Francfort, une pépite à découvrir

De toutes les villes allemandes, Francfort reste sans doute la grande méconnue. On passe à proximité en voiture, en route vers la montagne ou le soleil. Pourtant, s’y arrêter le temps d’un city-trip est une excellente idée!

Quand on débarque en train au coeur même de la finance européenne et que la skyline se dessine, le regard est immédiatement happé par le Messeturm, surnommé « le Crayon », qui fait office de point de repère bien commode. Pour se faire une première idée de Francfort, nous embarquons à bord du MS Maria Sybilla Merian (Primus-Linie) à l’Eiserner Steg et faisons deux boucles: à l’aller, dans le sens du courant et, au retour, à contre-courant. Nous naviguons le long de la rive sud émaillée de nombreux musées composant le Museumsufer, parmi lesquels le célèbre Städel tient la vedette. Sur la rive nord, la ligne d’horizon impressionne avec ses innombrables gratte-ciel, à l’allure de carte postale. Sur les dix-huit gratte-ciel que compte l’Allemagne – des tours d’au moins 150 mètres – dix-sept se trouvent à Francfort. Et ce nombre ne cesse de croître depuis que les Britanniques ont quitté l’UE et que le rôle de Francfort en tant que centre financier ne fait que s’accroître. L’intrus dans ce panorama? Le Kaiserdom St Bartholomäus, la cathédrale avec sa tour de briques rouges, où tous les empereurs ont été couronnés entre 1562 et 1792.

Un projet ambitieux

Lorsque les Alliés ont bombardé Francfort en mars 1944, une des cités médiévales les mieux conservées d’Europe a été détruite. Après la guerre, les Allemands ont reconstruit le centre-ville dans un style majoritairement brutaliste et géométrique. Mais la nostalgie de l’Altstadt en ruines est restée forte et a pris forme avec le projet Dom-Römer. Ce programme ambitieux a fait renaître la vieille ville entre le Römerberg et la place du Dom, avec des maisons à colombages, des places et même un nouveau Krönungsweg, la liaison entre le Dom et le Römerberg. Après six ans de travaux, cette grande percée du nouveau coeur de Francfort à l’ancienne s’est achevée fin 2018. Certes, les lieux doivent encore développer une patine pour séduire totalement.

Des oeufs et des pommes de terre

Depuis le premier étage de la petite halle couverte (Kleinmarkthalle), on surplombe les étals en contrebas. Ce marché, situé à côté de celui, en plein air, place Konstablerwache, est idéal pour acheter ses fruits et légumes le samedi, mais pas que! Les habitants de la ville aiment s’y retrouver entre amis le temps d’un lunch ou d’un verre de vin. Au Marktstubb, également installé au premier étage, Wolfgang Husky concocte des hamburgers traditionnels. Sa cuisine, simple et savoureuse, est servie dans un cadre original, aux murs décorés d’assiettes émaillées. Le « Grüne-Soße mit 4/2 gekochte Eier und Salzkartoffeln », une assiette richement garnie de sauce verte, de deux oeufs durs coupés en deux et de pommes de terre sautées, est un plat que les Francfortois adorent, au point qu’il existe un monument élevé à la gloire du Grüne Soße! L’artiste Olga Schulz a donné à ses sept serres potagères un ton de vert différent, manière d’évoquer la sauce qui se compose de sept variétés d’herbes aromatiques, ciselées et mélangées à du jaune d’oeuf, de la moutarde, de la crème liquide et de l’huile. Ces sept herbes – du cerfeuil à la bourrache – sont également vendues en bottes sur le marché.

Le thé en mode chic

Près des halles couvertes se trouve MyZeil, un centre commercial très fréquenté qui allie shopping, gastronomie et divertissement sous un dôme en verre. Le bâtiment, signé de l’architecte Fuksas, évoque de l’extérieur un géant qui aurait, dans un accès de fureur, enfoncé son poing dans la façade. À l’intérieur, vous pouvez goûter à des cuisines du monde au dernier étage ou acheter du thé en mode chic au Ronnefeldt. L’échoppe vend du thé depuis 1823 et les conseillers se feront un plaisir de vous guider. Dans le parc Gallusanlage, un Népalais a investi dans un kiosque où les locaux viennent acheter la presse internationale, boire un café sur le pouce ou siroter une bière locale, la Binding, entre collègues à un mange-debout, en fin d’après-midi.

Des pommes acidulées

Passé le pont, nous prenons les escaliers qui mènent à l’entrée du Städel, un musée accueillant, clair et lumineux, qui abrite l’une des plus importantes collections allemandes d’art, avec notamment le célèbre portrait du poète Goethe – l’enfant chéri des Francfortois – par Tischbein. Juste à côté de cette oeuvre, on peut admirer la « Vue de Francfort-sur-le-Main depuis l’ouest » de Domenico Quaglio, qui dépeint la ville telle qu’elle était en 1831.

Nous mettons le cap sur « Daheim in Lorsbacher Thal », une auberge située depuis 1803 dans le quartier de Sachsenhausen. Le gérant nous accueille et nous indique la table en bois qu’il nous a réservée. L’Äppelwoi, le cidre local, fabriqué à base de pommes acidulées et versé dans des cruches en terre cuite grise, est présent sur la quasi-totalité des tables de l’auberge. Les verres, avec leur motif typique en forme de losange, font briller la boisson d’un éclat doré. Le breuvage est un peu plus fort qu’une bière et séduit par son goût très frais.

Un rêve de vitrier

Avant de reprendre le train, le dimanche matin, nous enfourchons nos vélos et longeons le Main en direction d’Ostend (à ne pas confondre avec Ostende! ), le quartier portuaire qui accueille l’immeuble de la Banque centrale européenne (BCE) et ses deux tours vitrées hautes de 185 mètres. Le site abritait à l’origine la Grossmarkthalle, des halles anciennes classées monument protégé, qu’il n’était pas question d’abattre. Les architectes autrichiens ont donc dû construire le bâtiment au-dessus des halles. La BCE fait partie du réaménagement de l’Osthafen de Francfort, un site réhabilité à coup de start-up installées dans d’anciens entrepôts.