© Wim Kempenaers

Emmeline 19 ans, fille d’Hedwige, 51 ans

« Il y a deux ans et demi, on a diagnostiqué une démence précoce à ma maman. Les médecins ont d’abord cru qu’elle était en burn out ou en dépression. Même si c’était grave, on était contents de savoir. Ça nous a permis d’aller de l’avant. On a pu faire des recherches, essayer de comprendre ce qui se passait dans la tête de maman, prendre contact avec d’autres personnes dans le même cas, avec des institutions...

Maman est tout à fait consciente du diagnostic, même si on aurait préféré qu’elle ne s’en rende pas compte et qu’elle n’y pense pas si souvent. Elle ne peut plus faire certaines choses et cela l’attriste. Elle n’aime pas demander de l’aide. Résultat, quand elle a du mal à faire quelque chose, on ne sait pas s’il faut l’aider ou pas.

Nous ne parlons jamais de ce qui lui arrive en sa présence. Ça la rend triste et ça ne sert à rien. Au restaurant ou dans un magasin, nous n’expliquons pas spontanément que maman a Alzheimer. Nous ne le faisons que lorsque c’est nécessaire, par exemple dans une boutique de vêtements, si on nous jette des regards furieux parce qu’on prend trop de temps dans la cabine d’essayage. Certains resteraient chez eux pour éviter ce genre de situation, mais je préfère continuer à faire des sorties avec ma mère le plus longtemps possible.

Depuis le diagnostic, ma vie ne ressemble plus tout à fait à celle d’une ado normale. Maman est devenue quelqu’un de très différent. Elle n’est plus vraiment mère, d’ailleurs. Elle vit chez nous et on aime se voir, mais elle ne fait plus rien de ce qu’elle faisait avant. C’est Papa et moi qui avons pris le relais. Et Mamy nous aide aussi beaucoup pour le ménage. Parfois, j’aimerais tellement que Maman puisse nous donner des conseils, nous dire toutes ces choses qu’elle nous disait. Maintenant, c’est mon papa qui le fait. Depuis que Maman est malade, j’entretiens une relation très forte avec mon père et mon frère. Je peux parler de tout avec mon père. Mon frère cadet semble en avoir moins besoin, mais on aime se retrouver régulièrement. Je peux aussi me confier à mes amis. J’ai besoin de parler, de relâcher la pression. Avec eux, j’essaie de faire des trucs amusants. Mais après, il m’arrive de culpabiliser un peu, parce que je ne suis pas avec Maman. Même si je sais que j’ai aussi le droit de me détendre.

Parfois, j’aimerais que maman puisse encore me donner des conseils... Emmeline

L’été dernier, j’ai participé à un camp avec d’autres enfants dont l’un des parents est atteint de démence. C’était formidable! On se comprend sans avoir besoin de se parler beaucoup. Avec les autres personnes, c’est parfois difficile d’expliquer en quoi consiste cette maladie. On me demande: « Mais est-ce que ta maman te reconnaît encore? » Et quand je réponds que oui, les gens se disent que ce n’est pas si grave. Or, la démence, ce n’est pas que l’oubli.

L’humour, aide aussi! Certains situations sont franchement cocasses. Peut-être pas sur le moment... mais après coup on en rit. Sinon, tout serait trop lourd! Je pourrais pleurer tous les jours, mais ça ne servirait à rien. Alors autant rester positive. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire