Un "volcan" de l'architecte Oscar Niemeyer. © olivia van de putte

Le Havre, l’audace architecturale

Austère, cette ville portuaire reconstruite après la guerre? Mais non! Longtemps incomprise, son architecture en béton est devenue une fierté. Une destination culturelle fascinante...

Septembre 1944. Les bombardements alliés de la Seconde Guerre mondiale ravagent le centre-ville du Havre. Il faut reloger 80.000 sinistrés rapidement, avec des moyens limités. Ce chantier colossal est confié à l’architecte Auguste Perret (1874-1954), maître du béton. La mission s’étalera de 1946 à 1964! Et si le matériau utilisé ne faisait pas l’unanimité, l’artiste lui donnera ses lettres de noblesse en réalisant, avec son équipe, un ensemble paysager cohérent et moderne. Sa particularité? Les édifices sont orthogonaux et à ossature visible. Logique puisque pour le natif de Bruxelles « la colonne est le plus noble organe de l’architecture ».

Un appartement-témoin

En conservant le tracé initial de la ville normande, l’Atelier Perret construit, sur 150 hectares, des immeubles relativement uniformes à appartements durables. Les blocs, sobres, sont rythmés par une trame répétitive (de 6,24 m précisément), des panneaux de remplissage préfabriqués, des claustras ou encore des fenêtres verticales de la hauteur de l’étage. Si l’esthétique des façades peut laisser sceptique, visitez l’appartement-témoin pour mieux comprendre le côté révolutionnaire de la reconstruction du Havre. La visite guidée nous plonge dans le quotidien des Havrais des années 50. Ce qui surprend le plus, c’est la modernité avant l’heure de ce modèle d’habitation alliant confort et fonctionnalité. Un témoignage de la profonde mutation des modes de vies qui s’amorce en France. La période des Trente Glorieuses est relatée à travers le mobilier en série – choisi par l’Atelier Perret – des créateurs René Gabriel et Marcel Gascoin ainsi que des objets du quotidien: réfrigérateur, lave-linge, vêtements, journaux, etc. Rien n’est laissé au hasard dans le plan intérieur de l’appartement. Déjà, il ne possède qu’une seule colonne porteuse donc l’espace de 100 m2 est complètement modulable. Ici, il n’y a pas de couloirs. Des cloisons coulissantes permettent d’agrandir ou de rétrécir les différents espaces. Ingénieux! Le mobilier est compact et modulable comme le lit des enfants, la garde-robe ou encore l’étagère qui grandit avec l’âge. Puis, l’aménagement entend faciliter la vie de la ménagère avec une cuisine dotée d’un équipement intégré fabriqué en série, sans parler des plinthes arrondies là et dans la salle-de-bains pour un nettoyage plus aisé du sol. Chauffage collectif à air pulsé, parquet, placards intégrés et ensoleillement optimal... Tout a été pensé dans cet appartement dans lequel on vivrait volontiers!

Un immeuble de l'Atelier Perret.
Un immeuble de l’Atelier Perret.© olivia van de putte

Une vue panoramique

Pour admirer l’ensemble urbain d’Auguste Perret, grimpez au 17e étage de la tour de l’Hôtel de Ville. Classé Monument historique, cet édifice est entouré des quatre premiers îlots d’immeubles à appartements de la reconstruction. Il a retrouvé son emplacement d’avant-guerre, comme tous les autres monuments emblématiques. Sa place (243×192 m) est l’une des plus grandes d’Europe! Et ses jardins se trouvent symboliquement au niveau du sol de la ville avant les bombardements, Le Havre ayant été reconstruit sur ses ruines aplanies... De là-haut, on constate clairement l’harmonie architecturale de la ville. Et on remarque, inévitablement, l’imposante église Saint- Joseph, aux allures de gratte-ciel new-yorkais.

Les arches sur le quai Southampton.
Les arches sur le quai Southampton.© olivia van de putte

L’incontournable Saint-Joseph

L’oeuvre-phare d’Auguste Perret se voit de partout. Avec sa base carrée surmontée d’une tour-lanterne octogonale, l’église Saint-Joseph culmine à 107 mètres. Elle a été érigée il y a septante ans sur les décombres de l’ancienne église. En rupture avec l’image classique des églises, Saint-Joseph a longtemps souffert d’une image négative chez les Havrais. Aujourd’hui, l’église est considérée comme un des chefs-d’oeuvre du XXe siècle! De l’intérieur, lever le regard vers le haut de la tour procure un effet vertigineux! La structure est hyper sobre, simple, mais les prouesses techniques sont épatantes et les effets de lumière fabuleux. Le béton brut (pas moins de 50.000 tonnes! ) est éclairé par 12.768 vitraux réalisés par l’artiste Marguerite Huré: sept couleurs déclinées en une cinquantaine de nuances. Ces couleurs, de la plus sombre à la plus claire en montant vers le sommet, varient selon les points cardinaux et l’ensoleillement. Le symbole de l’ascension jusqu’au ciel, le trait d’union entre les vivants et les victimes des bombardements de 1944...

L'appartement-témoin alliant confort, fonctionnalité et modernité.
L’appartement-témoin alliant confort, fonctionnalité et modernité.© olivia van de putte

Les volcans de la culture

Autres édifices impressionnants au Havre mais tout en courbes ceux-là, les deux « volcans » du célèbre architecte brésilien Oscar Niemeyer. Inauguré en 1982, cet espace culturel contraste avec les lignes droites de Perret. Vus du ciel, les contours dessinent une colombe, symbolisant le retour à la paix après la Seconde Guerre mondiale. Le grand volcan abrite une scène de spectacle tandis que le petit accueille une bibliothèque moderne baignée de lumière avec des fauteuils élégants, style années 60. Un endroit spacieux, ouvert à tous, aussi original que magnifique!

Des parcours artistiques

Quelques bâtiments, témoins des siècles passés, ont échappé aux bombardements. Admirez la Maison de l’Armateur, la cathédrale Notre-Dame ou encore le Muséum. L’idéal est d’arpenter la ville au gré des installations d’artistes contemporains d' »Un Eté au Havre », une manifestation annuelle lancée en 2017 à l’occasion des 500 ans de la ville. Toutes ces oeuvres mettent en valeur le patrimoine de la cité. Alors que les cris de goélands accompagnent nos pas, on repère notamment d’étonnants personnages à taille humaine sur des façades d’immeubles Perret ou encore deux époustouflantes arches monumentales de containers sur le quai Southampton d’où partaient les transatlantiques. Des tours commentés, en bateau, permettent de côtoyer l’univers dynamique de l’activité portuaire et des porte-conteneurs géants.

L'Hôtel de Ville.
L’Hôtel de Ville.© olivia van de putte

La magie des estuaires

Il paraît que la lumière des estuaires (celui de la Seine, ici) est particulière, la jonction du fleuve et de la mer créant un vaste miroir pour le ciel, avec des reflets changeants. D’ailleurs, Claude Monet a peint « Impression, soleil levant » dans l’avant-port du Havre. Un tableau qui imposa le nom du mouvement artistique « impressionnisme »... Au fil des marées, les railleries sur le centre-ville reconstruit ont pris le large. Le Havre a désormais le vent en poupe surtout depuis son classement, en 2005, au Patrimoine mondial de l’Unesco pour la modernité de son architecture. Un atout en béton pour attirer les touristes!

Pratique

Se loger: hôtel « Vent d’ouest », au pied de l’église Saint-Joseph. www.ventdouest.fr

A voir: le Musée d’art moderne André Malraux (MuMa) qui abrite la deuxième plus grande collection impressionniste de France.

Les Jardins Suspendus, aménagés dans un ancien fort militaire et offrant une vue impressionnante sur la ville basse, la Manche et l’estuaire de la Seine

Infos:www.lehavre-etretat-tourisme.com

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