Sophie Maquet - NOTAIRE

Sans entente, on tire au sort

Que se passe-t-il quand il y a des tableaux, des bijoux, un beau véhicule de collection dans la succession? La notaire Sophie Maquet répond à nos questions.

Les démarches sont-elles spécifiques quand on hérite d’un bien d’exception?

Au moment où quelqu’un décède, il faudra faire le screening complet du patrimoine du défunt et présenter cet inventaire à l’Administration fiscale. C’est sur cette base que l’Administration va vous taxer. C’est une déclaration spontanée de l’administré. C’est assez simple: « Papa possédait tout ça le jour où il est décédé et nous allons donc payer des taxes là-dessus en fonction de notre degré de parenté. » De cet actif brut, on va déduire tout le passif successoral c’est-à-dire les frais funéraires, de maladie, etc.

Alors, prenons le cas d’une belle voiture de collection qui sommeille dans le garage...

Si le véhicule est immatriculé, l’Administration fiscale a connaissance de ce véhicule. Généralement, pour estimer la valeur d’une voiture, il y a l’argus. Mais pour les voitures d’exception, il faut faire appel à un garagiste spécialisé qui va estimer sa valeur. Sachant que l’Administration fiscale n’est généralement pas plus équipée que le contribuable lambda pour coter ce type de bien, l’estimation donnée au fisc sera souvent en fonction de la bonne foi du déclarant. Certains seront tentés de déclarer le moins possible...

Et pour les tableaux, les oeuvres d’art?

Tout dépend s’il y a une assurance ou pas. Car l’Administration a connaissance des polices d’assurance et des valeurs déclarées. Donc, attention si vous avez surévalué vos tableaux pour les protéger contre le vol ou l’incendie, cela ne vous sera pas favorable. Bien entendu, on pourra toujours demander une « réduction » en argumentant que le peintre a vu sa cote s’écrouler. Par contre, si vous avez un Picasso...

Les bijoux?

S’ils sont dans le coffre de votre banque, le banquier devra effectuer un inventaire au décès et le transmettre à l’Administration. Nous conseillons à nos clients de les donner avant le décès. Une donation est avant tout un contrat, un écrit: « Je donne le tableau avec le moulin à ma fille » et on colle le double de ce document à l’arrière pour qu’au décès de papa, il arrive à son destinataire.

Et si les héritiers n’arrivent pas à s’entendre, on ne va pas couper un tableau en plusieurs parts égales?

C’est évident. Quand une situation est plus tendue, il y a partage judiciaire. Le rôle du notaire désigné en justice sera alors de faire des lots de valeurs équivalentes. On met des petits papiers numérotés dans un chapeau et une main innocente procède au tirage des lots. Et selon le tirage, vous recevrez un lot constitué d’une voiture, d’un terrain, d’oeuvres d’art... Les notaires doivent très rarement attribuer des tableaux de la sorte. C’est assez marginal pour le moment, mais comme nous vivons une drôle d’époque, l’art va probablement redevenir une valeur refuge.

Dans la plupart des cas, on trouve une solution...

Oui. Il faut d’ailleurs insister sur le rôle de médiateur du notaire et les formes de règlement alternatif pour ne pas en arriver là. Et de rappeler aussi l’importance de procéder à un pacte successoral de son vivant. Le partage se fait avec l’accord des enfants et cela évite bien des problèmes après le décès.

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