Le secrétaire d'Etat à la Protection des consommateurs, Eva De Bleeker. © BELGAIMAGE

Le consomateur est-il vraiment bien protégé?

Nous achetons en ligne, y compris à l’étranger, auprès d’entreprises ou à d’autres consommateurs par le biais de plateformes numériques. Nous achetons des produits, tout comme des services. Et évidemment, nous devons aussi veiller à éviter les fraudeurs.

Rien n’évolue autant que le droit de la consommation. Depuis peu, les règles relatives à la garantie légale s’appliquent aussi aux contenus numériques, tels que le streaming et le stockage dans le cloud. Et puis, il y a l’actualité: les consommateurs sont confrontés à toutes sortes de hausses de prix et à de longs délais d’attente. Protéger au mieux les consommateurs dans une société en pleine mutation, c’est la tâche de nos responsables politiques. Rencontre avec Eva De Bleeker, secrétaire d’État à la Protection des consommateurs qui, avec le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne, a pour mission de défendre les consommateurs et planche sur une nouvelle législation.

Nous collaborons avec les services d’inspection pour éliminer les entreprises malhonnêtes à l’échelle européenne.

Vous êtes secrétaire d’État à la Protection des consommateurs, une matière qui évolue...

On oublie souvent que la protection des consommateurs est assez récente. Les économies d’échelle mises en oeuvre après la Seconde Guerre mondiale ont créé un déséquilibre entre des entreprises de plus en plus grandes et leurs clients. Les consommateurs ne pouvaient plus faire valoir leurs droits. Ensuite, le législateur a imposé certaines règles, notamment dans le code de droit économique. Mais celles-ci ont évolué. Et le concept de « consommateur » évolue également. Même si vous ne payez rien directement, vous êtes aussi un consommateur de médias sociaux. Vous pouvez acheter des produits numériques. L’ensemble de la relation client-vendeur est en train d’évoluer. Nous devons nous adapter à cette nouvelle réalité. C’est pourquoi j’ai mis en place un groupe de travail académique. Les experts sont spécialisés dans le droit de la consommation, mais aussi dans le comportement des consommateurs. Ils dresseront une liste de propositions devant nous permettre de mieux intégrer les pratiques réelles et de faire en sorte que nos lois et chartes soient en phase avec la réalité. Ils peuvent également nous aider à transposer les règlements européens en droit belge. Parce qu’une grande partie du droit de la consommation se décide au niveau européen. Nous discutons bien sûr aussi avec les organisations de consommateurs.

Comment protéger les consommateurs qui font des achats sur des plateformes numériques?

Vous pouvez être vendeur sur une plateforme telle que Vinted, Marketplace ou 2ememain.be. Vous pouvez louer votre seconde résidence via une plateforme de location. Le groupe de travail académique étudie comment établir des règles juridiques à ce sujet. Nous essayons de protéger les consommateurs par le biais de chartes et de règles, en coopération avec les plateformes. Vous pouvez donner quelques conseils aux utilisateurs, tels que: lisez les avis des autres utilisateurs, payez avec votre carte de crédit afin de bénéficier de l’assurance protection des achats, effectuez toujours le paiement via la plateforme de location et pas directement au propriétaire...

La question du rapport de force se pose également pour quelques grands acteurs. Nous collaborons déjà avec les services d’inspection pour tenter d’éliminer les entreprises malhonnêtes à l’échelle européenne. Par ailleurs, sur un certain nombre de plateformes, vous devez vous enregistrer avec votre carte d’identité pour activer votre inscription. Chez Uber, par exemple, tous les coursiers et les utilisateurs doivent fournir une pièce d’identité.

Parfois, les consommateurs sont inondés d’informations...

Nous devons nous assurer que les consommateurs reçoivent des informations correctes de la part du vendeur ou du prestataire de services. Mais cela elles ne doivent pas être trop nombreuses ou trop longues. Par exemple, en matière d’assurances, il faut dire: tout est couvert sauf ce qui est exclu. Actuellement, vous devez souvent lire des pages et des pages. On observe la même évolution pour les contrats de fourniture d’énergie. Les consommateurs doivent être en mesure de faire des choix clairs sur la base d’informations adéquates et correctes. Il doit avoir accès à toutes les informations. C’est très important pour les outils de comparaison. À la fin de cette année, au début de l’année prochaine, un nouvel outil de comparaison des produits bancaires et d’assurance sera lancé. Il existe déjà des comparateurs commerciaux, mais ils n’offrent pas un aperçu complet de tous les produits et fournisseurs. Avec un outil de comparaison officiel, les consommateurs auront la garantie d’être pleinement et correctement informés en fonction leur profil.

La garantie légale couvre-t-elle les services numériques?

En effet, la période de garantie de 2 ans s’applique aussi aux services numériques tels que la vidéo à la demande, le streaming, le stockage dans le cloud. Si un service de stockage de fichiers dans le cloud ne répond pas à vos attentes, vous pouvez obtenir un remboursement ou un autre service pour le même prix.

En ce qui concerne la garantie légale, il est également important que le consommateur ait droit à la réparation...

Je veux encourager la réparation des appareils en obligeant, par exemple, les fabricants à stocker davantage de pièces de rechange ou à autoriser la production de pièces de rechange par des tiers grâce à l’impression 3D. Il devrait également être plus facile de faire effectuer les réparations par des tiers si le fabricant ne peut pas le faire lui-même assez rapidement. Si nous voulons à la fois préserver notre climat et avoir des produits abordables, nous devons être plus ambitieux à ce niveau. Pour augmenter la durée de vie des produits, nous devons veiller à ce que les consommateurs aient un véritable droit à la réparation. Également pour les problèmes qui ne relèvent pas de la garantie légale.

Le changement le plus important de ces dernières années est sans aucun doute le développement des achats en ligne. Ce qui transparaît dans le nombre de plaintes?

Pendant la crise du coronavirus, les plaintes déposées auprès de l’inspection économique pour des achats en ligne ont doublé. En 2019, il y a eu environ 8.000 plaintes. Durant la pandémie, on en a compté environ 15 000. Évidemment, de plus en plus de personnes font aussi des achats en ligne. Ces plaintes englobent des problèmes très différents, comme la non-réception d’un produit, un prix mal indiqué, les frais de livraison, etc. Mais parfois, il s’agit véritablement de fraude. Nous avons réalisé plusieurs campagnes afin de sensibiliser les consommateurs aux éléments dont il doit se méfier. Par exemple: si les données de contact du vendeur ne figurent pas sur le site, s’il n’est pas précisé où se trouve l’entreprise, etc. C’est difficile, car les fraudeurs en ligne ont généralement une longueur d’avance. L’inspection économique est très active dans ce domaine, en traitant les plaintes et en examinant les sites web de manière proactive. Mais bien sûr, nous ne pouvons en analyser qu’un nombre limité. Nous étudions la possibilité d’utiliser l’intelligence artificielle à cette fin.

Le problème c’est que les fraudeurs ont généralement une longueur d’avance...

En tant que responsable politique belge, pouvez-vous agir contre la fraude sur des sites étrangers?

Nous essayons tout d’abord de sensibiliser par le biais de campagnes. Je fais aussi le tour des écoles avec des conseils pour les jeunes. Le phishing (obtention frauduleuse de données) est une fraude courante. Dans le cadre de la protection européenne des consommateurs, nous collaborons avec les autres pays européens pour démanteler les réseaux européens. Mais de nombreux fraudeurs sont aussi actifs en dehors de l’Union européenne et utilisent ensuite des numéros de téléphone et des sites internet supposément belges. Il devient alors plus difficile de les suivre... »

Comment protéger les consom-mateurs contre le phishing?

Le phishing est le plus gros problème auquel nous sommes confrontés. Les fraudeurs envoient un SMS, un e-mail, un message sur WhatsApp contenant un lien vers le site internet de votre banque, par exemple et ils le recréent parfaitement. Ne cliquez jamais sur un lien reçu dans un courriel ou un SMS! Autre point important: ce n’est pas parce que vous avez appelé Cardstop après la perte ou le vol de votre carte bancaire que votre compte est bloqué! Vous devez aussi avertir votre banque. Nous avons donc fait en sorte que votre banque soit joignable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.. »

Un consommateur souhaitant introduire une plainte peut s’adresser à de nombreux organismes. Comment peut-il s’y retrouver?

Certains secteurs disposent de leur propre commission des plaintes ou de leur propre service de médiation. Si vous avez un problème avec une autorité publique, c’est encore un autre mécanisme. C’est pourquoi nous devons évoluer vers un guichet unifié auquel vous pouvez, en tant que citoyen ou « consommateur des services de l’État », vous adresser directement pour déposer votre plainte. Une équipe sera chargée de transmettre votre plainte au service compétent et d’en assurer le suivi. Il devrait être en ligne d’ici 2023. Il existe également un « service de médiation pour le consommateur », qui tente de trouver une solution dans un délai de 90 jours. C’est une façon de résoudre un petit litige entre un consommateur et un commerçant. C’est plus rapide et moins cher qu’une action en justice.

Vous parlez de lois, mais aussi de chartes. Ont-elles un impact suffisant?

La protection des consommateurs n’est pas dirigée contre les entreprises. Ces dernières ont tout intérêt à ce que les consommateurs soient traités correctement et gardent confiance. En outre, les chartes évoluent souvent plus rapidement que la législation. Et elles sont élaborées en collaboration avec le secteur. La charte des serruriers en est un exemple. Certains acteurs malhonnêtes pratiquaient des prix exorbitants. Nous avons demandé à Google de bloquer les publicités de ces sociétés pendant un certain temps. Nous avons aussi développé un système avec un code de conduite. Les serruriers titulaires d’un certificat pouvaient faire de la publicité et arrivaient en tête des recherches.

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