Dirk Deraedt, médecin spécialiste en soins intensifs, tient la chronique d'événements qui le touchent dans sa pratique. © FRANK BAHNMÜLLER

Quand un ex-patient nous rend visite

Les portes de l’aile des soins intensifs s’ouvrent. Au bras d’une infirmière, un homme s’approche. C’est un ex-patient Covid... Le duo s’arrête devant l’un des box, il est vide pour le moment, fait exceptionnel en cette période si chargée.

L’infirmière fait entrer l’homme dans le box et lui montre, autour du lit inoccupé, l’appareillage complexe prêt à servir pour traiter un futur patient. L’homme regarde autour de lui, comme hypnotisé. Sa main glisse sur le lit, puis sur la table de chevet. Son regard s’attarde sur l’horloge accrochée au mur, en face du lit. Il repense sans aucun doute à la période qu’il a passée ici, dans ce même espace, il y a six mois.

Mais quels souvenirs garde-t-il vraiment des huit semaines passées ici? Tout au plus de vagues fragments: le moment où il a dit au revoir à sa femme, qui lui a envoyé un baiser depuis l’écran de son smartphone, avant d’être plongé dans un coma artificiel de longue durée. Et sans doute aussi la dernière phase de sa prise en charge, l’interminable réveil pour sortir du délire si souvent constaté chez les patients hospitalisés en soins intensifs.

Je ne le reconnais pas. Puis, l’infirmière me dit son nom... Choqué, je vois de qui il s’agit. Quel contraste! Le patient de mes souvenirs s’est transformé en homme visiblement en pleine santé. Dans un flash-back, je repense au moment où il était dans un état critique. Son corps était si affaibli que l’équipe se demandait à haute voix si ce qu’elle faisait avait encore un sens. Les pressions respiratoires élevées, la défaillance des organes, les cathéters infectés, les escarres...

Un chemin de douleur sans réelle perspective de guérison. Certains ont laissé entendre que nous devions jeter l’éponge. Après une longue délibération, nous avions décidé de continuer malgré tout. Et nous avons bien fait! Une semaine plus tard, ce patient reprenait enfin le dessus.

Quel bonheur de voir cet homme à nouveau sur pied. La preuve vivante que les efforts intenses fournis par notre service ne sont pas vains! La visite s’achève. L’ex-patient nous donne un petit cadeau. Alors qu’il dépose le ballotin de pralines sur le comptoir, il s’adresse au personnel présent: « C’est grâce à votre persévérance que je suis encore en vie ». Puis il me murmure à l’oreille: « Vous savez, docteur, je ne suis plus aussi têtu, je me suis fait vacciner ».

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