Les animaux, victimes oubliées de 14-18

Par certains aspects, la 1ère Guerre Mondiale reste une guerre du XIXe siècle : la motorisation n’en est alors qu’à ses débuts et le recours aux animaux (chevaux, chiens...) demeure indispensable. Reste que ces involontaires compagnons à quatre pattes souffriront et mourront par millions durant le conflit. Une histoire méconnue et parfois touchante, abordée dans le livre  » Bêtes des tranchées « .

Les animaux aussi ont connu les souffrances de la Première Guerre Mondiale : entre 1914 et 1919, pas moins de 11 millions d’équidés (chevaux, poneys, ânes, mules et mulets), plusieurs centaines de milliers de chiens et de pigeons seront enrôlés dans les armées. A l’époque, l’animal est encore indispensable pour transporter hommes et munitions (dans l’armée belge, le chien est utilisé pour transporter les mitrailleuses !), pour communiquer (le pigeon messager s’avère plus efficace que le téléphone) ou alerter les soldats.

Et que dire de ces animaux vivant malheureusement en zone de combat, de ces vaches errant dans le no man’s land, de ces chats ou cabots amenés jusqu’en première ligne pour servir de mascotte ou chasser les rats, ces rongeurs qui pullulent et se nourrissent des innombrables cadavres ?

Compagnons d’infortune

A une époque où le souci du bien-être animal est balbutiant, tous ces compagnons d’infortune souffriront particulièrement du conflit. On ne compte plus les récits d’animaux désorientés dès leur réquisition, le changement d’environnement et la disparition soudaine de leur maître, remplacé par des hommes en uniforme. Une séparation parfois aussi douloureusement vécue par les propriétaires des animaux : un recruteur écrit, en 1914, que les paysans vantaient les qualités de leurs chevaux,  » ils nous faisaient des recommandations, sur la manière de les conduire. Puis ils s’éloignaient, le coeur serré, silencieux et n’osant pas se retourner « .

Vient ensuite l’étape du transport, l’éducation à la guerre, les marches harassantes et le front bruyant, puant, glacé ou surchauffé. Là, les animaux sont soumis aux dures conditions des tranchées, meurent par millions d’épuisement, de malnutrition, abattus par les éclats d’obus et les gaz. Certes, certaines initiatives sont prises pour améliorer au maximum leur espérance de vie (des masques à gaz spéciaux seront même conçus spécialement pour les chiens et les chevaux), mais c’est avant tout parce que l’animal a de la valeur et devient difficile à remplacer...

Dans ce climat infernal, des amitiés se créeront aussi entre soldats et bêtes à plumes ou à pattes. Chaque régiment aura sa mascotte, parfois un animal récupéré blessé, soigné, chouchouté, protégé autant que possible. Certains animaux seront décorés pour leur bravoure et d’autres auront même droit à un monument commémoratif dans les années 30. Un hommage tardif, qui pose question : qui, finalement, était le plus bestial, dans cette histoire ?

Bêtes des tranchées, des vécus oubliés d’Eric Baratay, CNRS Editions, 2013, 255 pages (env. 22?).

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