Karoo, de Steve Tesich

Scribouillard chargé de  » lisser  » les scénarii de film pour l’industrie hollywoodienne, Saul  » Doc  » Karroo est un anti-héros comme la littérature américaine les aime tant : un raté des hautes classes, sur les chemins de la rédemption.

La vie de Saul Karoo, sous des dehors flamboyants, est finalement bien vide : incapable d’entretenir une relation d’intimité – même avec son fils adoptif -, le scénariste passe de beuveries mondaines en cocktails dînatoires, baladant ses chemises tachées au milieu de conversations d’une vacuité sans nom. N’ayant jamais vécu que sur le travail des autres, opérant à grands frais (d’où son surnom de ‘Doc’) les scénarii de tiers pour les adapter aux canons du cinéma mainstream, Karoo estompe sa réalité sous les vapeurs d’alcool.

Reste que, depuis peu, l’auteur raté est insensible à la dive bouteille. Quoiqu’il consomme, et quelle que soit la quantité, ce buveur invétéré reste imperméable à l’ivresse. Dès lors, quand on lui propose de retravailler l’ultime chef d’oeuvre d’un réalisateur de légende, le Doc va faire une découverte changeant diamétralement son existence.

Ce qui n’aurait pu être qu’une histoire de rédemption dégénère alors en descente aux enfers, aboutissant à un climax d’anthologie et une fin tragico-cynique. Karoo est un livre noir, acide, parfois méchamment drôle mais surtout d’une lucidité blafarde. Il y a du Bukowski, du Bret Easton Ellis là-dedans ; on pense surtout que John Kennedy Toole ( » La conjuration des imbéciles « ) n’aurait pas renié cet ouvrage... Une petite perle !

Karoo, de Steve Tesich, éditions Monsieur Toussaint Louverture, 608 pages.

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