Guy Legrand, ancien rédacteur en chef de cash! © FRANK BAHNMÜLLER

Le grand retour de l’inflation

Je vous parle d’un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître... pour paraphraser Aznavour: le temps de l’inflation. Vous vous souvenez de ce qu’on affirmait l’été dernier, quand le phénomène est apparu? Il restera marginal et, surtout, temporaire. On est loin du compte! En Belgique, mesurée à 12 mois d’écart, l’inflation a finalement pointé à 5,71 % en décembre, venant de 2,86% en septembre... et de 0,26% à peine en janvier. C’est ce qu’on appelle une flambée! En cause: l’énergie, comme chacun sait. Toujours entre décembre 2020 et décembre 2021, le gasoil de chauffage a progressé de 33% et l’électricité de 44%, tandis que le gaz explosait de 97%.

Calculé en moyenne pour l’ensemble de l’année, le chiffre est forcément beaucoup moins élevé, puisqu’on partait de presque zéro en janvier: on arrive à 2,44% en 2021, contre 0,74 % seulement en 2020, en raison de la crise. Ce n’est pas encore énorme et il suffit de remonter à 2012 pour trouver un chiffre plus élevé (2,84%). Il en ira toute autrement cette année. Le Bureau du Plan attend en effet un taux moyen de 6% durant le premier semestre, que le repli progressif du second ne ferait fléchir qu’à 5% environ pour l’ensemble de 2022. Sans être monstrueux (rien à voir avec les plus de 12,5% relevés en 1974 et 1975, suite à la flambée des prix du pétrole, un épisode resté dans l’histoire comme étant le « premier choc pétrolier »), on se situerait quand même au plus haut depuis 1984 et ses 6,36%. Fameux changement d’époque, n’est-ce pas?

RENFORCÉE PAR LA HAUSSE DES SALAIRES, L’INFLATION SERA PLUS DURABLE QU’AFFIRMÉ L’AN DERNIER.

L’envol des prix énergétiques n’est pas seul en cause. Comme les médias s’en sont largement fait l’écho, on observe des pénuries dans un tas de domaines, du bois de charpente pour la construction aux semi-conducteurs (aussi appelés puces électroniques) indispensables aux voitures, ordinateurs et autres GSM, en passant par... les graines de moutarde, mais oui! Et quand la demande augmente alors que l’offre diminue, les prix s’envolent. C’est vrai au niveau mondial comme sur les marchés de quartier. Il y a cependant autre chose encore...

L’an dernier, pour expliquer la probabilité d’une inflation temporaire, les économistes rappelaient que l’envol des prix ne devient durable que lorsque les salaires suivent à leur tour. L’explication est simple: le prix du pétrole peut rechuter, comme celui du bois, mais pas le niveau des salaires.

Or, si l’on observera une inflation des salaires cette année en Belgique, en raison de l’indexation automatique, les États-Unis sont entrés dans cette seconde phase dès la fin 2021. La rémunération des « petites mains », dans l’e-commerce, a parfois progressé de 10% ou plus. Réponse à la pénurie de main-d’oeuvre, accentuée par le départ à la retraite prématuré de millions d’Américains. La conclusion est limpide: l’inflation sera carrément plus durable qu’affirmé l’été dernier!

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