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Ces organes inutiles, vraiment?

Plusieurs de nos organes peuvent être enlevés sans réellement porter de conséquence à notre santé. La question se pose: mais à quoi servent-ils, dès lors?

1. Les amygdales

À quoi servent-elles? À proprement parler, les amygdales ne sont pas des organes. Il s’agit d’amas de tissus, dits « lymphoïdes », situés au fond de la bouche et dans la gorge. Dans cette zone, on compte plusieurs paires d’amygdales: les deux les plus connues et les plus généralement ôtées sont les amygdales palatines, palpables et visibles, situées de part et d’autre de la luette. Mais il en existe d’autres, sous la langue, dans le pharynx et derrière le voile du palais. « La sphère ORL constituant la voie d’entrée principale des virus et des bactéries, ces amygdales constituent une première barrière immunitaire, en produisant localement des anticorps », explique le Dr Sébastien Carlot, oto-rhino-laryngologue à l’Hôpital Erasme (Bruxelles). Elles peuvent s’enflammer et gonfler en cas d’infection aiguë.

Le plus souvent, la vésicule est enlevée suite à une crise de colique hépatique.

Pourquoi et quand sont-elles enlevées? « Avant, les amygdales était enlevées à tour de bras chez les petits enfants, rappelle l’ORL. Cela se faisait parfois même à domicile, sur les genoux des parents. Aujourd’hui, les ablations sont moins nombreuses. Les guidelines distinguent deux types d’indications pour les ôter, absolues ou relatives. » Le retrait des amygdales peut être complet ou partiel, suivant la nature du problème.

Au registre des indications absolues, on retrouve ainsi les amygdales naturellement hypertrophiées: si, dans les cas les moins graves, elles ne provoquent « que » des ronflements qui ne doivent pas être traités, elles peuvent aussi être à l’origine d’un syndrome obstructif des voies respiratoires, bien plus problématique et nécessitant une intervention chirurgicale. La répétition des angines (à partir de 4 à 5 épisodes par an) constitue aussi une indication absolue.

« Pour les autres pathologies, la décision sera prise avec le patient. Notamment en cas d’amygdalite chronique, ou s’il y a présence de caséum, de petites boules constituées de restes alimentaires, de tissus morts et de bactéries qui se coincent dans les logettes des amygdales, provoquant une mauvaise haleine, ce qui est parfois socialement compliqué. »

Une ablation vraiment sans conséquences? Même si c’est moins le cas qu’autrefois, l’ablation des amygdales reste une opération courante, réalisée sous anesthésie générale. En post-opératoire, elle a la particularité d’être plus douloureuse chez l’adulte, chez qui les amygdales sont profondément implantées, que chez l’enfant. « Dans le registre des douleurs post-opératoires de la sphère ORL, il s’agit même d’une des interventions les plus douloureuses », précise le Dr Carlot. Cette douleur peut durer jusqu’à une dizaine de jours et s’accompagner de saignements, à surveiller, surtout chez l’enfant.

Par la suite, l’ablation des amygdales n’aura aucune conséquence pour le patient, même au niveau de l’immunité. « Dans la plupart des cas, les amygdales sont retirées car déjà défectueuses: les amygdales restantes prennent le relais, le tissu lymphoïde continue à jouer son rôle de barrière immunitaire.. »

2. La vésicule biliaire

À quoi sert-elle? La vésicule biliaire est un petit réservoir qui collecte et stocke la bile, produite par le foie. « Cette bile intervient dans la digestion, une fois que les enzymes du pancréas ont dissous le bol alimentaire en éléments absorbables, explique le Dr Radu Banice, chirurgien au CHU de l’UCLouvain (site de Sainte-Elisabeth, Namur). Concrètement, lors d’un repas, la vésicule biliaire est stimulée, se contracte et diffuse une quantité relativement importante de bile dans le duodénum. Celle-ci permet de faciliter l’assimilation des graisses par la suite. »

Pourquoi et quand est-elle enlevée? Le plus souvent, la vésicule est enlevée suite à une crise de colique hépatique. « La composition de la bile varie d’une personne à l’autre et certaines compositions peuvent être plus épaisses et/ou favoriser l’apparition de calculs (lithiase), sous forme de petites pierres ou de sable, détaille le Dr Radu Banice. Une personne sur trois a des pierres dans la vésicule. » S’il existe des facteurs de risque de lithiase (BMI > 30, sexe féminin, antécédents familiaux, origine ethnique...), celle-ci peut toucher n’importe qui.

Les calculs peuvent boucher la vésicule, entraînant une crise douloureuse intense lorsque celle-ci se contracte, le plus souvent après un repas copieux: c’est la colique hépatique. Mais ce n’est pas la seule conséquence possible de la lithiase. Si un calcul de petite taille parvenait à sortir de la voie biliaire, il pourrait boucher la voie biliaire principale, entraînant une jaunisse, voire une angiocholite, une inflammation aiguë. Pire: un calcul pourrait aussi boucher la sortie du pancréas et causer une pancréatite, une inflammation du pancréas potentiellement gravissime. « Dès que la présence de calculs devient symptomatique, on considère donc qu’il y a plus de bénéfices à retirer la vésicule qu’à la laisser en place. »

Une ablation vraiment sans conséquences? L’ablation de la vésicule se fait le plus souvent par laparoscopie, c’est-à-dire en limitant l’ouverture de l’abdomen à quelques petites incisions par lesquelles passent les instruments. Il y a donc généralement peu de conséquences post-opératoires. Une fois la vésicule enlevée, le foie continue à produire un flux continu de bile, jusqu’à un litre par jour. Celle-ci n’est toutefois plus stockée pour être délivrée abondamment lors d’un repas, mais diffusée constamment, en quantité limitée. « Si la vésicule du patient était dysfonctionnelle depuis longtemps, cela ne portera le plus souvent pas à conséquence, car les intestins ont eu le temps de s’adapter à son inefficacité. Seuls 10% des patients risquent de souffrir de troubles digestifs après une ablation, caractérisés par des selles liquides après avoir consommé un repas plus gras. »

3. L’appendice

À quoi sert-il? L’appendice est un petit bout d’intestin borgne – une bifurcation se terminant en cul-de-sac. « L’appendice intervient surtout dans le système immunitaire de la vie foetale et dans les premiers mois de vie, jusqu’à plus ou moins un an », précise le Dr Banice. Son rôle à l’âge adulte est encore mal connu mais, en l’état actuel des connaissances, considéré comme quasi inexistant. Des études laissent toutefois entrevoir que l’appendice pourrait jouer le rôle d’une « réserve de bactéries » utile à l’organisme: relativement isolées du reste du colon, les bactéries qui y nichent pourraient ainsi recoloniser plus rapidement l’intestin après une antibiothérapie, par exemple. Mais cette hypothèse n’a pas encore été indubitablement prouvée.

La rate est un organe très sensible aux chocs traumatiques.

Pourquoi et quand est-il enlevé? L’appendice est ôté en cas de crise d’appendicite, une inflammation soudaine et très douloureuse de cet organe. Une pathologie très courante: 7% de la population en souffre un jour ou l’autre et cela peut arriver à tout âge. Elle est due à une stagnation de matière dans l’appendice, favorisant le développement de bactéries et, partant, une infection. « Comme tout le gros intestin, l’appendice produit des sécrétions, qui peuvent créer un bouchon. Mais l’appendice peut aussi être encombré par un morceau de selles plus dur, un résidu alimentaire (noyau de cerise, par exemple) ou suite à une maladie inflammatoire. »

Une ablation vraiment sans conséquences? Comme pour la vésicule, l’ablation est réalisée par laparoscopie, peu invasive. L’appendice n’ayant pas réellement d’utilité prouvée à l’âge adulte, les conséquences de son ablation, pour autant qu’elle soit réalisée dans les temps, sont considérées comme nulles.

4. La rate

À quoi sert-elle? La rate est un organe qui se présente un peu comme une éponge remplie de sang, où sont détruits et recyclés les plaquettes et les globules rouges en fin de vie. « Dans l’enfance, elle participe également à l’immunité, en permettant la formation des globules blancs, un rôle ensuite repris par la moelle, ajoute le chirurgien. Au niveau immunitaire, le rôle de la rate devient donc secondaire à l’âge adulte, cantonné à la production de globules blancs dirigés contre certains virus et bactéries spécifiques. »

Pourquoi et quand est-elle enlevée? Par sa position dans le corps (non protégée, car juste sous la cage thoracique) et sa nature (très irriguée en vaisseaux sanguins), la rate est un organe très sensible aux chocs traumatiques. En cas d’accident de voiture, par exemple, il n’est pas rare qu’elle éclate. L’ablation de la rate est alors réalisée en urgence, car le risque d’hémorragie est bien présent. « Jusqu’à 50 ans, on essaye toutefois de préserver un petit morceau de rate chez le patient, dans la mesure du possible. » La rate peut aussi être ôtée en cas de certaines maladies hématologiques, plus rares.

Une ablation vraiment sans conséquences? Si les chirurgiens tentent le plus souvent de préserver un bout de rate en cas de traumatisme, ce n’est pas pour rien: il est tout à fait possible de vivre sans rate, sans trop de conséquences au quotidien, mais cela n’est pas sans danger. « Les globules blancs spécifiquement produits par la rate sont dirigés vers certains pathogènes comme les pneumocoques, les méningocoques ou les influenzae. Faute de rate, les infections à ceux-ci peuvent évoluer plus rapidement et de façon plus agressive. On essaye donc de vacciner systématiquement les patients concernés contre ces pathologies. »

La destruction des plaquettes et des globules rouges est pour sa part reprise en périphérie. Cette destruction est toutefois moins efficace: il est parfois nécessaire de fluidifier la circulation sanguine grâce à des antiagrégants plaquettaires, comme l’aspirine.

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