Tout commence à Angangueo, un ancien village minier situé à quelque 3.000 mètres d'altitude dans la Sierra Madre. Au début du siècle dernier, des chasseurs découvrent que des dizaines de millions de papillons monarques hibernent dans les forêts de pins qui poussent sur les pitons de la montagne. Il n'en fallait pas plus pour attirer les scientifiques impressionnés par ces fabuleux voyageurs qui parcourent les quelque 4.000 kilomètres séparant le Canada du Mexique. Conscient de la valeur écologique exceptionnelle de cette aire d'hivernage, le gouvernement mexicain y a créé, en 1986, une réserve de la biosphère du papillon monarque, protégée depuis 2008 par l'Unesco.
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Tout commence à Angangueo, un ancien village minier situé à quelque 3.000 mètres d'altitude dans la Sierra Madre. Au début du siècle dernier, des chasseurs découvrent que des dizaines de millions de papillons monarques hibernent dans les forêts de pins qui poussent sur les pitons de la montagne. Il n'en fallait pas plus pour attirer les scientifiques impressionnés par ces fabuleux voyageurs qui parcourent les quelque 4.000 kilomètres séparant le Canada du Mexique. Conscient de la valeur écologique exceptionnelle de cette aire d'hivernage, le gouvernement mexicain y a créé, en 1986, une réserve de la biosphère du papillon monarque, protégée depuis 2008 par l'Unesco.Pouvoir admirer les papillons se mérite, la balade est ardue. Si Angangueo est déjà à 3.000 mètres d'altitude, le sanctuaire est encore plus haut, à 3.500 mètres. Quand on atteint l'entrée du site, il faut s'acquitter d'un montant de 35 pesos de frais d'entrée (environ 2 euros) et un guide est désigné pour vous mener jusqu'au coeur de la forêt, là où vivent les précieux lépidoptères. N'espérez pas que le guide vous donne beaucoup d'informations, la plupart d'entre-eux ne connaissent pas grandchose sur les monarques. Par contre, le chemin est balisé de quelques panneaux explicatifs intéressants. Le sentier est escarpé et caillouteux et l'altitude coupe le souffle des touristes d'un jour. Il faut compter près de deux heures de marche à l'ombre fraîche d'une forêt de feuillus puis de pins appelés ici " oyamels " dont l'odeur spécifique des aiguilles attire les papillons. Le silence est à peine troublé par quelques cris d'oiseaux. Quand soudain le guide désigne du doigt un ensemble encore plus sombre de sapins gigantesques, on ne sait trop que regarder.Il faut s'accrocher aux broussailles et s'enfoncer davantage encore dans la forêt, là où le soleil ne filtre pas encore. Les yeux levés vers la cime des arbres, on découvre alors une multitude de papillons, agglutinés en grappes, ailes et corps enchevêtrés pour mieux lutter sans doute contre le vent et le froid. Ces gros essaims orangés atteignent jusqu'à 50 centimètres de diamètre et balancent doucement au gré du souffle du vent. Ailleurs, ce sont les troncs qui sont recouverts de papillons dessinant ainsi un épais manteau. Il faut attendre que le soleil soit au zénith pour que les papillons sortent de leur léthargie et s'empressent de voler à la recherche d'un peu d'humidité pour étancher leur soif. En effet, durant leur repos hivernal, les monarques ne se nourrissent pas mais, pour survivre, ils doivent se désaltérer régulièrement. Cette fois, on mesure aussi que le froid trop vif a eu raison de centaines de papillons qui jonchent le sol, à moins que ce ne soient déjà des mâles, morts après avoir rempli leur devoir de reproducteur ?En été, il est aisé de surprendre dans les campagnes canadiennes et du Midwest américain ces jolis papillons d'un rouge orangé piqué de taches noires qui volent de fleur en fleur. Leur longévité est estimée à quatre semaines tout au plus. Cependant, il est une génération, la bien nommée " Mathusalem ", celle de fin août qui semble développer une capacité de survie de près de sept mois.C'est que l'automne venu, les papillons monarques, alertés par les jours qui raccourcissent et les nuits fraîches, se gavent de nectar pour accumuler un maximum d'énergie avant leur grand envol vers le sud, poussés par un incroyable instinct qui les pousse à migrer vers le Mexique, sans que d'autres congénères ne leur indiquent le chemin. Cette longévité exceptionnelle s'explique, entre autres, par le fait que les papillons monarques ne développent aucun organe reproducteur avant leur périple, ce qui leur offre une économie d'énergie considérable. Ils se dirigent grâce à la position du soleil et la nuit, ils se rassemblent dans des aires de repos, les mêmes depuis des décennies. En chemin, ils prennent le temps de butiner de fleur en fleur car il leur faut accumuler une grande quantité d'énergie pour voler mais aussi pour hiberner, d'autant qu'ils ne se nourrissent guère durant leur séjour mexicain.Au terme d'un périple de deux mois, les monarques arrivent au Michoacán durant le mois d'octobre et dès la mi-février, comme la température ambiante augmente, ils s'enfoncent vers le bas des montagnes à la recherche de fraîcheur et d'humidité.Début mars, la danse nuptiale commence dans un envol féerique de millions de papillons qui dure quelques jours à peine. Spectacle magique de la forêt qui frémit des battements d'ailes de la parade amoureuse. Le sol se couvre alors d'un tapis flamboyant et tout naturellement, les papillons épuisés se posent sur la tête des touristes muets devant cette extraordinaire exhibition. Les mâles mourront sur place, exténués par leur tâche et les femelles reprendront la route. Elles aussi mourront durant leur périple après avoir pondu leurs oeufs et c'est souvent la 3e, voire la 4e génération qui reviendra au Canada. Une seule génération passera sa vie complète dans les pays du Nord et c'est la dernière du cycle, les papillons d'août, qui reprendra la route du Mexique.