Le château de Freÿr reconstruit dans le style renaissance mosanne. © A. B. de L. / www.freyr.be

Vallée de la Meuse, le pays des châteaux

Perchés sur un éperon rocheux ou tranquillement installés dans la plaine, les châteaux de la Meuse offrent une incroyable diversité de paysages et d’architectures. De la forteresse médiévale inexpugnable aux jardins à la française, petit passage en revue des joyaux mosans à voir absolument.

Victor Hugo la décrivait comme un « brusque et horrible précipice » au milieu de paisibles plateaux. Avec ses parois escarpées au bas desquelles coule paresseusement le fleuve, la vallée de la Meuse a quelque chose de grandiose. Pour les anciens, elle constituait surtout une imposante frontière naturelle, doublée d’une voie fluviale de première importance. Au Moyen-Âge, les villes se multiplient et se serrent donc le long des berges, entre l’eau et la roche.

Fort convoitée, la vallée de la Meuse est alors aux mains de diverses puissances : Comté de Namur, Principauté de Liège, Duché de Limbourg... Il suffit parfois de traverser un pont, de marcher quelques centaines de mètres pour entrer en pays ennemi. Pour limiter les menaces de pillage et d’invasion, la vallée se couvre de forts, de citadelles. A l’époque, entre Sedan et Liège, on ne compte pas moins de 21 châteaux sur le fleuve ! Ceux-ci ne sont parfois éloignés que d’un jet de pierre : le bastion de Crèvecoeur, chargé de protéger la ville-frontière de Bouvignes, offre par exemple un point de vue imprenable sur Dinant, autrefois cité ennemie et éloignée d’à peine... deux kilomètres.

Les ruines de Poilvache.
Les ruines de Poilvache.© www.poilvache.be

S’il ne reste souvent plus grand-chose des forteresses du Moyen-Âge, les ruines étendues de Poilvache – le plus vaste ensemble fortifié médiéval de la région – donnent un bon aperçu des avantages stratégiques conférés par les falaises encadrant la Meuse. Construit au bord d’un à- pic impressionnant, le site est séparé du plateau rocheux par un fossé creusé à même la pierre, taillé pour offrir une pente raide et glissante aux éventuels assaillants. Malgré ses airs de place forte imprenable, le château sera finalement conquis par les Dinantais en 1430 et finira abandonné. Pour l’anecdote, le nom de « Poilvache » proviendrait d’une ruse des assaillants, qui se seraient couverts de peaux de bétail pour tromper les défenseurs et pénétrer à l’intérieur des fortifications.

Des châteaux de contes de fées

Le château de Vêves semble sorti d'un conte de fées.
Le château de Vêves semble sorti d’un conte de fées.© www.chateau-de-veves.be

Si la Meuse devait avoir des allures de ligne de front au Moyen-Âge, les châteaux mosans ne se situent pas toujours à proximité immédiate du fleuve. Preuve en est le château de Vêves, dont les origines remontent (au moins) au XIIe siècle. De l’extérieur, le bâtiment a tout du château de conte de fées, tel qu’on l’imaginait dans notre enfance : placé au sommet d’une colline boisée, il exhibe fièrement ses hautes tours plusieurs fois centenaires et son large portail renaissance. Toujours habité par la même famille depuis plus de 800 ans, son intérieur mérite aussi le détour, avec son impressionnante salle d’arme du XVIe siècle, sa cour à colombages et sa succession de petits salons. Ceux-ci sont emplis de souvenirs familiaux, de portraits, de collections, laissant l’impression de pénétrer dans l’intimité d’une des plus vieilles familles du pays.

Bien sûr, tous les châteaux n’ont pas gardé leur allure martiale : à partir du XVIe siècle, nombre d’entre eux perdent leur intérêt stratégique et sont réaménagés en demeures confortables et lumineuses. Le château de Lavaux-Sainte-Anne, à l’écart du fleuve, en est un bon exemple : si le donjon fortifié et les douves rappellent son passé militaire, le bâtiment affiche aujourd’hui une colonnade romantique s’ouvrant sur le paysage lacustre, des toitures en cloche, un grand escalier d’honneur raffiné ou encore une étonnante baignoire « à la romaine », constituée d’immenses blocs de pierre polie.

On en arrive finalement à de véritables châteaux de plaisance, comme le Château de Freÿr, reconstruit en 1571 dans le style renaissance mosane. Chapelle à la fois sobre et rococo, boiseries, plafonds peints de stucs à l’italienne... On comprend que Louis XIV ait choisi cette demeure pour y loger en 1675, durant la Guerre de Hollande ! Mais, encore plus que le bâtiment, ce sont les jardins qui enchantent : coincés entre bois et Meuse, avec les falaises mosanes en arrière-plan, ils constituent l’un des plus beaux exemples de jardins à la française de Belgique. Mêlant jeux d’eau, statues, charmilles intimes et parterres ouvragés, ils hébergent en outre les plus vieux arbres en pots d’Europe : des orangers offerts par les ducs de Lorraine au XVIIIe siècle. Si la vallée de la Meuse constitue parfois un « brusque et horrible précipice », force est de reconnaître qu’elle est aussi bien jolie !

Cet article est paru initialement dans le Hors-Série « Escapades en Belgique » (2015).

Infos pratiques

Les ruines de Crèvecoeur: Maison du patrimoine médiéval mosan www.mpmm.be

Les ruines de Poilvache www.poilvache.be

Le château de Vêves www.chateau-de-veves.be

Le château de Lavaux-Sainte-Anne www.chateau-lavaux.com

Le château et les jardins de Freÿr www.freyr.be

Contenu partenaire