Guy Legrand, ancien rédacteur en chef de cash! © FRANK BAHNMÜLLER

Faut-il avoir peur de la Chine?

Voilà plusieurs mois que Pékin s’impose régulièrement dans l’actualité. Non plus à propos du Covid, ou si peu, mais au niveau économique et financier. Ce pays toujours communiste semblait avoir succombé aux charmes du capitalisme. Ne se contentant plus de produire en sous-traitance pour les géants occidentaux, les Chinois ont en effet lancé des entreprises d’envergure mondiale, dont les patrons ont rapidement fait fortune. D’après le magazine américain Forbes, le pays compte 626 milliardaires, pas beaucoup moins que les États-Unis (724). En y ajoutant ceux de Hong Kong, on arrive même à près de 1.000.

Les sociétés chinoises ont par ailleurs racheté de nombreuses entreprises européennes, grandes et petites. Volvo notamment, dont l’usine de Gand est un des plus gros employeurs de Flandre. Ou encore, en 2016, le fabricant de robots Kuka, un fleuron technologique allemand. Stupeur outre-Rhin, au point que Berlin s’est doté d’une loi pour empêcher la répétition d’une telle mainmise. L’Europe s’est émue cette même année quand Pékin a racheté le port du Pirée, à Athènes, pour appuyer sa stratégie des « nouvelles routes de la soie » et favoriser ses exportations. En réalité, le géant maritime chinois Cosco a pris position un peu partout, y compris à Anvers et à Zeebrugge, dont il contrôle le terminal de conteneurs. Pourquoi s’en émouvoir? Parce que Cosco est une entreprise d’État, dont le business ne saurait donc être dénué de visées politiques. Ainsi qu’on l’a observé en Grèce!

Les entreprises chinoises sont obligées de renseigner l’état.

Du reste, les groupes privés ne seraient-ils pas eux aussi les yeux et les oreilles de Pékin, fût-ce à leur corps défendant? Alors que plusieurs pays ont exclu les fournisseurs chinois pour construire le réseau 5G de téléphonie mobile, Pékin a en quelque sorte tombé le masque. Tantôt, c’est le journal officiel du parti qui pourfend les entreprises de jeux vidéo, tantôt le président Xi Jinping qui annonce plus d’impôts pour les riches. En faisant chuter la Bourse, au grand dam des investisseurs s’étant diversifiés en Chine. En tout cas, le message est clair: le vrai patron de la Chine, c’est bien le parti communiste et ses représentants. Cela signifie-t-il que les entreprises chinoises sont autorisées à prospérer, mais à condition d’être très patriotes? C’est-à-dire de fournir à Pékin toutes informations souhaitées? Autrement dit, d’espionner?

En fait, la question ne se pose même pas: une récente loi chinoise oblige les entreprises à collaborer avec les services de renseignement de leur pays, a souligné la Sûreté de l’État. Qui a donc mis en garde contre l’usage des GSM chinois, du moins pour les employés et fonctionnaires pouvant détenir des informations sensibles. On a quelquefois évoqué Big Brother à propos des Google, Facebook et autres géants de l’internet, mais l’Occident a pris conscience, cette année, qu’il en est un autre, un « vrai », beaucoup plus inquiétant.

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