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Investir en temps de crise

En cas de crise boursière, comment agir ? Le moins malin serait de céder à la panique. Par contre, pour les plus audacieux, ne serait-ce pas le moment d’acheter au  » son du canon  » ? Mais à vouloir attraper un couteau qui chute, ne risque-t-on pas de se blesser ?

Suivre les règles, c’est investir. Suivre ses émotions, c’est parier « , affirme l’investisseur américain Warren Buffett. Quand une crise comme celle du coronavirus intervient, les bourses s’effondrent. Transports aériens, tourisme, luxe, énergie, finance... C’est joué, la croissance sera négative dans les prochains mois. Des pans entiers de l’économie ont été lourdement touchés. Et en cas de crise, comment agir ? En abandonnant au plus vite le navire pour sauver ce qui peut l’être ? Surtout pas. Les spécialistes parlent quasiment tous à l’unisson : ne paniquez pas, faites le gros dos. Et n’oubliez pas qu’après un krach boursier, le cours des actions se redresse de manière tout aussi inattendue. Le tout est d’avoir les nerfs solides jusqu’à la reprise. Alors que le virus était au coeur de toutes les préoccupations en Europe, fin mars,  » cette reprise avait déjà commencé pour l’économie chinoise, raconte Véronique Goossens, 48 ans, chief-economist chez Belfius. On part du principe que d’ici l’été, le virus sera sous contrôle tant en Europe que dans le reste du monde.  » À voir.

Après un krach boursier, le cours des actions se redresse généralement de manière tout aussi rapide et inattendue.

Patience et courage

Selon Igor de Maack, gérant de DNCA Investments, le Covid-19 est en effet responsable d’une des chutes les plus brutales de l’économie mondiale depuis la crise de Lehman Brothers en 2008-2009. Il est aussi la source de la dégringolade boursière. Et si tout est parti de Chine, tout redémarre là-bas. Certaines données (par ex. l’activité des centrales électriques à charbon) confirment que les usines chinoises semblent repartir. Néanmoins, la contamination des autres continents et pays et les mesures de confinement ont prolongé l’effet sur l’activité économique de ces zones. Le coronavirus était unique dans l’histoire des pandémies. Il représente tout ce que les marchés n’aiment pas dans l’éclosion d’un risque : imprévu, global, non quantifiable tant dans son ampleur que dans sa durée (...) Mais si le calendrier de la disparition du virus (vers l’été) est hypothétique, il doit aussi laisser entrevoir de meilleurs jours boursiers.

On ne dit finalement pas le contraire chez Belfius qui, dans une communication rappelait qu’après un krach boursier, le cours des actions se redresse généralement de manière tout aussi inattendue et aussi rapide.  » Diverses études montrent qu’en cas de fluctuations et de pertes comme celles des dernières semaines, il n’est pas rare d’observer des rebonds de l’ordre de 20 à 30%. « . La banque rappelait l’importance pour l’investisseur d’être patient et courageux, de ne pas vendre durant des périodes de haute fluctuation.  » Car, cela s’est toujours avéré être une mauvaise décision par le passé.  » L’institution propose en alternative une stratégie principale de placements mixtes, c’est-à-dire des actions et des obligations. Les obligations jouent leur rôle de protection, quel que soit le niveau des taux d’intérêt.

Pour Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, l’Europe pourrait connaître un scénario qui rappellerait celui de la grande crise financière de 2008. Mais des actions sont entreprises et le choc ne sera alors probablement que temporaire. Les banques centrales, et peu importe leur zone géographique, ont pris des mesures en injectant des liquidités, d’une manière ou d’une autre pour sauver l’économie, empêcher la disparition de milliers d’entreprises et endiguer les risques d’un krach boursier comme en 1929. Un véritable bazooka financier s’est mis en place, partout, avec des réductions d’intérêts, des aides fiscales, l’octroi de crédit aux particuliers et aux entreprises, des achats d’obligations et pas mal d’argent injecter... Autre source d’espoir : le système financier est plus solide qu’en 2008.

Acheter au son du canon ?

Alors, après ces réflexions, est-ce le moment de faire de bonnes affaires en Bourse ? Autrement dit, quand les actions sont  » bon marché,  » est-ce le moment d’acheter ? Les avis divergent. Si certains conseillent de se positionner progressivement sur les actions, d’autres estiment que les mauvaises nouvelles peuvent encore tomber. Personne n’a de boule de cristal.  » N ous prenons le risque de conseiller de commencer à acheter, affirme Rémi Le Bailly, rédacteur en chef  » d’Investir  » . Si auparavant nous avons conseillé d’être sous-investis en actions, c’est-à-dire de détenir moins d’actions que dans un portefeuille équilibré, cette fois nous conseillons d’avoir un portefeuille équilibré. C’est à dire de consacrer une partie des liquidités à l’achat d’actions. Mais ce réinvestissement doit être progressif. Il est possible sinon probable que le marché ira sans doute plus bas, mais comme on n’achète jamais au plus bas... Le proverbe acheter au son du canon s’applique plus que jamais aujourd’hui. Seulement le canon risque de tonner encore quelques semaines.  » L’agroalimentaire, la santé, la pharmacie et l’énergie semblent des valeurs sur lesquelles il serait opportun de se positionner.

Il est difficile d’acheter quand les marchés s’écroulent, c’est purement psychologique !

N’attrapez pas un couteau qui tombe

Pour Guy Legrand, ancien rédacteur en chef de  » Cash  » et chroniqueur à  » Plus Magazine « , il est difficile d’acheter quand les marchés s’écroulent, c’est psychologique ! Mais il est vrai aussi qu’on ne peut jamais savoir si la baisse est terminée. D’où l’adage anglo-saxon  » never catch a falling knife « . A vouloir attraper un couteau qui chute, on risque effectivement de se blesser ! Avec un indice comme le Bel 20 qui a chuté de 40 % en mars dernier, on peut considérer qu’il anticipe un fameux paquet de mauvaises nouvelles. Y compris cette récession que l’on évoque de plus en plus. On peut même considérer qu’on anticipe à l’excès, ce qui est d’ailleurs l’essence même de la Bourse, à la hausse comme à la baisse. Globalement, nos entreprises ne valent en effet pas 40 % de moins si la conjoncture est mauvaise jusqu’en été, ou même jusqu’à la fin de l’année. Dans une perspective de long terme, -40 %, c’est une chute énorme. Qui, historiquement, est inévitablement suivie d’un fort rebond. Souvent endéans un an.  »

Depuis 1970, les exemples de corrections entre 30 et 40%, certes douloureuses, ne sont pas rares. Mais sur vingt-cinq ans, malgré les crises, le BEL 20 a affiché un rendement annuel moyen de plus de 8% (dividendes compris). Reste que personne ne peut prédire la durée et la profondeur des corrections boursières. Ce serait trop facile.  » Et tandis que certains n’osent pas acheter ou ne peuvent pas pour diverses raisons, les plus audacieux et aguerris considéreront sans doute qu’on peut y aller, fût-ce par étapes, précise Guy Legrand. Car il ne faut jamais perdre de vue que cette chute de 40 % est le prix de l’incertitude, qui est énorme aujourd’hui, comme en 2008-2009. Quand on saura à quoi s’en tenir, et même si on est alors en récession, les indices auront déjà remonté. Car la Bourse anticipe d’au moins six mois.  »

Morale de l’hsitoire : vendre quand la Bourse baisse et acheter quand la Bourse monte n’est pas la meilleure des stratégies. Investir dans des actions s’envisage sur long terme. Le caractère  » montagnes russes  » de la Bourse fait partie du jeu. À court terme, les actions sont volatiles. Qui avait prévu une telle crise sanitaire mondiale ? Mais elles récompensent toujours l’investisseur patient, malgré les crises. Le sage dit qu’il ne faut placer en Bourse que de l’argent dont on n’a pas besoin ! Car il n’existe pas d’actions défensives. Les actions pures sont toujours un produit destiné aux investisseurs dynamiques.

Alors, serait-il encore possible d’investir en Bourse en lissant les risques ? Sans doute en regardant du côté des fonds, ces paniers de valeurs mobilières (actions, obligations) confiés à des gestionnaires spécialisés. Les investisseurs en achètent des parts. Les gestionnaires tentent de les faire croître. Ces gestions collectives se défendent très bien sur le long terme. Une méthode efficace d’y investir, c’est de verser chaque mois le même montant. Ainsi, quand les bourses sont basses, vous achetez plus d’actifs. Et, a contrario, moins quand elles sont chères. Mais au final, le prix d’achat moyen sera inférieur. Une bonne méthode pour ne plus se poser cette sempiternelle question :  » est-ce le moment d’acheter ?  »

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