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Quand l’art nous informe sur la pollution atmosphérique

Des chercheurs ont mis en lumière, en analysant des toiles de maître, la pollution atmosphérique présente à l’époque de leur création. Ils retracent ainsi l’évolution de cette pollution au cours des 150 dernières années.

Pour mener à bien leur étude, une équipe de spécialistes des sciences atmosphériques à l’université d’Athènes a étudié 124 oeuvres conservées à la Tate Gallery de Londres, dont une très grande majorité est signée par le peintre britannique William Turner. Les chercheurs se sont surtout penchés sur les couchers de soleil. Ces recherches, publiées dans Atmospheric Chemistry and Physics, démontrent que l’analyse des tableaux de peintres de renom reflète la quantité d’aérosols présents dans l’atmosphère à l’époque de leur création. Les scientifiques ont ainsi observé que les ciels peints dans les années suivant des éruptions volcaniques importantes contenaient davantage de tons rouges.

Du rouge et du vert

Ainsi, le Déclin de l’Empire carthaginois, peint par Turner en 1817, soit deux ans après l’éruption du volcan Tambora en Indonésie, témoigne de la présence de la cendre et des gaz émis par cette éruption. La quantité de cendres envoyées dans la haute atmosphère fut telle qu’elle fit plusieurs fois le tour de la Terre.  » Nous avons découvert que le rapport entre la proportion de rouges et la proportion de verts dans les crépuscules peints correspond bien avec la quantité d’aérosols volcaniques dans l’atmosphère « , explique Christos Zerefos, co-auteur de l’étude. Sans en être conscients, les artistes sont parvenus à rendre compte des changements environnementaux qui étaient en train de se produire de leur vivant.

Des couchers de soleil flamboyants

L’éruption volcanique, si elle est une catastrophe naturelle, est néanmoins connue pour libérer dans l’atmosphère d’importantes quantités de gaz et de cendres, augmentant de la sorte le taux de pollution. L’éruption du Tambora, réputée pour être la plus meurtrière de l’histoire (entre 61.000 et 71.000 morts), a soufflé des cendres à plus de 40 kilomètres d’altitude, provoquant de spectaculaires couchers de soleil aux couleurs vives, visibles jusqu’en Europe. Cette réaction était due aux particules en suspension dans l’air, qui ont la faculté de dévier une partie des rayons du soleil. Les nuances du spectre de la lumière visible en sont ainsi modifiées. Sous l’effet des aérosols, les lueurs d’un coucher de soleil prennent des teintes rouges orangées.

Le passé pour expliquer le présent

Le peintre français Edgar Degas a également témoigné, dans ses paysages réalisés en 1885 et 1886, de l’éruption du Krakatoa en Indonésie en 1883. A partir de cette observation, les scientifiques grecs et allemands ont analysé en détail des centaines de peintures illustrant un coucher de soleil, réalisées entre 1500 et 2000. Toutes sont des témoins potentiels d’une cinquantaine d’éruptions volcaniques majeures à travers le monde. Cette découverte ouvre la voie à une nouvelle génération de méthodes scientifiques basées sur l’analyse de tableaux. En mettant en évidence les fluctuations du taux de pollution atmosphérique survenues dans le passé, il est possible de comprendre leur influence sur le climat.

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