© WIM KEMPENAERS

Pas qu’un mal de dos...

Un peu désemparée, j’observe l’homme qui se tient en face de moi. Voilà environ trois semaines qu’il se plaint de maux de dos. En soi, rien de très particulier. La plupart de mes patients se contentent de rester dans un fauteuil en attendant que ça passe... ce qui ne fait souvent qu’amplifier la douleur! Pour revenir à cet homme, il a choisi de rester actif: marche, natation, sauna aux infrarouges, séances chez l’ostéopathe... Sans succès. Etonnant puisque l’exercice physique, la chaleur et les massages auraient dû détendre ses muscles.

Demain, il doit revoir son ostéo, mais comme la douleur a tendance à devenir insupportable, il est venu aux urgences où je travaille en ce moment, pendant le volet hospitalier de ma formation. En soi, l’idée des séances d’ostéopathie n’est pas mauvaise, mais il aurait mieux valu que l’homme consulte avant toute chose, afin de s’assurer que la douleur est bien d’origine musculaire. Car pour tout dire, je n’en suis plus si sûre. Le patient m’explique qu’il a des accès de douleur qui le font se tordre de mal. Pas vraiment typique d’un lumbago. De plus, il ne semble pas vraiment bloqué dans ses mouvements lorsque je l’examine, mais la région de son rein gauche est très sensible.

Le fait que je sois une femme semble le gêner mais il finit par prendre son courage à deux mains.

Je commence à me demander s’il ne s’agit pas d’un calcul ou d’une infection rénale. Je lui demande donc un échantillon d’urine. Le verdict tombe quequelques instants plus tard: rien ne confirme ce diagnostic. Je m’interroge à nouveau... Tout cela ne colle pas. Je consulte le dossier du patient, à la recherche d’un indice, d’une pièce manquante. Soudain, je tombe sur une brève note de l’infirmier en charge du triage à l’hôpital. Mon collègue a noté que le patient a brièvement mentionné à son arrivée qu’il avait un testicule gonflé.

Je retourne en hâte dans son box aux urgences. Je lui demande s’il a d’autres symptômes que ce mal de dos. Le patient détourne le regard et rougit. Le fait que je sois une femme semble le gêner mais il finit par prendre son courage à deux mains. Oui, il a aussi un testicule gonflé mais indolore depuis plusieurs semaines. Mais comme ça ne fait pas mal, ce n’est rien, n’est-ce pas? Or, c’est justement cela qui me fait tiquer. Après m’avoir permis de l’examiner à nouveau, j’envoie le patient au service d’imagerie pour une échographie des testicules.

Ce que je craignais est confirmé: cet homme a un cancer du testicule. La douleur est causée par la présence d’une métastase qui obstrue le drainage du rein gauche. Avant de communiquer la mauvaise nouvelle, j’appelle l’urologue de garde pour qu’il m’informe de la suite des événements. Celui-ci, très humain et bienveillant, décide de m’accompagner pour répondre avec moi aux questions que le patient ne manquera pas de poser. Il faudra envisager un traitement sans trop tarder, mais grâce à la présence du spécialiste, l’homme se sent en de bonnes mains. Quand je repars le soir, après mon service, il est à la cafétéria. Occupé à parler avec des amis, il lève une main quand il me voit passer. Et je le sens: il ne manquera pas de courage.

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