La fin du  » tout ou rien « 

La plupart d’entre nous ont malheureusement connu des personnes pour lesquelles la pension fut visiblement synonyme d’ennui. Comment peut-on s’ennuyer, s’indigneront les retraités heureux ! Manque d’instruction et de curiosité intellectuelle pour dévorer des livres ou courir les musées. Manque d’aptitudes physiques pour jardiner ou randonner, manque d’adresse pour bricoler. Ou encore manque d’argent pour voyager, manque de famille et d’amis pour sortir de la solitude. Mais parfois aussi manque de tonus pour se stimuler, osons l’écrire... Ce qui me frappe dans les quelques cas que j’ai connus, c’est que ces gens n’ont pas fait de vieux os. D’ailleurs, on dit parfois « mort d’ennui ». C’est sans doute excessif, mais pas vraiment faux.

Le démographe belge Michel Poulain l’a en quelque sorte démontré a contrario. Il compte parmi les spécialistes internationaux des zones bleues, ces régions du monde où on vit plus vieux qu’ailleurs. Caractéristiques de ces personnes très âgées : un environnement social favorable, une alimentation plutôt frugale mais saine (aliments locaux, pas de nourriture industrielle), ainsi qu’une activité physique prolongée.  » Généralement, les personnes à l’espérance de vie longue travaillent jusqu’à 85 ou 90 ans « , observe notre compatriote. Voilà qui a de quoi faire frémir ! En réalité, elles ont évidemment levé le pied progressivement. Par ailleurs, il s’agit de travaux des champs ou d’artisanat et non de travail à la chaîne en usine, ni même de boulot sédentaire au bureau.

Hobbies, bénévolat, voyages, petits-enfants... La plupart des retraités sont très occupés, c’est bien connu. Reste ceux qui n’ont que le travail dans leur vie, pour l’une ou l’autre raison. Et qui passent dès lors, du jour au lendemain, du tout travail au plus rien à faire. Un choc dramatique, on le comprend. Trouveront-ils leur bonheur dans la retraite à mitemps ? Le ministre des Pensions a confirmé ce projet le mois dernier, une information aussitôt relayée sur le site internet de Plus Magazine. Ce statut intéressera surtout les travailleurs qui ne veulent pas arrêter brutalement, ou encore ceux qui désirent mettre du beurre dans les épinards avant une pension maigrichonne. On a un peu tendance à l’oublier, mais tout le monde ne peut pas se permettre de crier triomphalement, dès 60 ans  » J’ai assez donné et maintenant, c’est fini ! « 

Après l’élargissement des activités autorisées, et même leur déplafonnement total pour de nombreux retraités, voilà donc une mesure qui élargit les choix de vie du citoyen, que ce soit par goût ou par nécessité. Il était temps de se rendre compte que le « tout ou rien » qui a longtemps paru normal dans nos sociétés européennes (mais pas nécessairement ailleurs dans le monde) est quand même absurde dans l’absolu. Et qu’il ne fait pas le bonheur de tout le monde.