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La réforme ne fait pas l’unanimité

Nous avons repris les principaux griefs du monde syndical, de patrons et d’économistes. Et nous les avons soumis à Karine Lalieux (PS), la ministre des Pensions.

Les syndicats regrettent le durcissement des conditions d’accès à la pension minimum. Cette réforme est très décevante...

« Prendre des mesures en pension, ce n’est jamais accoucher d’une souris, se défend Lalieux. Il s’agit d’un chantier énorme qui touche tous les citoyens. La réforme ne se résume pas à l’accès à la pension minimum, au temps partiel revalorisé ou au bonus pension, puisqu’elle a été entamée dès le début de la législature. Avec l’augmentation de la pension minimum, on a augmenté le revenu de 840.000 citoyens et leur nombre sera autour d’un million en 2024.

Les nouvelles mesures décidées fin juillet sont le fruit d’un compromis entre tous les partis de la majorité. Les trois mesures de l’accord s’ajoutent à celles déjà prises par le gouvernement, à savoir la revalorisation progressive de la pension minimum. Elle atteindra 1.630 ? net en 2024 pour une carrière complète de 45 ans. Il faut aussi rappeler la suppression du coefficient de correction pour les indépendants (alignement du régime sur celui des salariés), la hausse du plafond de calcul de la pension et la réforme de l’allocation de transition (allocation temporaire payée au conjoint survivant qui ne remplit pas les conditions d’âge pour avoir droit à une pension de survie). »

La condition de 20 ans de travail effectif sera introduite progressivement à partir de 2024.

Quant à l’instauration d’une condition de carrière à 20 ans de travail effectif, les journées de congé de maternité, d’allaitement ou encore pour soins palliatifs sont considérées comme du travail effectif. Mais les journées de maladie seront seulement assimilées à du travail effectif après au moins une période de 5 ans, soulignent les syndicats.

« Oui, mais face à des positions parfois très dures de certains partenaires, il fallait malgré tout défendre les droits des femmes et des personnes invalides même si c’est incomplet. Pour en revenir aux 20 ans de travail effectif, il faut bien préciser qu’il ne s’agit pas d’une condition de travail effectif de 20 ans à temps plein, mais bien de 5.000 jours de travail effectif sur l’ensemble de la carrière. Pour rappel, une carrière complète, c’est 14.040 jours. Ces changements seront mis en oeuvre de manière progressive à partir de 2024, afin de donner aux travailleurs le temps de s’y préparer. Donc, aucun travailleur qui a aujourd’hui 60 ans ou plus ne devra remplir cette condition vu la mise en oeuvre progressive. Les personnes qui ont aujourd’hui plus de 55 ans et qui rempliront déjà les conditions actuelles d’entrée à la pension minimum le 1er janvier 2024 seront également exemptées de la condition de travail effectif. »

Les syndicats estiment qu’on ne trouve rien dans l’accord concernant l’amélioration de l’accès à la pension anticipée.

« J’ai défendu une proposition de condition unique de 42 ans de carrière à partir de l’âge de 60 ans. Mais certains partenaires demandaient en contrepartie un recul de l’âge de la pension anticipée (jusqu’à 4 ans) et aucun accord n’a pas être dégagé. La proposition n’en est pas pour autant pas abandonnée puisqu’elle sera étudiée par les partenaires sociaux. »

Pour les organisations d’indépendants, les corrections décidées par le gouvernement sont vraiment trop faibles que pour rétablir leur confiance...

« Faut-il rappeler, entre autres, le dossier des conjoints-aidants, essentiellement des femmes qui ont aidé leur mari indépendant? Elles n’avaient pas droit à la pension minimum aujourd’hui, mais elles l’auront dès 2024. C’est la même chose pour les gardiennes d’enfants. Il s’agit de femmes qui se donnent tous les jours pour d’autres et qui en payaient un prix au moment de leur pension. J’ai mis fin à cette injustice. »

Le monde économique et d’éminents économistes soulignent que la réforme ne répond pas au problème du déficit chronique des pensions ni à celui du mauvais fonctionnement du marché du travail. On va droit dans le mur en matière de financement des pensions...

« Les mesures de l’accord visent avant tout chose à soutenir le maintien à l’emploi avec des incitants positifs pour nos aînés, à réduire les inégalités hommes/femmes et à valoriser les années de travail dans le calcul de la pension minimum. Je suis consciente de l’enjeu de la hausse des coûts du vieillissement. Mais ils font partie d’un ensemble. Et c’est bien la soutenabilité de toute notre sécurité sociale, dont font partie les pensions bien sûr, que nous devons garantir. Cela passera par un travail autour de finances publiques saines, une taxation plus juste, le contrôle de la trajectoire budgétaire et l’augmentation du taux d’emploi. À ce sujet, le bonus pension, c’est une vraie mesure de soutien aux personnes qui travaillent au-delà de l’âge de la pension. C’est à la fois la possibilité pour des travailleurs de se constituer des droits supplémentaires à la pension tout en améliorant le taux de participation au marché de travail des 55+ où la Belgique présente encore un retard important par rapport aux autres pays. »

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