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5 défis pour l’électrique

L’inéluctable électrification du parc automobile va complètement modifier notre rapport à la voiture. De la taxation à l’approvisionnement en électricité, plusieurs obstacles nous attendent...

Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu des chevaux plus rapides », affirmait Henry Ford, précurseur de l’automobile. Si le Salon de l’auto avait accueilli des visiteurs cette année, ils auraient été bombardés de nouveautés électriques. Qu’on le veuille ou non, on devra tous y passer, même si les véhicules totalement électriques ne représentaient que moins de 3% du marché automobile belge en 2020. C’est l’hybride (1 voiture neuve sur 10) qui, en attendant, impose l’idée d’une mobilité électrifiée.

On aurait certes pu revenir sur le sempiternel débat de savoir si la voiture électrique est vraiment écologique, sur les vrais taux d’émission de CO2, sur l’autonomie réelle. C’est le débat d’hier même si c’est toujours intéressant. L’électricité s’impose aujourd’hui sur les routes qu’on le veuille ou non. Et des défis attendent les automobilistes comme les autorités.

Défi n°1: la taxation au kilomètre

Que se passera-t-il quand tout le monde ou presque devra rouler à l’électricité? Deux constats d’abord. Le premier, c’est que les accises sur l’essence et le diesel garnissent les caisses de l’État à hauteur de 6,1 milliards d’euros. La TVA sur les carburants, quant à elle, y contribue à hauteur de 2,7 milliards d’euros. Le second constat, c’est que l’interdiction des véhicules à carburant fossiles est inscrite dans les étoiles. Les voitures diesel et essence seront bannies de Bruxelles dès 2035, par exemple. Dès lors une question se pose : l’Etat va-t-il abandonner une de ses vaches à lait sans broncher? C’est fort peu probable. Une taxe au kilomètre sur les véhicules électriques pour compenser le manque à gagner a déjà fait son chemin. Elle devrait être renforcée par une kyrielle de péages.

Croire que la fiscalité sera plus favorable grâce à l’électricité, c’est croire aux contes de fées!

Certains ont déjà franchi le pas comme c’est le cas en Australie où deux régions (Australie-Méridionale et Victoria) ont instauré une taxe à l’encontre des propriétaires de voitures électriques et de modèles hybrides rechargeables. Le montant à régler est respectivement l’équivalent de 1,5 et 1,2 centime d’euro par kilomètre parcouru. L’exemple australien devrait faire des émules. Car une part importante de l’économie des pays industrialisés repose sur la contribution financière des automobilistes. Croire que la fiscalité sera plus favorable grâce à la fée électricité, c’est aussi croire aux contes de fées.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) donne le ton. Elle suggère aux Etats de se préparer dès aujourd’hui à l’électrification du parc automobile en généralisant les péages urbains et en taxant l’utilisation des routes. Dans un rapport intitulé « Taxer les véhicules, le carburant et l’utilisation des routes », l’OCDE appelle les Etats développés « à repenser leur politique fiscale sur le transport routier en s’éloignant de la taxation du carburant. » Et ce, en privilégiant « des redevances de distance et l’instauration de péages urbains ». Ce qui permettrait d’établir une assiette fiscale stable et efficace à long terme dans le secteur du transport routier et constituerait un grand pas en avant dans l’utilisation des taxes pour réduire les coûts externes du transport routier.

Taxation à la « belge »

Aujourd’hui en Flandre, les véhicules électriques sont exemptés de taxe de mise en circulation (TMC) et de taxe de circulation. En Wallonie et à Bruxelles, par contre, la taxe de circulation est ramenée à un montant forfaitaire de 82,10 ? et la TMC est fixée à 61,5 ?. Et pour les hybrides? Cela dépend de plusieurs critères: de la région d’immatriculation et si le véhicule est rechargeable. Le calcul de la TMC et de taxe de circulation en Wallonie et à Bruxelles repose sur la puissance en kW du moteur thermique. En Flandre, cela repose sur les émissions CO2 et le carburant du moteur thermique (voir le simulateur disponible sur belastingen.fenb.be). Les véhicules hybrides rechargeables avec des émissions CO2 sous les 50 g/km sont aussi dispensés de taxe de mise en circulation et de taxe annuelle en Flandre.

Défi n°2: passer par l’hybride

« Avec une réglementation européenne de plus en plus contraignante, tous les constructeurs ont fini par se mettre à l’électrique », expliquait Jean-François Bélorgey, spécialiste, dans les colonnes du journal économique Les Échos. Et d’ajouter que le marché est en train de se polariser entre l’électrique pur pour les citadines et les hybrides rechargeables pour les routières.

En Belgique en 2020, la part de marché des voitures électriques à batterie a pratiquement doublé et est passée de 1,5% à 2,9%, selon la Fédération Belge de l’Automobile & du Cycle (Febiac). Mais ce sont les ventes de voitures hybrides qui ont le plus progressé passant de 4,6% à 9,5% de part de marché. Les hybrides rechargeables, les plug-in donc, ont particulièrement le vent en poupe. Une voiture hybride recourt à la fois à un carburant et à l’électricité pour se mouvoir au moyen de deux moteurs. Il existe deux types d’hybride. Certaines ne se rechargent pas au moyen d’une prise, mais lorsque l’automobiliste utilise ses freins ou son frein moteur. Pour les Hybrid plug-in, les batteries se rechargent en les branchant sur une prise électrique. Ces véhicules disposent d’une autonomie électrique d’environ 50 km. Les longues distances se font grâce au moteur thermique alimenté au carburant.

C’est clairement l’hybride qui a la cote dans nos vertes contrées, même il s’agit surtout d’une technologie de transition en attendant que le 100% électrique soit mûr. « Ce n’est guère étonnant, détaille-t-on du côté de la Febiac. Notre pays compte très peu de bornes de recharge et la plupart des habitants font moins de 50 kilomètres par jour en voiture. La majeure partie du trajet peut être parcourue en mode électrique. Il faut toutefois savoir qu’un hybride plug-in entièrement chargé est loin d’offrir la même autonomie en mode électrique qu’une voiture 100% électrique. Une hybride plug-in peut en revanche être rechargée sur une prise de courant ordinaire, un avantage non négligeable dans un pays où l’infrastructure de recharge pour les véhicules électriques laisse encore à désirer. »

Une borne de rechargement à domicile coûte de 600 à 2.000 ?.

Il faudra compter une moyenne de 8.000 ? de plus qu’une voiture équivalente essence ou diesel pour une hybride plug-in. Attention, les hybrides ne sont pas adaptées pour tracter des caravanes ou d’autres attelages lourds.

Défi n°3: rechargeable, ça veut dire qu’il faut... recharger!

La voiture hybride rechargeable, dont l’autonomie moyenne en mode électrique avoisine les 50 km, est pertinente pour les petits trajets. La motorisation thermique peut prendre le relais pour les déplacements à longue distance. Mais les longs trajets ne doivent pas être la norme, car ces véhicules hybrides sont plus lourds et consomment plus sur de longs trajets en raison de leur équipement. Cela étant, les hybrides rechargeables permettraient de réduire, selon les modèles, de 15 à 55% les émissions à l’échappement par rapport à un véhicule classique.

Mais encore faut-il que l’usage soit de l’hybride soit bien respecté. Et c’est là que le bât blesse. Une étude allemande du Fraunhofer Institute (sciences appliquées) portant sur 104.709 véhicules a révélé qu’un paramètre humain plombait les performances énergétiques de ces véhicules. Il s’agit de la... non-charge des voitures. Certains véhicules ne seraient en réalités jamais rechargés. Si les entreprises investissent dans de ces véhicules pour leur fiscalité avantageuse, certains de leurs employés ne se soucient pas toujours de la recharge. Oui, rechargeable, ça veut dire qu’il faut recharger.

Défi n°4: la voiture de société

Le nombre de voitures de société s’élève à 650.000 en Belgique. Et d’ici 2026, toutes les nouvelles voitures de société devront être non émettrices de gaz à effet de serre. Le diesel et l’essence vont être bannis. La voie à l’électricité est toute tracée. Mais, petite devinette, en sachant qu’environ 70% des recharges de véhicules se font au domicile (contre 30% au travail et sur la voie publique), les employeurs ont-ils l’obligation de faire installer une borne de recharge au domicile de leurs travailleurs? La réponse est non. Plusieurs acteurs du marché du leasing automobile comme Arval envisagent cependant des offres intégrées comprenant la location d’un véhicule, l’entretien, l’assurance et l’installation d’une borne de rechargement à domicile.

Et si vous désirez faire installer une borne de rechargement chez vous, sachez qu’il vous faudra dépenser entre 600 et 2.000 ? en fonction du type de borne (monophasée ou triphasée), d’éventuelles adaptations de l’installation électrique et du raccordement, du coût du contrôle, etc. Ce prix, relativement élevé doit bien entendu être pris en compte dans le coût global d’une mobilité électrique.

Autre devinette. Sachant qu’un véhicule électrique peut coûter jusqu’à 30% de plus que son équivalent à moteur thermique, que va-t-il se passer? Selon Frank Van Gool, le patron de Renta (fédération du marché de la location automobile), la valeur catalogue du véhicule électrique va gonfler l’avantage de toute nature pour le travailleur. Car les prix de l’électrique sont supérieurs à ceux des autres véhicules. La conséquence est facile à deviner: l’employé qui jouit d’une voiture-salaire plutôt haut de gamme va probablement devoir se rabattre sur un modèle « moins luxueux ». Les sociologues s’accordent pour dire que la voiture fait souvent partie des signes extérieurs de richesse ou de statut social. L’électrique va bousculer les idées reçues sur le sujet.

La sacro-sainte carte carburant va-t-elle disparaître? Ici, l’électrification du parc automobile ne va guère modifier les habitudes. La solution repose simplement sur une carte de recharge, l’équivalent d’une carte carburant. Le bénéficiaire l’active à chaque utilisation d’une borne que ce soit au domicile, au travail, sur la voie publique ou sur une aire autoroutière. Un tarif fixe au kWh pour le dédommagement du volume consommé est convenu dans le contrat.

Défi n°5: adapter le réseau

Tout le monde ne possède pas un garage. Et on imagine mal qu’en ville chaque automobiliste sorte une rallonge de son habitation, le fil traversant le trottoir, pour recharger son véhicule durant une dizaine d’heures. La solution la plus rapide, celle qui prend quelques minutes pour une recharge, repose sur des bornes express installées sur la voie publique. Aïe! Le réseau électrique de certaines grandes villes n’est pas adapté à cet usage. A Bruxelles par exemple, 88% des rues de la capitale sont encore équipées de lignes 230 volts alors que le réseau devrait être équipé de lignes 400 volts.

Pour ceux qui vivent en appartement par contre et qui disposent au minimum d’une place de parking, des solutions existent. Des sociétés comme PlugZoo installent des chargeurs sur les emplacements de parking et gèrent la facturation électrique au propriétaire. L’accès au chargeur fonctionne avec une carte à glisser. La copropriété doit donner son accord.

Mais de toutes les manières, il faudra revoir notre consommation électrique. La rédaction de la VRT, avec l’aide d’experts universitaires, avait fait un calcul partant du postulat que tout le monde passait à l’électrique du jour au lendemain. Il faudrait alors l’équivalent de deux centrales nucléaires supplémentaires ou 1.220 éoliennes terrestres ou encore de 15.200 terrains de foot de panneaux solaires pour faire face à ce défi. La solution? Miser sur le renouvelable, mais surtout augmenter l’approvisionnement électrique venant des centrales au gaz... une énergie fossile.

5 défis pour l'électrique
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Le plein? 750 ? / an

Selon Ores, gestionnaire de réseau électrique, le coût pour faire rouler une voiture électrique serait de 750 ? par an. Il faut considérer que la voiture parcourt en moyenne 15.000 km avec une consommation d’électricité de 0,2 kWh par kilomètre. La voiture est rechargée durant les heures creuses avec un compteur bi-horaire au tarif de 0,25 ?/ kWh.

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