Dirk Deraedt, médecin spécialiste en soins intensifs, tient la chronique d'événements qui le touchent dans sa pratique. © FRANK BAHNMÜLLER

Du neuf... et du moins neuf

Dans le domaine des soins de santé, il n’est pas rare que l’être humain ait l’occasion de déployer toute son ingéniosité. L’histoire des avancées médicales regorge d’étapes décisives. Si toutes les innovations ne sont pas aussi spectaculaires que la première transplantation cardiaque, elles n’en sont pas moins révolutionnaires! C’est ainsi que, tout jeune étudiant en médecine, j’ai entendu un professeur en gastro-entérologie annoncer avec beaucoup d’émotion la mise au point de nouveaux médicaments antiacides très efficaces. Il nous avait prédit que l’arrivée des inhibiteurs de la pompe à protons, dont l’oméprazole, permettraient de mieux traiter les ulcères à l’estomac. Et ça s’est confirmé: les traitements lourds, comme les ablations chirurgicales partielles de l’estomac, appartiennent désormais au passé.

Si toutes les innovations ne sont pas aussi spectaculaires que la première transplantation cardiaque, elles n’en sont pas moins révolutionnaires!

J’y repensais au moment de prendre en charge un patient souffrant d’une perforation gastrique. « Je ne jurais que par les pastilles Rennie dès que j’avais mal à l’estomac », me confie-t-il. Je lui fais remarquer que les maux d’estomac ne sont pas toujours anodins et qu’il existe de nouvelles solutions bien plus efficaces pour prévenir les ulcères. « Nouveau n’est pas forcément synonyme de mieux », me répond-il. Malheureusement pour lui, des comprimés à base de calcium n’ont pas suffi à empêcher l’ulcère de percer la paroi de son estomac. Une opération en urgence a permis de stabiliser son état. Enfin, plus ou moins, car sa guérison est maintenant remise en cause par une fibrillation auriculaire persistante, accompagnée de palpitations et d’arythmie cardiaque. Je lui explique que nous avons essayé plusieurs traitements différents, sans effet jusqu’à présent. « Y compris les tout derniers médicaments disponibles? » me demande-t-il. Je confirme. « Et maintenant? » insiste-t-il. « Nous envisageons de remettre votre coeur au pas à l’aide d’un choc électrique. »

Mais je dois en parler avec un cardiologue. Nous décidons de faire une dernière tentative médicamenteuse, mais laquelle? Nous n’avons pas encore essayé la digoxine, un extrait de plante dont le nom scientifique est Digitalis purpurea, mieux connue sous son appellation vernaculaire de digitale pourpre ou grande digitale. Ses bienfaits ont été mis en évidence, dès le XVIIIe siècle, par William Withering, un médecin et botaniste anglais.

Ce médicament n’est pas sans risque, car la frontière entre dose bénéfique et dose toxique est mince. Mais il peut se montrer très efficace: peu de temps après administration de la digoxine, le coeur de mon patient a retrouvé un rythme normal. Il s’est tout de suite senti mieux. « Est-ce un médicament ancien ou récent que vous m’avez donné? » me demande-t-il. Je lui réponds: « Vieux comme le monde ». Et lui de me décocher un regard triomphal: « Ah, vous voyez que nouveau n’est pas forcément synonyme de mieux! »

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