Sur les pas d’Yves Saint Laurent, à Marrakech

La cité ocre immortalise le célèbre créateur. Un musée l’honore. Un jardin se rappelle à son bon souvenir. Marrakech architecture, Marrakech haute couture.

 » Lorsque je découvris le Maroc, je compris que mon propre chromatisme était celui des zelliges, des zouacs, des djellabas et des caftans. Les audaces, qui sont depuis les miennes, je les dois à ce pays, à la violence des accords, à l’insolence des mélanges, à l’ardeur des inventions « . Ces paroles d’Yves Saint Laurent sont projetées sur un des murs du musée qui porte désormais son nom à Marrakech. Les zelliges sont des éléments de décor dans l’art maghrébin et les zouacs, des ornements. Quant au musée d’Yves Saint Laurent, ouvert depuis octobre 2017, il est déjà devenu, en quelques mois seulement, une des attractions majeures de l’ex-cité impériale.

Jet setteurs et charmeurs de serpents

Marrakech présente plusieurs visages. Celui de La Mamounia, palace mythique, repaire de la jet set mondiale à l’instar du Ritz à Paris ou du Bauer à Venise. Marrakech, petite patrie cernée de remparts séculaires, est également un haut-lieu du tourisme de masse au Maroc avec ses deux millions de visiteurs chaque année. Ils s’y perdent dans la Médina et les souks, un labyrinthe enluminé d’échoppes, un conglomérat de plus de 40.000 artisans et commerçants insistants. Et comment ne pas signaler la célébrissime place Jemma el-Fna, photographiée à l’envi et à l’infini. Là, les échoppes pour se restaurer laissent échapper d’hypnotisantes volutes de vapeurs safranées. Les montreurs de singes, les charmeurs de serpents et les danseurs folkloriques s’arrachent les quelques pièces que les touristes veulent bien leur céder.

Loin de cette avalanche de clichés, les responsables du tourisme marrakéchois ont aussi l’intelligence de renouveler leur offre en mettant sous les feux de la rampe les célébrités amoureuses de leur ville. Citons Winston Churchill et l’inévitable Yves Saint Laurent. Il a marqué l’histoire de la ville. Saint Laurent et son compagnon Pierre Bergé y ont organisé quelques fêtes débridées.  » Lorsqu’ Yves Saint Laurent découvrit Marrakech en 1966, ce fut un tel choc qu’il décida d’y acheter une maison et d’y revenir régulièrement « , expliquait feu Pierre Bergé. Marianne Faithfull, les Rolling Stones ou encore Andy Warhol faisaient alors partie cette faune bohème. Les temps étaient sans doute un rien plus libres dans ce pays où l’islam est religion d’Etat.

Smoking ou saharienne ?

Mais aujourd’hui, c’est le travail du couturier probablement le plus influent du XXe siècle qui est mis à l’honneur au travers d’un singulier musée reconnu pour la valeur de son architecture. Ce sont les archives du couturier qui ont inspiré le cabinet d’architectes Studio KO. Construit sur 4.000 m2, ce bâtiment se présente comme une installation ocre de cubes harnachés de dentelles de briques. Tout est fait pour rappeler la trame d’un tissu. L’intérieur se conçoit comme la doublure d’un vêtement velouté et lisse. Il comprend un espace permanent d’exposition de 400 m2, présentant l’oeuvre d’Yves Saint Laurent dans une scénographie originale de Christophe Martin.

Le caban, la robe Mondrian, le smoking, la saharienne... Une cinquantaine de modèles s’articulent autour des thèmes de prédilection du créateur : le masculin et le féminin, le noir, l’Afrique, le Maroc, les voyages imaginaires, etc. Pour l’anecdote, les robes ne sont exposées que trois mois. Elles sont suspendues dans la pénombre dans la grande salle d’exposition. Les photos y sont interdites, des gardiens veillent au grain afin de préserver la pérennité des textiles. Une série de dessins et plus de 5.000 livres se lovent ailleurs dans l’espace muséal. Sans oublier les nombreuses photographies iconiques sur lesquelles apparaît souvent Catherine Deneuve, la grande amie du couturier.

Verdict de la visite ? Le musée ravira les amateurs de mode, mais pas qu’eux. Et il fera sans doute partie d’une journée marocaine sous l’empreinte de l’art, de l’architecture, de la création et même de la botanique. Oui, dans la même rue que le musée, se situe le jardin Majorelle. Lui aussi marqué de l’empreinte du couturier.

Complètement bleu... de Majorelle

Le jardin Majorelle ? Pour la petite histoire, il porte le nom du peintre français Jacques Majorelle qui, dans les années 30, a fait construire son atelier Art déco dans une palmeraie. C’est là que l’artiste a créé son célèbre bleu outremer à la fois intense et clair : le bleu... Majorelle. Amoureux de botanique, il a également créé un surprenant jardin autour de sa villa. Laissé à l’abandon, Pierre Bergé et Yves Saint Laurent en ont fait l’acquisition quelques décennies plus tard. Leur dessein était de protéger les lieux d’un vilain projet immobilier. Et aujourd’hui ?

Ce jardin se parcourt comme une oeuvre d’art vivante. Cette dernière se structure le long d’un bassin central. Comme il est bon de s’y réfugier à l’ombre des bambous et des bananiers quand la chaleur nord-africaine se fait accablante. Et aussi de suivre les pas de Saint Laurent le long d’allées bordées de nénuphars, de cactus, de yuccas et de jasmins.