L'hôtel de ville, chef-d'oeuvre gothique. © FRÉDÉRIC RAEVENS

Les charmes discrets d’Audenarde

Tout amateur de cyclisme a déjà vu du ciel Audenarde, ville d’arrivée du Tour des Flandres. Mais la cité scaldienne possède bien d’autres atours, comme ses tapisseries, et mérite qu’on s’y attarde.

Il faut se méfier des petites villes de province. Elles cachent souvent bien leur jeu, ne livrant leurs charmes insoupçonnés qu’à ceux qui prennent le temps de s’y attarder. Au détour d’une rue, dans une église ou un musée, le visiteur n’est pas à l’abri d’y rencontrer un chef-d’oeuvre atypique ou les traces d’un savoir-faire autrefois mondialement reconnu. Si, aujourd’hui, Audenarde est chaque année sous les feux de la rampe grâce au Tour des Flandres, qui y a placé sa ligne d’arrivée (voir encadré), elle bénéficie d’un relatif anonymat le reste du temps. Qui se douterait que cette petite ville des Ardennes flamandes recèle un passé prestigieux? Et pourtant, pendant des siècles, ses tapisseries ont été exportées aux quatre coins de l’Europe.

La halle aux draps accueille les tapisseries du Mou.
La halle aux draps accueille les tapisseries du Mou.© FRÉDÉRIC RAEVENS

Un savoir-faire qui trouve son origine durant la Guerre de Cent-Ans (1337-1453). « Avant ce conflit, comme de nombreuses villes flamandes, Audenarde entretenait des liens assez forts avec l’Angleterre, vers laquelle elle exportait ses draps de laine, explique Michel Debaets, guide à la ville. Ce commerce va prendre fin avec la guerre, et les artisans de la région vont devoir trouver un autre débouché pour la laine. Ils vont commencer à en faire des tapisseries, en bénéficiant du savoir-faire de tapissiers ayant fui Arras, ravagée par les luttes entre Bourguignons et Français. » Le succès ne se fait pas attendre et atteint son apogée au XVIe et au début du XVIIe siècle: on retrouve alors des tapisseries d’Audenarde chez nombre de puissants de ce monde, jusque dans les palais et riches demeures de Florence ou de Madrid. La ville est alors surtout réputée pour la finesse de ses « verdures », des scènes profanes emplies de motifs végétaux, dans lesquelles évoluent animaux exotiques et fantastiques.

Le parc à l'anglaise Liedts.
Le parc à l’anglaise Liedts.© FRÉDÉRIC RAEVENS

Pour la petite histoire, c’est à cet époque que Charles Quint, de passage dans la ville, tombe sous le charme d’une voluptueuse fille de tapissier. En résulte une brève idylle et la naissance d’une fille « naturelle ». Reconnue par son père – qui assume le plus souvent les fruits de ses amours extra-conjugaux -, l’enfant deviendra Marguerite de Parme, future épouse d’Alexandre de Médicis, puis d’Octave Farnèse, avant de devenir gouvernante des Pays-Bas. Comme quoi, la tapisserie mène à tout...

Une belle boîte à trésors

L’âge d’or des Verdures est aujourd’hui révolu mais, à Audenarde, il en reste de nombreuses traces inscrites dans la pierre. Il suffit, pour s’en rendre compte, de contempler l’hôtel de ville gothique qui trône aujourd’hui avec magnificence sur la Place du Marché. Si, du dehors, il en impose, ses intérieurs méritent également le coup d’oeil: les anciennes salles du peuple et des échevins abondent de détails, dont un étonnant « portail des courants d’air », sorte de sas de bois abondamment sculpté et chargé de conserver la chaleur. Et pas la moindre tapisserie à l’horizon? Rassurez-vous: elles sont juste un peu plus loin. Une partie du bâtiment et la halle aux draps contiguë abritent le Mou, le musée d’Audenarde et des Ardennes flamandes. Celui-ci contient près d’une vingtaine de tapisseries locales d’une grande finesse, aux couleurs bien préservées, dans lesquelles abondent les détails.

Pamele.
Pamele.© FRÉDÉRIC RAEVENS

À l’heure où vous lisez ces lignes, on ne saurait que vous conseiller de vous y rendre au plus vite: jusqu’au 6 novembre, les lieux accueillent également une exposition temporaire consacrée à la représentation animale dans la tapisserie, doublant les collections textiles de pièces venues d’Enghien ou de Grammont, villes proches, autrefois elles aussi centres de production. L’exposition donne également accès à un amusant cabinet des curiosités, dans lequel trônent squelette de dragon et autres étrangetés animales ou exotiques. Et au détour d’un couloir, peut-être aurez-vous la chance de voir la dernière restauratrice de la ville, à l’oeuvre sur son métier à tisser! Des démonstrations sont prévues chaque mardi et jeudi après-midi.

Le minuscule béguinage.
Le minuscule béguinage.© FRÉDÉRIC RAEVENS

Si c’est petit, c’est joli

Vous l’aurez compris, l’hôtel de ville constitue l’atout majeur d’Audenarde. Il serait pourtant dommage de s’y cantonner et de ne pas flâner dans les vieilles rues. À défaut d’être toujours extraordinaires, les nombreux bâtiments historiques constituent autant de petites surprises, sans réelle prétention mais souvent pittoresques, charmantes ou cocasses: parc à l’anglaise, quartiers de l’évêque, improbable « halle aux viandes – bibliothèque » ... Un exemple parmi d’autres: le minuscule béguinage, havre de paix et de tranquillité, s’avère finalement plus mignon que ses frères des grandes cités.

Au fil de vos pérégrinations, vos pas finiront immanquablement par vous mener sur les rives de l’Escaut. Avis aux amateurs de vélo qui préfèrent les terrains plats aux grimpettes du Vieux Quaremont ou du Paterberg: les berges ont été aménagées pour les cyclistes en aval et en amont, permettant de se mitonner facilement un périple vers Tournai ou Gand. C’est aussi au bord du fleuve que se situe la plus jolie vue de la ville, offrant un panorama sur le quartier de Pamele. « Au Moyen-Âge, il s’agissait d’une ville à part entière, rivale d’Audenarde, située sur l’autre rive, détaille Michel Debaets. Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle que les deux cités vont fusionner. » Aujourd’hui, ce quartier longtemps délaissé est en pleine revitalisation, mais n’hésitez pas à traverser un pont vous vous y perdre. Il abrite notamment la petite église Onze-Lieve-Vrouwe, très bel exemple de gothique scaldien. Si vous en avez l’occasion – l’endroit est malheureusement souvent fermé -, pénétrez à l’intérieur. Richement doté, il contient une particularité plutôt rare dans nos régions: un gisant à double étage, typique de la Renaissance. Les défunts y sont idéalisés sur le premiers plateau... et représentés à l’étage inférieur sous forme de « transis », dépouilles décharnées très réalistes.

Le Centre du Tour des Flandres.
Le Centre du Tour des Flandres.© FRÉDÉRIC RAEVENS

Mais il serait dommage de terminer la visite sur une note macabre... Pourquoi ne pas retourner sur la place du marché boire un verre? Audenarde est en effet la patrie de la « vieille brune flamande », bière tirant sur le brun-rouge et délicatement acidulée. A sa grande époque, la ville ne comptait pas moins de 17 brasseries! Il en reste aujourd’hui cinq, dont la célèbre brasserie Liefmans. Mais, tant qu’à faire, optez plutôt pour l’une des quatre autres, à la production bien plus confidentielle.

Infos: www.mou-oudenaarde.be et www.oudenaarde.be

Dans la roue des champions

Aux alentours du mois d’avril, les Ardennes flamandes se couvrent de cyclistes, amateurs ou chevronnés, désireux de voir leurs idoles ou de s’essayer à quelques montées mythiques du Tour des Flandres. Pour ceux-ci, et ceux qui passeraient dans la région hors saison, le Centre du Tour des Flandres d’Audenarde constitue un passage obligé: ce musée interactif permet de vivre le Tour de l’intérieur grâce à des vélos couplés à des écrans, des objets de légende, des interviews de champions et quantité d’anecdotes. Les lieux constituent aussi l’endroit idéal pour débuter une balade à deux-roues, puisqu’ils proposent la location de vélos de course, plusieurs itinéraires, des vestiaires et des douches. Allez, hop, en selle!

Infos: www.crvv.be.

Un petite surprise parmis d'autres: un jardin-potager en plein centre-ville.
Un petite surprise parmis d’autres: un jardin-potager en plein centre-ville.© FRÉDÉRIC RAEVENS

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