Guy Legrand, ancien rédacteur en chef de cash! © FRANK BAHNMÜLLER

Arizona, Nevada: le mirage immobilier

Le premier grand voyage que nous avons réalisé, ma femme et moi, avait pour destination l’Ouest américain. J’ai profité de notre séjour à Las Vegas pour aller découvrir Calvada. But: écrire un reportage pour le magazine, car cette importante promotion immobilière était vendue jusqu’en Belgique. Je ne fus pas déçu: quelle mise en scène hollywoodienne! Avec ces pelouses bien vertes et cette rivière qui vient d’on ne sait où et qui disparaît tout aussi mystérieusement. Et ceci en plein désert du Nevada! Si ce n’est pas un mirage, ne serait-ce pas une escroquerie?

Surprise à mon retour: tel est le mot utilisé par le magazine allemand Der Spiegel, en couverture du reportage qu’il consacre alors à Calvada! Je fus d’autant plus à l’aise pour écrire un article mettant les lecteurs en garde. Au lendemain de sa parution, un vendeur d’investissements « alternatifs » me téléphone: « Dès que j’ai lu votre article, j’ai rompu les ponts avec mon associé, qui vendait Calvada dans le Benelux. » Mon interlocuteur était-il de bonne foi? Je n’en jurerais pas... Calvada existe toujours, sans herbe verte et sans rivière, mais avec beaucoup de parcelles vides et de maisons à vendre.

Ce même voyage nous avait menés dans la région du Grand Canyon. Ceci m’a permis, un peu plus tard, de pouvoir situer les terrains proposés par la société belge Bruxinvest. Dont le promoteur fut inculpé deux ans plus tard pour fraude fiscale, faux et usage de faux, etc. Mais pas pour avoir vendu des parcelles de 15 à 90 fois leur valeur locale. Car ces terrains, présentés comme proches du Grand Canyon et soi-disant promis à une belle plus- value, se situaient en réalité loin de tout et ne pouvaient donc pas intéresser grand-monde.

Pourquoi tant d’Européens étaient-ils naguère prêts à acheter de l’immobilier américain? Dans les années 70 et 80, avant la chute de l’URSS, certains voulaient se prémunir contre le « péril rouge ». Imaginant, bien à tort, que la détention d’un bien là-bas leur permettrait de s’y réfugier. Par ailleurs, l’immobilier, n’est-ce pas du solide? Les aigrefins le savaient bien: un Européen ne comprend pas qu’un terrain peut être quasiment sans valeur dans des régions très peu peuplées, a fortiori quand elles sont désertiques!

Cette époque est révolue, certes. Il faut toutefois rester méfiant. Souvenez-vous de la firme Optima, au marketing très actif, déclarée en faillite en juin 2016. Les investissements « sur mesure » qu’elle proposait étaient en réalité standardisés: assurance-vie à Luxembourg et immobilier en Belgique. Mais ce dernier était aussi vendu plus cher que le prix du marché, me confirma un agent immobilier... qui travaillait pour la société. Celle-ci prenait les devants en évoquant des « rendements un peu faibles mais sûrs ». Rien de comparable avec les affaires Calvada et Bruxinvest, bien entendu. Sauf que l’immobilier d’investissement ne fait pas exception à la règle: tout a un juste prix!

Un Européen comprend mal qu’un terrain puisse être sans valeur.

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