DIRK DERAEDT MÉDECIN SPÉCIALISTE EN SOINS INTENSIFS, TIENT LA CHRONIQUE D'ÉVÉNEMENTS QUI LE TOUCHENT DANS SA PRATIQUE. © FRANK BAHNMÜLLER

Drones et loups-garous

Récemment, une nouvelle étrange a fait la une de l’actualité : une vingtaine de bébés espagnols ont manifesté le syndrome du loup-garou. Ce qui se traduit par une pilosité anormale sur l’ensemble du corps. La cause du problème? Une entreprise pharmaceutique a étiqueté par erreur comme médicament anti-reflux un produit qui stimule la pousse des cheveux. Une erreur d’étiquetage encore plus dramatique s’est produite en Belgique, à la fin du siècle dernier : deux bébés soignés dans l’unité de soins intensifs de néonatalogie ont reçu un mauvais médicament (du chlorure de potassium hautement toxique au lieu d’une solution sucrée) et en sont morts. Ce sont des cas rarissimes d’erreurs médicales où le problème est survenu chez le fabricant.

C’EST UN MIRACLE QU’IL N’Y AIT PAS PLUS D’ACCIDENTS AVEC LES MÉDICAMENTS UTILISÉS À DOMICILE

Les erreurs médicales commises dans les cliniques et les hôpitaux sont, elles, plus fréquentes. Aucun service n’est à l’abri. Les infirmières et les infirmiers, qui y travaillent à un rythme soutenu, sont sous pression et préparent à tour de bras les médicaments prescrits. Ce sont des actes répétés plusieurs centaines de fois par jour, des milliers de fois par semaine. Par des êtres humains. Le risque d’erreur est faible, mais il n’est pas nul. Certes, les procédures de contrôle prévues (double vérification par un collègue, par exemple) permettent de limiter fortement les bévues, mais hélas pas de les réduire à zéro. Une fois le mauvais médicament administré, les effets indésirables sont en général limités. Il arrive, très rarement, que ce soit plus grave, par exemple lorsqu’un patient est allergique à la molécule contenue dans un médicament et fait un choc anaphylactique.

On s’arrête beaucoup moins, en revanche, sur la façon dont les gens prennent leurs médicaments à domicile. Je repense à Martha*, l’épouse dévouée d’Edgar* qui était arrivé aux soins intensifs avec une hémorragie. À la question de savoir quels médicaments son mari avait pris, Martha a déposé sur le lit un grand sac plastique rempli de boîtes et de flacons assortis d’une liste toute froissée de médicaments prescrits lors de passages dans un autre hôpital. Les mains tremblantes, elle a sorti du sac les plaquettes, les gélules et les inhalateurs. Indiquant l’un des médicament, un anticoagulant, Martha a précisé :  » Ces cachets bleus, il en prend un chaque matin, sauf quand il fait humide dehors, dans ce cas il en prend trois... « .

Dans ces moments-là, on se dit que c’est un miracle qu’il ne se produise pas plus d’accidents avec les médicaments utilisés à domicile. Et on se prend à rêver que les dossier médical centralisé auquel ont accès les pharmaciens, les généralistes et les spécialistes sera optimalisé pour supprimer tout risque d’erreur. Les couples âgés, comme Martha et Edgar, se verraient alors livrer par un drone, chaque jour, à heure précise, un sachet contenant la quantité exacte de médicaments à prendre... C’est juste une idée.

* Les prénoms ont été modifiés

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