© frank bahnmüller

Inge, épouse de Jo, 58 ans

« La première chose qui m’a frappée, c’est que Jo semblait nettement moins impliqué dans notre couple et avec nos amis, lui qui était hyper sociable. Je sentais bien quelque chose n’allait pas. Début 2016, environ trois ans après les premières manifestations d’un changement de caractère, quand le diagnostic d’Alzheimer est tombé, ça a été dur! Mais je me suis dit: je n’avais pas rêvé, il y avait bien un truc qui clochait. En même temps, on ne sait jamais ce que le diagnostic réserve.

Jo était technicien avion dans l’armée belge. Il a dû arrêter. Il a pu rester encore un moment au sein de son équipe, mais à un autre poste. Le jour où il a eu un accident en allant au travail et qu’il m’a appelée, en panique parce qu’il ne trouvait pas les papiers du véhicule, je me suis rendu compte que ça ne pouvait plus durer. Il a mal vécu le fait de perdre son emploi.

J’ai essayé le plus longtemps possible de laisser Jo faire tout ce qu’on fait dans la vie normale: payer avec sa carte au supermarché, aller à pied à la boulangerie... Mais, petit à petit, il n’en était plus capable. Et le Covid a aggravé les choses. Je n’osais plus le laisser partir seul faire des courses. Il ne comprenait pas le concept de distanciation, par exemple. Avant le Covid, j’osais encore laisser Jo seul à la maison – après sa journée au centre de soin et en attendant que je rentre du travail – mais ce n’est plus possible. J’ai l’impression de chercher sans cesse le mode d’emploi et, une fois que je l’ai trouvé, la situation évolue encore... Parfois très, très vite. Jusqu’il y a quelques semaines, Jo parvenait encore à se préparer du muesli aux fruits le matin, mais il a depuis oublié à quoi ressemblent les raisins et ne sait plus couper une banane.

Cette maladie est comme un deuil qui n’en finit pas, on perd lentement la personne qu’on aime... Inge

Je n’ai aucun problème à dire aux gens que mon mari est atteint de démence précoce. Plus on parlera de cette maladie, moins elle sera tabou et plus on pourra espérer une aide du gouvernement. Car en plus de devoir apprendre à vivre avec un malade, il y a des tas d’autres difficultés: je dois continuer à travailler, organiser les gardes...

En ce moment, ma vie est en mode pause. Je n’ai plus vraiment de vie sociale. Parfois, je me lève plus tôt pour faire le ménage ou avoir un moment, seule, à la salle de bains. Mais je n’en veux pas à Jo. Pour moi, la coupable, c’est Miss Alzheimer! Bon, j’avoue qu’il y a des moments où je perds patience. Je ne reconnais plus mon Jo. Ça fait longtemps que je l’ai perdu. C’est ça le pire avec cette maladie: on dirait un deuil qui n’en finit pas, car on perd lentement la personne qu’on aime. Malgré tout, j’espère continuer à vivre avec lui encore longtemps. C’est normal quand on aime quelqu’un. J’essaie de maintenir une vie aussi normale que possible, mais cela commence à devenir difficile. »

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