Paysage avec l'incendie de Sodome par Henri Blès, entre 1526 et 1550 © .

La fumée dans tous ses états

Jusqu’au 11 février, le Musée des Arts anciens du Namurois (TreM.a) abrite l’exposition  » Fumées célestes ou funestes « . Une expo consacrée à la fumée dans les arts et l’Histoire, faisant appel à tous les sens !

Hommage à Vénus (17e siècle), Richard Van Orley
Hommage à Vénus (17e siècle), Richard Van Orley© .

D’un premier abord, la thématique peut sembler saugrenue : quelle place peut bien avoir la fumée dans l’Histoire et dans l’Art, alors que, de nos jours, elle semble fugace, anecdotique, simple sous-produit de la combustion ? C’est oublier que la fumée est intrinsèquement liée à l’humanité, a minima depuis que celle-ci maîtrise le feu. Une réalité qui saute aux yeux en parcourant l’exposition temporaire « Fumées célestes ou funestes », organisée au Musée des Arts anciens du Namurois (TreM.a). Au travers de nombreuses peintures, sculptures, mais aussi d’objets usuels ou de prestige, échelonnés entre les XIIe et XVIIIe siècles, on y découvre toute l’importance de ce corps éthéré dans l’histoire humaine.

Fumée céleste

« De par le fait qu’elle monte vers le ciel, la fumée est rapidement considérée comme un lien entre les hommes et Dieu (ou les dieux), explique Aurore Carlier, commissaire de l’exposition. Dès l’Antiquité, les divinités apparaissent d’ailleurs à l’humanité au travers de nuées, des colonnes de fumées verticales... Dans l’Ancien Testament, la fumée est aussi liée aux offrandes, aux parfums qu’on brûle sur les autels, qui s’élèvent aux cieux et qui, petit à petit, remplacent les sacrifices animaux.  » Une action de grâce appelée à un bel avenir : l’encens tellement utilisé par le christianisme y trouve ses origines.

Au Moyen-Âge, de simple poteries percées, dans lesquelles du parfum a été brûlé, accompagnent les défunts dans les tombes. A la même époque, et jusqu’à maintenant, l’Eglise utilise également des encensoirs, dont certains constituent de véritables oeuvres d’art, à l’instar de cet « encensoir aux Hébreux » exposé, splendide exemple du savoir-faire mosan (XIIe s.). Au-delà du panache de fumée ascendant, les émanations suaves de l’encens renvoient à « l’odeur de sainteté » censée se dégager des corps des saints et des bienheureux.

Encensoir aux Hébreux
Encensoir aux Hébreux© .

Des senteurs divines aux fragrances profanes, il n’y a qu’un pas, que franchit l’exposition : rares et chers, les parfums du Moyen-Âge et de la Renaissance sont des objets de luxe, portés avec ostentation dans des contenants qui rivalisent d’élégance et, parfois, d’excentricité. Preuve en est le pistolet à parfum constellé d’or et de perles visible à Namur. C’est là l’occasion de rappeler qu’avant l’apparition des parfums alcooliques, qui permettent de fixer et de magnifier les odeurs, les parfumeurs se rabattaient sur des matières aux exhalations fortes, assez désagréables à nos nez désormais délicats.

Pistolet à parfums
Pistolet à parfums© .

Soulignons ici la bonne idée des concepteurs de l’exposition : différents flacons permettent de découvrir des odeurs communes autrefois mais désormais peu utilisées, comme le castoréum ou la civette, jadis obtenus en raclant les glandes odoriférantes d’animaux. Instructif, à défaut d’être agréable !

Fumée funeste

Mais fumée ne signifie pas toujours bon présage ou plaisir olfactif (pour l’époque...) ! En témoignent les nombreux épisodes d’incendie bibliques ou, plus tard, l’usage de la poudre noire... Une salle s’attarde sur cette dernière, révolutionnaire dans les guerres européennes, en exposant fusils de remparts, canons « portatifs » (pauvres porteurs...), plans de siège... mais aussi feux d’artifice. On découvre notamment, via quelques tableaux des Temps Moderne, que l’art des artificiers a bien évolué. « La gamme de couleurs pour les feux d’artifice était assez limitée, à l’époque, confirme Aurore Carlier. Du blanc, du jaune et du rouge... »

Enfin, le dernier espace est consacré au tabac, dont la fumée était, jusqu’à une époque pas si lointaine, omniprésente en rue ou dans les débits de boisson. Détail amusant appris dans l’exposition : les premiers fumeurs de pipe risquaient gros en s’adonnant à leur vice dans l’espace public. En cause ? La fumée sortant de leur bouche ou de leurs narines les assimilait au Diable ! Le problème ne se posait pas pour les plus riches, qui préféraient priser leur tabac râpé et conservé dans de splendides tabatières...

Repas fumant

L’exposition, fournie, variée et assez cohérente dans son fil rouge, ne manque pas d’attraits et devrait contenter la plupart des visiteurs. Reste la possibilité de transformer la visite en expérience unique : le TreM.a propose en effet des visites guidées nocturnes exclusives, menées par la commissaire de l’exposition et ponctuées par un repas gastronomique sur le thème de la fumée réalisé par Carl Gillain, chef namurois de l’Agathopède (15/20 au Gault&Millau, tout de même !). « La fumée a un goût ample et très intéressant en cuisine, détaille l’intéressé. C’est un goût qui prend de la place, à utiliser avec parcimonie et à contrebalancer par d’autres saveurs. »

Dans l’assiette, une fumée bien présente, mais toute en subtilité : tartare de boeuf au charbon, maquereau cuit à la flamme, crème glacée fumée au foin... Surprenant et délicieux ! Les dates initialement prévues pour ces nocturnes affichent d’ores et déjà complet (réservation obligatoire), mais n’hésitez pas à contacter le TreM.a à ce propos : en fonction de la demande, d’autres dates pourraient être ajoutées.

La fumée dans tous ses états
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Fumées célestes ou funestes, du 12 au 18e siècle

TreM.a, musée des arts anciens du Namurois

Rue de Fer, 24 à 5000 Namur

Exposition accessible du mardi au dimanche, de 10 à 18h, jusqu’au 11 février 2018

Plus d’infos : 081 77 67 54 ou sur le site du TreM.a

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