Le pays en-dessous de la mer

Elle est la plus proche de chez nous et ce n’est pourtant pas la province des Pays-Bas à laquelle on pense d’emblée pour un séjour. Discrète et sauvage, la Zélande a gardé cet aspect de terre de pionniers, semée de petites cités historiques secrètes et de ports tranquilles.

Ecartelée entre Escaut oriental et occidental, la Zélande est une région à fleur d’eau où la mer et la terre se sont de tout temps disputé le premier rôle. D’inondation en inondation, des villages ont été submergés tandis que des terres autrefois marines ont été patiemment asséchées par l’homme. C’est ce qui a forgé son caractère si particulier...

Babelutes et bolus

Face à la mer du Nord, l’île de Walcheren est quadrillée de canaux et de bras de mer et réserve son lot de belles surprises: de loin en loin, les tours et les moulins se dressent comme des balises dans le paysage. Et puis soudain, on aperçoit une voile se déplacer comme par magie au-dessus de l’horizon. En s’approchant, on découvre une galiote, un clipper ou un klipperaak, l’un de ces vieux gréements qui sillonnaient les fleuves et les côtes néerlandaises il y a des siècles déjà et qui font toujours partie de ce qu’on appelle la « flotte brune ». Une marine hétéroclite que l’on retrouve amarrée dans tous les petits ports de la région, tel celui de Veere, jadis florissant et ouvert sur la mer.

Avec la fermeture du Veerse meer, la cité s’est enveloppée d’une atmosphère endormie, un peu à l’image de Bruges, gardant intacts ses bâtiments anciens: du superbe hôtel de ville à la grande église en passant par les vieilles maisons des commerçants écossais du XVIe siècle. Comme cette boutique surannée qui propose 1001 bonbons à l’ancienne et ce marché qui se tient une fois par semaine en été où tous les vendeurs sont vêtus du costume traditionnel. Les sabots claquent sur le pavé, les dentelles sont d’une finesse inouïe et les produits touchent tous à l’âme de la province: babelutes, fromages, beignets, bolus ou encore étoffes en laine.

De Veere, le canal de Walcheren traverse les terres en direction de l’Escaut occidental. Sur sa route, on passe par Middelbourg, la capitale provinciale. De loin déjà, on voit dépasser des toits « Lange Jan » qui culmine à plus de 90 mètres. Cette tour octogonale fait partie de l’abbaye médiévale attenante. Au bout de ses 207 marches, on peut admirer toute la ville d’en haut et, par beau temps, porter la vue jusqu’aux îles avoisinantes.

Walcheren, archi zélandaise

Walcheren est sans doute l’île où les traditions sont restées les plus ancrées. Quelques dames portent encore le costume local tout en dentelles et bijoux fins. Et puis il y a le « ring- rijden », un véritable tournoi équestre à la zélandaise que la noblesse locale pratiquait déjà au Moyen Age. Chaque saison, les villages accueillent à tour de rôle ces insolites joutes d’adresse aux règles bien précises. Les cavaliers, à cru sur un cheval de trait zélandais délicatement harnaché, doivent attraper au galop au moyen d’une lance un anneau qui, bien évidemment, sera de plus en plus petit au fur et à mesure de l’avancement de l’épreuve.

Sur l’autre rive, l’île de Noord- Beveland est la dernière conquise sur la mer et se targue d’être la partie la plus ensoleillée des Pays-Bas. Ici, des champs à perte de vue et seulement quelques villages. Dont Colijnsplaat, charmant petit port de pêche où poissons et crevettes sont vendus à la criée. Autre point d’attraction: la plus large plage de la mer du Nord, De Banjaard, bordée de dunes gigantesques. Ici, tout est resté à l’état naturel, hormis quelques bars de plage sur pilotis pour boire un verre ou manger en terrasse. Un site qui prend un petit air de Californie par beau temps!

Pour encore plus de quiétude, on prend la direction de Tholen et de Sint Philipsland, la plus petite île habitée de Zélande. De là, on rejoint la région la plus septentrionale de la province: Schouwen-Duiveland et sa jolie cité de Zierikzee. Une ville historique de plus, très prospère au Moyen Age. Un entrelacs de ruelles bordées de petites maisons de pêcheurs. Son port intérieur est entouré des riches demeures de négociants et d’armateurs. Plus que toute autre île, Schouwen-Duiveland a été ravagée par les inondations. En témoigne cette tour perdue (Plompe Toren) en bordure de mer, ultime vestige du village englouti de Koudekerke. D’en haut, on distingue la haute digue qui barre désormais la route aux fureurs de la mer.

L’atlantide zélandaise

En venant du nord, on peut désormais s’engouffrer dans un tunnel qui s’enfonce sous les eaux de l’Escaut pour rejoindre la Flandre zélandaise, cette portion des Pays-Bas jusqu’alors isolée du reste du pays. Toute cette côte qui longe l’Escaut occidental constitue le plus vaste ensemble marécageux d’Europe de l’ouest. À chaque marée, l’eau saumâtre inonde une grande partie de la région, laquelle fonctionne comme une sorte d’éponge. Ces marécages et ces polders portent des noms qui évoquent à eux seuls ce qu’on y découvre: « Verdronken land van Saeftinghe », « Zwarte Polder », sans oublier, aux confins de la Zélande... le Zwin. A un jet de la frontière, la jolie cité fortifiée de Hulst, la ville la plus flamande des Pays-Bas offre un dernier parfum de Zélande avant de retrouver notre pays.