Gaétan Bleeckx est notaire à Saint-Gilles et porte-parole de la Fédération des notaires pour Bruxelles. © FRÉDÉRIC RAEVENS

Gaétan Bleeckx, notaire  » Un complément à la pension légale. « 

Vendre en viager à ses enfants, est-ce une bonne idée pour réduire les droits de succession ?

Gaétan Bleeckx : La vente avec rente viagère concerne très rarement parents et enfants. Je n’ai personnellement jamais rencontré ce cas. Pour qu’une vente viagère tienne la route, il faut absolument que les deux parties suivent les règles, que l’acquéreur paye réellement la rente. Lorsque vous vendez à vos héritiers, au moment du décès du vendeur, le fisc considérera que c’est une fiction (présomption légale dans le code des successions). En clair ? Le montant de la valeur du bien sera repris dans la déclaration de succession. Sauf si l’acquéreur héritier peut démontrer qu’il a réellement payé les rentes viagères.

Un vendeur est décédé 25 jours après la signature de l’acte. L’acheteur n’a payé qu’une mensualité pour une superbe villa !  » Gaétan Bleeckx

Arrive-t-il que le viager soit utilisé pour déshériter ses enfants ?

Indirectement, oui. La vente viagère se réalise alors sans que les enfants soient au courant de l’opération. Le vendeur discret conservera l’usufruit. Il vivra dans ses murs. Les héritiers découvriront que l’habitation a été vendue le jour du décès. S’il existe des demandes de renseignements sur le viager comme moyen de déshériter ses enfants, cela ne se concrétise pas vraiment dans les faits.

Vendre à d’autres personnes de la famille ?

Ce qui est plus fréquent, c’est une vente avec rente viagère à un neveu ou à une nièce. Le système peut être utilisé pour payer moins de droits de succession. Mais pour que cela ne devienne pas une donation déguisée, la rente doit être payée durant toute la durée de l’opération. La valorisation et le montant de la rente seront toujours crédibles. Les notaires disposent d’un logiciel pour calculer la rente. Le calcul se fait selon la valeur du bien, le bouquet et un rendement, par exemple de 2 % ou 3 %. Ceci étant, la taxation sur les donations immobilières a diminué depuis 2016. Ce qui rend la vente avec rente viagère moins attrayante.

Et à un voisin, à un ami ?

J’ai déjà eu le cas. Une personne âgée n’a pas d’héritiers. Et comme le voisin l’aide depuis des années, comme la maison doit subir de grosses rénovations, le vendeur en viager pense à son voisin. Ce qui peut arriver, les années passant, c’est que le vendeur dise à son voisin :  » Je n’ai plus besoin de cette rente, tu me rends tellement de services...  » Ce n’est pas sans danger. Imaginons que la personne âgée soit mise sous administration de biens (administration provisoire), car elle ne peut plus gérer son patrimoine, l’avocat qui sera désigné par un juge de paix constatera que la rente n’est plus payée. Il va demander l’annulation de la vente. L’acquéreur aura tout perdu, même les rentes versées ! Le rôle du notaire est d’attirer l’attention des acheteurs sur les risques. Si le vendeur souhaite mettre fin au paiement de la rente en échange de services, il passera par la rédaction d’un acte notarié.

Tout est-il possible en matière de viager ?

Les solutions sont multiples. On peut prévoir une clause en cas de départ du vendeur en maison de retraite. La rente sera augmentée à ce moment. L’acquéreur pourra disposer du bien en contrepartie. C’est le plus rationnel : le calcul de la rente tient compte de la valeur de l’usufruit.

Avez-vous un bon conseil de notaire à partager ?

Avant, les rentes étaient à vie (jusqu’au décès du vendeur). Elles sont aujourd’hui généralement limitées dans le temps. Si vous avez prévu un viager sur 15 ans et que vous avez 70 ans, vous garderez l’usufruit du bien. Et après ? Même si vous continuez d’occuper le bien, l’acheteur ne payera plus de rente. Il faut bien en être conscient. N’allez-vous pas vivre jusqu’à 95 ans ? N’oublions pas que l’opération viagère est souvent effectuée, car il y a un manque de revenus. C’est un véritable complément à la pension légale.

Une anecdote pour terminer ?

La loi dit que si le vendeur décède dans les 20 jours après la vente, elle est résolue (annulée). J’ai connu une vente où l’acte a été passé un 1er juillet et le vendeur est décédé un 25 juillet. La vente a été maintenue à quelques jours près. Cela signifie que l’acheteur est devenu propriétaire d’une belle maison à Bruxelles en ne payant qu’une seule mensualité ! Si une personne peut vivre très longtemps comme Jeanne Calment, il existe des cas extrêmes inverses.

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