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La noblesse des éléphants

Dans le sud du Kenya, nous sommes partis à la rencontre des animaux sauvages. Nous avons séjourné dans un écolodge, bel exemple de tourisme durable profitant aux populations locales.

Six éléphanteaux sortent des fourrés et foncent vers moi. Pas de panique! Les soigneurs du Sheldrick Wildlife Trust à Nairobi savent comment les amadouer avec d’énormes biberons qu’ils mettent adroitement en bouche avec leur trompe. Une fois la bouillie engloutie, ils se ruent sur les délicieuses feuilles vertes des branches cueillies à leur intention. Après quoi ils s’ébrouent dans la boue de leur plaine de jeu. Ils se donnent ainsi en spectacle chaque jour pendant une demi-heure, pour le plus grand plaisir des visiteurs.

 » Nous préparons ces éléphanteaux orphelins à leur retour dans la nature, explique Kirsty Smith, collaboratrice du trust. L’éléphant est un animal imposant, mais il doit être protégé. La sécheresse s’intensifie et le nombre d’habitants augmente. Résultat : l’homme envahit de plus en plus l’habitat naturel des éléphants et gêne leur passage. De ce fait, les éléphants s’aventurent régulièrement dans les champs cultivés qu’ils détruisent sur leur passage.  » C’est chaque fois un double drame : les agriculteurs perdent toute leur récolte et s’en prennent aux éléphants pour se venger. Les éléphanteaux se retrouvent ainsi orphelins et risquent de mourir s’ils ne sont pas pris en charge. Ces conflits homme/animal sont bien plus complexes que le braconnage d’ivoire, interdit depuis longtemps au Kenya. « Les autorités kenyanes accordent énormément d’importance à la faune et la flore sauvages, insiste Kirsty Smith. La chasse à l’éléphant est prohibée depuis les années 1970, ce qui n’est pas toujours le cas dans les autres pays d’Afrique où les animaux se négocient comme de simples marchandises. « .

1. Dans l'Amboseli National Park, mieux vaut ne pas quitter la route des yeux !
1. Dans l’Amboseli National Park, mieux vaut ne pas quitter la route des yeux !© PHOTOS KRIS CLERCKX

ROMANCE EN PLEINE NATURE

Après avoir salué les éléphanteaux rencontrés dans la banlieue de la capitale kenyane, je loue une Jeep pour me rendre dans le sud du pays pour un safari au Tsavo West National Park. D’une superficie de 9.000 km2, il s’agit d’un des plus grands parcs nationaux du Kenya. La région était, dit-on, infestée de lions mangeurs d’homme du temps des colonies. Les félins avaient un goût particulièrement prononcé pour les ouvriers des chemins de fer. Mais les récits sensationnalistes de mon guide de voyage ne me font pas peur.

L’aventure de la vie sauvage commence une fois passé le portail. Au volant de ma voiture, je caracole sur une piste à peine carrossable, émaillée de nids de poule et d’ornières boueuses. Je suis tellement concentrée sur la route que j’en oublie presque ce pour quoi je suis venu : l’observation des animaux. Jusqu’à ce que je doive sauter à pieds joints sur le frein pour laisser traverser un couple de girafes. Woaw ! Jamais encore je n’avais vu de girafes d’aussi près et encore moins dans leur milieu naturel. À ma grande surprise, elles s’immobilisent sur le bord de la route et se laissent admirer à loisir. Elles se câlinent de leurs cous gracieux. Une belle romance, sans la moindre censure.

2. Via le Masai Wilderness Conservation Trust, les populations locales ont accès à des programmes éducatifs.
2. Via le Masai Wilderness Conservation Trust, les populations locales ont accès à des programmes éducatifs.© PHOTOS KRIS CLERCKX

Je ne suis pas au bout de mes émotions. Voilà que le soubassement de ma Jeep lâche et racle la piste. Heureusement, j’arrive à rouler jusqu’à Iltilal, petit village masaï au pied des Chyulu Hills où les enfants, ravis de ma venue, me guident avec enthousiasme jusqu’au mécanicien du coin. Il plonge sous la voiture et résout le problème avec un simple fil de fer. Simple et efficace. En fin de journée, j’arrive enfin à destination : Campi ya Kanzi, un écolodge dans la réserve du Masaai Wilderness Conservation Trust, un des plus grands écoprojets du continent africain.

ÉCOSAFARI

« Le concept de safari est né au Kenya, raconte Luca Belpietro, le fondateur italien du Masaai Wilderness Conservation Trust. Le président américain Roosevelt a été le premier à se lancer à l’assaut de la savane au début du XXe siècle. Safari rimait alors avec parties de chasse sanguinaires. Dans les années 60, le safari devenu plus accessible au grand public s’est mué en une sorte de repérage des animaux dans les parcs nationaux, des safaris motorisés organisés dans le but de voir le plus d’animaux possible.  » Une évolution positive mais largement insuffisante. Lors de ses voyages au Kenya dans les années 1990, Luca Belpietro a pris conscience de l’énorme fossé qui séparait les touristes et les communautés locales qui ne tiraient aucun bénéfice de cette forme de tourisme en pleine expansion.

3. Même s'ils ne font pas partie
3. Même s’ils ne font pas partie© PHOTOS KRIS CLERCKX

Il fallait agir autrement, de façon plus durable. C’est ainsi que Luca Belpietro et son épouse ont fondé Campi ya Kanzi.  » Au début, nous n’avions qu’une tente, se souvient-il. Le camp compte aujourd’hui huit cottages et une guesthouse avec suites. Des panneaux solaires ultramodernes nous fournissent en énergie et nous utilisons exclusivement l’eau de pluie, purifiée après usage. Mais c’est surtout la collaboration que nous avons développée avec la population indigène qui est révolutionnaire. Les recettes générées par l’écolodge sont reversées au Masaai Wilderness Conservation Trust qui finance les projets d’éducation, de santé et de protection animale. Les Masaï sont ainsi encouragés à protéger leurs richesses naturelles. « 

4. Il y a énormément d'animaux à observer dans les parcs naturels.
4. Il y a énormément d’animaux à observer dans les parcs naturels.© PHOTOS KRIS CLERCKX

Cette approche durable de la gestion de l’environnement a eu pour effet de multiplier les activités safari. « Certains voyageurs viennent encore tout spécialement pour voir les animaux sauvages, explique Luca Belpietro mais nous ne nous aventurons pas off road et l’observation des big five -éléphant, buffle, rhinocéros, lion et léopard – n’est pas notre priorité. Nous préférons partir à la découverte de la nature sauvage à pied ou à cheval, ou visiter les projets de protection de la nature et les villages masaï. « 

VUE IMPRENABLE SUR LE KILIMANDJARO

Le concept de Luca Belpietro et son équipe du Masaai Wilderness Conservation Trust, reconnu et récompensé par les Nations Unies, fait tache d’huile dans les autres régions du Kenya. Ainsi, le très populaire Amboseli National Park s’est donné pour mission de sauvegarder l’écosystème dans le plus grand respect de la population locale. Souvent au détriment de la liberté de mouvement des visiteurs, ce qui est parfaitement légitime. Les visiteurs qui s’aventurent en-dehors des itinéraires officiellement autorisés, consciemment ou non, risquent d’être expulsés du parc par les rangers qui veillent au grain.

Grâce à cette réglementation très stricte, des centaines d’espèces animales peuvent prospérer dans leur habitat naturel en toute quiétude. La vue permanente sur le Kilimandjaro, le plus haut sommet du continent africain, est là pour rappeler que l’Amboseli est un des endroits les plus extraordinaires du monde. Tembea Kenya! Explorez le Kenya !

Pratique

Y ALLER: Qatar Airways assure un vol quotidien Bruxelles – Nairobi. Durée du vol: 13 heures, y compris l’escale à Doha. www.qatarairways.com

SAFARI ET PARCS: Sheldrick Wildlife Trust, www.sheldrickwildlifetrust.org. Amboseli, Tsavo et autres parcs, www.kws. go.ke

SE LOGER: Campi ya Kanzi, www.maasai.com

INFOS: Office du tourisme du Kenya, www.magicalkenya.com

5. Un éléphanteau, nourri... au biberon.
5. Un éléphanteau, nourri... au biberon.© PHOTOS KRIS CLERCKX
1. Des buffles, plus curieux que menaçants.
1. Des buffles, plus curieux que menaçants.© PHOTOS KRIS CLERCKX
2. Photo de groupe !
2. Photo de groupe !© PHOTOS KRIS CLERCKX
3. Les girafes prospèrent au sein des trusts.
3. Les girafes prospèrent au sein des trusts.© PHOTOS KRIS CLERCKX

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