Le jardin botanique. © Frédéric Raevens

Louvain: l’université se découvre à vélo!

C’est l’une des plus vieilles universités d’Europe: la KULeuven fêtera bientôt ses 600 ans. Un patrimoine et une histoire à découvrir en selle, dans la ville et ses environs.

Dans le petit matin frais, les effluves de bière éventée s’échappent encore des devantures des cafés, souvenirs d’une soirée bien arrosée. Des centaines de bicyclettes prennent peu à peu le chemin des auditoires, s’entrecroisant dans un ballet compliqué mais parfaitement synchronisé, au milieu des rues médiévales tortueuses. Poser le pied à Louvain en semaine, c’est directement ressentir le coeur de la ville, battant au rythme de son université. Chaque année, plus de 60.000 étudiants – dont 10.000 en provenance de l’étranger – viennent ici se former. Ce sont les héritiers d’une histoire de près de 600 ans.

Pour découvrir ce patrimoine, nous avons rendez-vous aux Halles universitaires, là où tout a commencé. « Initialement, il s’agit d’une simple halle de commerce: Louvain, comme beaucoup de villes flamandes, vend du drap à l’Angleterre, explique la guide Benedicte Verstraete. Une crise économique, au début du XVe siècle, rend le bâtiment en partie inoccupé: histoire de rentabiliser l’espace, la ville a un coup de génie et décide d’y créer une université. » En 1425, Louvain reçoit du pape l’autorisation de donner cours. Rapidement, cinq facultés sont créées: le droit civil, le droit canon, la médecine les arts et la théologie y sont désormais enseignés. Pendant deux siècles, les professeurs partagent les halles avec les quelques négociants en textile encore présents!

L'hôtel de ville, toujours impressionnant!
L’hôtel de ville, toujours impressionnant!© Frédéric Raevens

Une petite république

Les universités se comptant sur les doigts d’une main à l’époque, Louvain devient rapidement un grand centre de pensée européen. Il se caractérise par un certain progressisme, sous l’influence de personnalités telles qu’Erasme ou Juste Lipse. Jusqu’en 1816, il s’agit de la seule université existante sur le territoire de l’actuelle Belgique. Durant tout l’ancien régime, elle constitue une sorte de « ville dans la ville », presque une petite république autonome, bénéficiant de nombreux privilèges: le recteur, élu pour une durée d’un an, a préséance sur tous les magistrats de la cité, possède un droit de justice sur les étudiants (réputés pour être turbulents, déjà à l’époque)... tandis que l’université possède ses propres caves à vin, qui échappent aux taxes municipales.

La statue de la Kotmadam montre un femme épuisée... et courtisée?
La statue de la Kotmadam montre un femme épuisée... et courtisée?© Frédéric Raevens

Au fur et mesure que passent les siècles, l’université se développe intra-muros, donnant notamment naissance à un amphithéâtre de dissection et au plus ancien jardin botanique de Belgique (1738), toujours visitables. Tous les cours se donnent alors en latin.

Internationale avant l’heure

Et puisqu’il faut bien nourrir et loger les étudiants venus des quatre coins d’Europe, la cité s’emplit petit à petit d’une quarantaine de « collèges », riches hôtels particuliers mis à disposition des étudiants, sélectionnés selon leurs études et/ou leur origine géographique. On y dispense le gîte... mais aussi des enseignements! Nombreux sont ceux qui méritent encore aujourd’hui le coup d’oeil: certains abritent désormais des facultés (le Collège du Roi contient d’ailleurs un cocasse petit musée des sciences naturelles), mais d’autres ont conservé leur vocation première, comme le Collège du Pape (1523).

Évidemment, hier comme aujourd’hui, tout le monde ne parvient pas à y dénicher une chambre. Les malchanceux doivent trouver à se loger chez l’habitant, dans de petits cagibis, ce qui donne naissance à une spécificité étudiante bien belge, originaire de Louvain: les kots. « Sur l’Oude Markt, on retrouve d’ailleurs la statue de la Kotmadam. Il s’agit d’une femme louant des chambres et jouant quelque part le rôle de maman de substitution, s’occupant du linge, des repas et consolant à l’occasion les étudiants broyant du noir, explique Benedicte Verstraete. C’est que les étudiants ne rentraient pas chez eux le week-end. Ils restaient ici toute l’année, souvent jusqu’aux vacances d’été. Enfin... C’était surtout le cas quand les voyages prenaient du temps, avant la Première Guerre mondiale... »

L'Oude Markt et ses terrasses prisées par les étudiants.
L’Oude Markt et ses terrasses prisées par les étudiants.© Frédéric Raevens

Le choc de 14-18

L’année 1914 constitue d’ailleurs un moment charnière dans l’histoire de l’université. La ville est alors mise à feu par l’occupant, et de nombreux bâtiments sont incendiés. La riche bibliothèque universitaire n’échappe pas aux flammes. Mais l’institution n’en ressort que plus forte: la bibliothèque est reconstruite un peu plus loin, dans un style néo-renaissance grâce à des dons venus du monde entier, notamment des USA. Certes, il s’agit de « faux vieux », mais n’hésitez pas à visiter ses intérieurs et sa tour, qui demeurent impressionnants et offrent un beau panorama sur la ville. Après guerre, les facultés font aussi l’acquisition, hors de la ville, du superbe château d’Arenberg et de son domaine, qui appartenaient à une famille noble d’ascendance allemande. Les lieux regroupent aujourd’hui la plupart des facultés de sciences appliquées. « C’est pour cela que le vélo est si important: les bâtiments universitaires sont disséminés un peu partout, dans et hors de la ville. Louvain n’est absolument pas pratique en voiture et les distances sont trop longues que pour tout faire à pied. »

Le château d'Arenberg.
Le château d’Arenberg.© Frédéric Raevens

Désormais 100% flamande, l’université continue son développement et, sans renier son passé, regarde résolument vers le futur. Elle a ainsi repris l’ancien béguinage pour en faire des logements destinés aux professeurs invités étrangers et aux collaborateurs scientifiques. Elle réserve aussi de belles surprises aux amateurs de modernisme. Un exemple ? Le campus Groep T, sur la Vesalius straat, est consacré aux nouvelles technologies et s’ouvre sur une rampe hélicoïdale du plus bel effet, symbolisant le difficile parcours de l’étudiant. Mais rassurez-vous: celle-là, on ne vous demandera pas de la monter à vélo!

Pratique

Infos pratiques, visites guidées et adresses des différents lieux mentionnés ici: www.visitleuven.be

Possibilité de louer des vélos via Leuven Leisure: www.leuvenleisure.com

Les escaliers monumentaux des halles universitaires.
Les escaliers monumentaux des halles universitaires.© Frédéric Raevens
La rampe du Campus Groep T.
La rampe du Campus Groep T.© Frédéric Raevens
Le Collège du Pape, fraîchement restauré.
Le Collège du Pape, fraîchement restauré.© Frédéric Raevens
Le béguinage, classé à l'Unesco.
Le béguinage, classé à l’Unesco.© Frédéric Raevens
Le moulin à eau, dans le parc du Château d'Arenberg, fonctionne toujours!
Le moulin à eau, dans le parc du Château d’Arenberg, fonctionne toujours!© Frédéric Raevens

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire