© WIM KEMPENAERS

Je n’arrive plus à m’asseoir!

Une épaule appuyée contre le mur, il tapote sur l’écran de son GSM. Pourtant, il reste des sièges libres. Après une saison très chargée en infections ORL, quel soulagement de ne plus entendre un concert de toux dans la salle d’attente de mon cabinet! Alors, pourquoi ce patient-là vient-il me voir? Il ne l’a pas précisé dans l’agenda en ligne. Au début de ma formation, cela me stressait: j’aime pouvoir me préparer... Je continue cependant de penser qu’il vaut mieux entamer une consultation en sachant à quoi s’attendre. Pendant nos études, nous avons appris à prendre le pouls de la salle d’attente. En effet, la façon dont un patient bouge ou se tient nous en dit déjà long.

Il n’est pas rare de recevoir des patients qui n’osent pas dire ce dont ils souffrent exactement, par simple pudeur.

J’invite le patient à me suivre, ce qu’il fait avec un peu de lenteur. Une fois dans la pièce, il s’agite, mal à l’aise. Je lui fais signe qu’il peut s’asseoir et là, il me regarde. « C’est justement pour cela que je viens vous voir... je n’y arrive plus. »

Depuis quelque temps, la position assise lui est souvent douloureuse. Mais comme cela disparaissait au bout de quelques jours, il n’avait pas jugé nécessaire de consulter plus tôt. Sauf que cela a des effets sur son travail: employé des postes, ses tournées à vélo devenaient pénibles. Même si, depuis hier, la douleur a disparu il a décidé de venir me voir pendant ses quelques jours de congé.

A-t-il une idée de ce que cela peut être? Il semble trouver ma question étrange... « C’est vous le docteur, non? » Mais je vois qu’il se met à réfléchir. Un silence... que je décide de ne pas combler. Prenant son courage à deux mains, il reprend: « J’ai bien un gonflement au niveau de l’anus, ça peut être lié? » Je hoche la tête, ce qui l’incite à poursuivre et à me décrire une sorte de bouton qui éclate de temps en temps. Une fois le pus sorti, la douleur se calme. Puis le bouton se reforme, toujours au même endroit.

Malgré sa gêne, je vais devoir l’ausculter. Il a l’air soulagé lorsque je lui propose de le faire. « Tout ce que vous voulez, pourvu qu’on résolve le problème... maintenant que j’ai osé vous en parler! » Une zone rouge avec un petit cratère sur la fesse gauche confirme ma suspicion d’un abcès.

Il se rhabille et je lui explique que l’abcès s’est drainé de lui-même. Mais vu son caractère récidivant, je préfère l’envoyer chez un chirurgien généraliste qui vérifiera s’il y a une fistule sous-jacente et extirpera ce qu’il faut plus en profondeur. Sans quoi les douleurs risqueront de revenir quand il montera sur son vélo. Il marque son accord et prend la prescription en me remerciant. « Je serai content de ne plus devoir tout réexpliquer depuis le début. C’est bête, hein, d’avoir du mal à parler de ces choses? Pourtant vous devez avoir l’habitude! » Je ne peux qu’acquiescer...

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