Otto Dix et George Grosz, de l’autre côté de la tranchée

Grands absents des commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale, les Allemands ont eu aussi connu l’enfer des tranchées. Et si l’armée allemande comptait son lot de belliqueux, elle comportait aussi ses opposants à la guerre, témoins horrifiés par la violence du conflit. Deux expositions namuroises, l’une consacrée à Otto Dix (1891-1964) et l’autre à George Grosz (1893-1959), mettent en évidence cette réalité.

Dix, la réalité sans fards

Engagé volontaire dès 1914, Otto Dix passera plus de trois ans dans les tranchées. De son expérience traumatisante naîtront, en 1924, cinquante eaux-fortes réunies en un portfolio sobrement intitulé Der Krieg(La Guerre). Toutes sont actuellement visibles à la maison de la Culture de Namur. Des dessins noirs, grossiers ou, au contraire, d’une précision chirurgicale, desquels suintent toute l’horreur des tranchées, du no man’s land et des civils sacrifiés.

Ici, c’est un corps est figé en position grotesque, déchiqueté par les shrapnell et couvert de vermine. Là, c’est une escouade fantomatique montant à l’assaut, complètement déshumanisée par les masques à gaz. Un peu plus loin, une femme, l’oeil fiévreux et le sourire hystérique, tente tant bien que mal de donner le sein à son enfant, tué d’un éclat d’obus. L’immobilité du cadavre pourrissant au soleil fait suite au chaos du tir d’artillerie, où les individus, tordus sous les obus, inspireront le Guernica de Picasso. Et lorsque l’artiste quitte le front, c’est pour croquer les maisons closes de l’arrière, avec les derrières rebondis dansant pour des marins et soldats bouffis par l’alcool.

Otto Dix se contente de relayer son expérience par le dessin. Aucune revendication, juste un témoignage sans fards du carnage, avant tout destiné à exorciser un traumatisme, à chasser des cauchemars persistants. Cette vérité nue, produite égoïstement, n’en est que plus parlante pour le spectateur...

Grosz, le visionnaire

Changement radical de style et de philosophie au Musée Félicien Rops, qui expose l’oeuvre de George Grosz. Si l’expérience du front de Grosz sera plus que limitée – l’homme sera réformé en 1917 pour dépression, après avoir été évacué à l’arrière à plusieurs reprises -, l’artiste est ici très clairement revendicateur. Ses dessins de l’arrière montrent la misère du peuple et des éclopés, opposée à la suffisance des profiteurs de guerre et des généraux, engoncés et ridicules dans leurs uniformes rigides.

Le trait est volontiers caricatural, grotesque, mais aussi très clairvoyant. L’inquiétude face à l’évolution sociale et politique en Allemagne est palpable. On devine, en suivant l’évolution des dessins de Grosz dans l’entre-deux-guerres, que les ferments du nazisme étaient présents en Allemagne dès la Première Guerre Mondiale, dans la misère et le militarisme allemand.

Inutile de préciser que Grosz et Dix apparaîtront rapidement dans le collimateur des nazis à cause de leur opposition à la guerre et leur esprit critique. Tous deux considérés comme artistes  » dégénérés « , ils devront faire profil bas à partir des années 30, Grosz devant même fuir aux Etats-Unis dès 1933.

Autour des expositions...

Ces deux expositions majeures sont complétées, à la Maison de la Culture, par des photos anonymes d’époque, retravaillées par l’artiste gantois Dirk Braeckman. A cela s’ajoutent, dans le hall principal, divers clichés et cartes postales de Namur en 1914, durement éprouvée par les bombardements allemands.

Infos pratiques :

Expositions visibles jusqu’au 5 mai 2014, billets combinés à 5?

George Grosz, du ma au di, de 10 à 18h, Musée Félicien Rops, rue Fumal 12 – 5000 Namur, www.museerops.beOtto Dix, ts les jours de 12 à 18h, Maison de la culture de Namur, Avenue Gollenvaux, 14, 5000 Namur, www.province.namur.be

Visites guidées sur demande, nocturnes jusque 20 h à la Maison de la Culture le 07/11, le 05 et 06/12 2013.

Guides et catalogues disponibles en fr et nl

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