Des cerisiers en fleurs à Tokyo. © Eric Valenne

Quand le Japon fête les cerisiers en fleurs

Le Pays du Soleil Levant ne manquerait pour rien au monde son rendez-vous annuel avec la fête des cerisiers en fleurs ou « hanami ». Elle ne dure qu’une bonne douzaine de jours selon la météo mais s’étale de mars à début mai du sud vers le nord.

Enraciné dans son passé, effervescent dans son présent et plus que jamais tourné vers le futur, l’archipel nippon livre au monde ses mégapoles gigantesques et leurs dizaines de millions d’habitants, son style de vie éreintant autant qu’étrange, ses inventions high-tech, sa nature autant vénérée que redoutée... Ajoutons un patrimoine architectural et historique extraordinaire, des traditions uniques au monde. Avec un grand raffinement dans tous les domaines, qu’il s’agisse de vie quotidienne, de gastronomie, d’architecture, de disciplines artistiques ou sportives et de festivités en tous genres.

Sakura Zensen

Alors que l’hiver sévit encore souvent en mars au nord de l’archipel, les prémices du printemps ont débuté au sud, situé à la même latitude que la Tunisie, comme à Kagoshima par exemple, la « Naples japonaise » au pied de son volcan sur l’île de Kyushu. Du littoral à la montagne, en pleine nature ou dans les parcs citadins, les arbres fruitiers et d’ornement entament leur floraison. Surtout des cerisiers mais également des pommiers, des pruniers, des cognassiers... Celle-ci va progresser vers le nord et poursuivre sa course printanière jusqu’à l’île d’Hokkaido pour s’y dérouler fin avril ou début mai, après être passée par Osaka, Tokyo et Kyoto ainsi que toutes les cités avec enfin Sapporo qui terminera les festivités à une latitude identique à celle de Paris.

La floraison des cerisiers, qui varie chaque année en fonction de la météo locale, est suivie de près et en temps réel par les médias.

La floraison qui varie chaque année en fonction de la météo locale est suivie de près et en temps réel par tous les médias. Cette progression est indiquée quotidiennement sur les cartes de l’archipel avec les dates prévues selon les zones du pays. Cette avancée de la floraison a pour nom « sakura zensen ». Elle symbolise la victoire du printemps sur l’hiver et le retour des beaux jours. Elle devient le principal sujet de conversation, depuis la première apparition des boutons jusqu’à l’ouverture gracieuse des fleurs, appelée période « mankai » qui en est l’apothéose et signifie « pleine floraison ». C’est alors que les foules prennent congé et vont photographier les arbres sous tous les angles, que les chaînes de télévision diffusent des émissions spéciales, que les femmes mettent leur plus beau kimono. Tout ce beau monde déambule dans les parcs et se prend en selfies.

Des fleurs artificielles prolongent la fête.
Des fleurs artificielles prolongent la fête.© Eric Valenne

Dans les magasins, les articles saisonniers et les décorations déclinent tous les roses de la nature, depuis les pâtisseries en forme de fleurs jusqu’aux boissons édulcorées à la cerise ou à la prune amère. Sans oublier les menus des restaurants ou encore les « ekiben », ces boîtes-repas vendues dans les kiosques et les gares qui revêtent un costume de circonstance pour emballer un contenu destiné à être mangé sur le pouce. Car le plus extraordinaire est leur emballage fait de papier pastel et de rubans soigneusement coupés et colorés. Ces boîtes à cadeaux vont délivrer leurs spécialités comme les sushis, les boulettes de riz, les omelettes sucrées, les poissons séchés... A accompagner d’eaux parfumées ou d’improbables boissons vendues dans des distributeurs très kitsch...

La cérémonie du thé à Kyoto.
La cérémonie du thé à Kyoto.© Eric Valenne

Hanami

Tous les jardins, parcs et châteaux du pays accueillent les fêtes d’hanami ou des cerisiers en fleurs. Ces moments intenses verront les Japonais admirer et surtout fêter cette grâce printanière qui symbolise la beauté, le renouveau, la pureté, la fragilité, la jeunesse mais également l’éphémère. Un événement qui fait partie du patrimoine festif nippon depuis plus de mille ans. D’ailleurs, le mot « sakura » (prononcé saküra) résonne en trois syllabes et signifie simplement cerisier. C’est aussi un air de musique imprégné de nostalgie qui enchante le patrimoine national. Vous l’avez certainement déjà entendu. Sa magie intemporelle toujours accompagnée de koto (harpe japonaise) est chantée par une douce voix féminine et symbolise l’esprit du Japon...

Le jardin du château médiéval d'Hirosaki.
Le jardin du château médiéval d’Hirosaki.© Eric Valenne

Bref, entre fête et recueillement, la période « hanami » est un délicieux prétexte pour se promener dans l’un des milliers de parcs et jardins dont ce pays a le secret, y naviguer en barque sur les étangs et les canaux qui reflètent les arbres. Et s’il fait beau, y déployer de grandes bâches sur l’herbe pour y pique-niquer sous les branches chargées de fleurs, faire la fête et trinquer entre couples, en famille, entre amis, collègues ou groupes d’étudiants. Un moment qu’on peut rattacher à la tradition animiste et shinto, mêlée d’esprits de la nature et de phénomènes naturels. Car les croyances veulent que des kamis (divinités) habitent ces arbres et annoncent le retour des beaux jours et la plantation du riz, dont le saké est issu. Il coulera à flot et permettra notamment de désinhiber la timidité légendaire des Japonais. Lesquels n’hésitent donc plus à parler plus fort, à rire aux éclats, à blaguer et chanter. Et plus que probablement à vous inviter à trinquer avec eux...

Un moment de sérénité absolue dans un parc.
Un moment de sérénité absolue dans un parc.© Eric Valenne

La cérémonie du thé

Du début à la fin de la floraison, il se passera une grosse dizaine de jours maximum, depuis l’éclosion de la fleur à la plénitude des splendides pétales qui s’envolent lors de leur chute en tourbillons blancs ou roses comme des averses de neige. Plus calme et réservée, il y a également la cérémonie du thé ou cha-no-yu... Celle-ci offre à goûter un breuvage soigneusement préparé en général par des femmes habillées pour la circonstance. Maniant la poudre de thé, la carafe, les tasses et la petite brosse avec une dextérité religieuse, elles servent un breuvage presque insipide pour les Occidentaux. Presque, la nuance est là, car il faut y déceler un goût subtil. Et de ce fait, participer à une démarche un peu spirituelle qui consiste à goûter un thé préparé d’une manière lente, précise et mesurée. Tout cela en vue d’accéder au « wabi », le calme de l’âme dans sa simplicité. Certains jardins disposent d’un petit bâtiment de bois appelé chaniwa, une bâtisse essentiellement dédiée à la cérémonie du thé.

Une famille pose pour la photo...
Une famille pose pour la photo...© Eric Valenne

Natsukashi

Si cette période symbolise le renouveau, elle relate également la fragilité éphémère de la beauté, de la jeunesse et de l’existence. Pour nombre d’étudiants, c’est la fin de l’année scolaire et un nouveau départ, celui de l’entrée sur le marché du travail pour les nouveaux diplômés. Comme un page qu’on tourne entre deux chapitres de la vie. Le mot « natsukashi  » exprime cette nostalgie mélangée de bonheur et de douce mélancolie. Une nostalgie qui frappe un peu comme chez nous les amoureux des fêtes de fin d’année lors de la rentrée de janvier... Mais toujours est-il que la période de la fête de hanami est un des moments les plus précieux à vivre pour comprendre l’âme, le coeur et l’esprit du Japon. Et heureusement, cela revient chaque année...

Pratique

Y aller: vols directs de Bruxelles à Tokyo les mercredis et samedis avec All Nippon Airways https://www.ana.co.jp/fr/fr/. Le tour-opérateur belge 7PLUS propose un citytrip à Tokyo (6 jours / 4 nuits) à partir de 1.775 ? et voyages à la carte. www.7plus.be/fr/

Inscriptions en kanji (alphabet chinois).
Inscriptions en kanji (alphabet chinois).© Eric Valenne

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