Les souvenirs de Théophile (3)

Théophile De Boeck, arrière-grand-père d’une journaliste de Plus Magazine, a passé la Première Guerre mondiale dans un camp d’internement aux Pays-Bas, comme 33.416 soldats belges ayant fui la capture par les Allemands.

Pour retracer le parcours de son ancêtre dans le camp d’Harderwijk, aux Pays-Bas, Ariane De Borger a pu se baser sur d’anciennes lettres et photographies. Des sources intéressantes, mais insuffisantes pour connaître les conditions de vie des dizaines de milliers de soldats belges internés aux Pays-Bas entre 1914 et 1918 (pour connaître plus précisément les raisons de cet internement, voir  » Les souvenirs de Théophile (2) « ).

Malheureusement, il existe très peu d’ouvrages consacrés à cet épisode méconnu de la guerre. La plupart sont en néerlandais – rédigés par des historiens locaux. Des photographies reproduites dans le livre Gehalveerde mensen. Het Belgencamp in Harderwijk 1914-1918 (Anton Reijngoudt, éd. BDU) permettent de se faire une idée de ce qu’était l’internement au début de la guerre. Privés de liberté en automne 1914, les soldats belges sont d’abord parqués dans des camps improvisés, faits de tentes blanches circulaires, rappelant les tipis amérindiens.  » Un logement sympathique pour un événement estival, mais beaucoup moins agréable pour les 8.000 soldats qui y dormirent entre octobre et novembre « , commente Ariane De Borger.

Fusillés à Zeist

Si la situation est alors peu reluisante à Harderwijk, où se trouve Théophile, elle est bien pire à Zeist, autre camp situé près d’Utrecht. Les infortunés qui y sont envoyés vivent dans un véritable cloaque, sans aucun système d’évacuation des eaux usées, dans des tentes non chauffées, et reçoivent une nourriture qualifiée d’infâme. Une cantine payante est mise à leur disposition pour améliorer leur ordinaire, mais celle-ci pratique des tarifs plus que prohibitifs. Au mépris de la Convention de Genève, les soldats sont en outre soumis au travail forcé.

La colère se fait donc rapidement sentir chez les internés. Une étincelle finit par mettre le feu aux poudres : lorsque trois candidats à l’évasion sont rattrapés par leurs gardiens et mis à l’isolement, la révolte éclate dans le camp. Les internés commencent par saccager la cantine pour exiger la libération de leurs camarades. La révolte culmine le 3 décembre 1914, lorsque les pierres commencent à pleuvoir sur les gardiens. Ceux-ci épaulent alors leurs fusils et, sur ordre de leur officier, font feu sur les Belges.

Plus d’une vingtaine d’hommes tombent au sol. Parmi eux, on comptabilisera dix-huit blessés et huit tués. Même hors des champs de bataille, la guerre fait sa moisson de cadavres. Un silence glacial tombe alors sur le camp : la mutinerie est matée. Les blessés sont amenés à l’hôpital d’Amersfoort, les morts sont enterrés dans un petit cimetière catholique proche de Zeist, à Soesterberg (1).

 » Le faire-part de décès, un seul pour les huit défunts, se retrouvait parmi les affaires de mon arrière-grand-père, témoigne Ariane De Borger. Vraisemblablement, il connaissait au moins un des soldats. Peut-être s’agissait-il du soldat du génie Jozef De Maeyer qui provenait, tout comme Théophile, de Willebroek. Sa veuve habitait d’ailleurs à deux pas de la cokerie, où Théophile était contremaître. « 

La situation sera heureusement plus calme à Harderwijk même si, entre octobre 1914 et juillet 1915, on n’y comptera pas moins de 557 tentatives d’évasion ! Et, pendant que certains tentent de se faire la belle, les autres édifient petit à petit des baraquements de bois, pour se protéger du froid et remplacer les tentes...

A suivre

N.B. Les autres épisodes de l’histoire de Théophile et l’ensemble des articles relatifs au Centenaire de la Première guerre mondiale sont disponibles via

http://plusmagazine.levif.be/fr/001459-Laguerre14-18/4-Laguerre14-18.htm


(1) Ils seront par la suite transférés au cimetière militaire belge d’Harderwijk.

Contenu partenaire