitant plus d’énergie qu’ils n’en apportent pour être digérés (pamplemousses, brocolis, eau glacée...), très populaire dans certains régimes, a été scientifiquement infirmée.

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