C'est un cadre de conte de fée, de ceux qui titillent l'imagination : perdu dans un parc gigantesque, à deux pas de splendides jardins à la française, le château de Gaasbeek surgit au détour d'un chemin et s'impose soudainement au regard. Si ses puissantes tours rappellent son origine médiévale, on comprend vite qu'il s'agit avant tout d'un lieu de plaisance, plus que d'une forteresse inexpugnable. Il suffit de passer le porche pour se croire dans une cour du XVIe siècle, au milieu des paons et buissons taillés au cordeau, face à une terrasse dominant le paysage. Les façades ne sont d'ailleurs pas sans rappeler certains châteaux de la Loire. Pour le Béotien, tout ici respire la construction multiséculaire. " Mais en réalité, l'aspect actuel de Gaasbeek est surtout dû à une importante restauration réalisée au XIXe siècle ", explique Luc Vanackere, directeur des lieux. A cette époque teintée de romantisme, on n'hésite pas à se lancer dans de grands travaux de prestige. Plutôt que de redonner aux bâtiments leur aspect d'origine, on tente de faire revivre un passé fantasmé, idéalisé, et souvent bien plus luxueux que la réalité. L'heure est aux styles néo (néo-gothique, néo-Renaissance...), Gasbeek n'échappe pas à cette mode.
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Gaasbeek le magnifique
A la fin du XIXe siècle, la marquise de Visconti transforme le château de Gaasbeek en joyau néo-Renaissance. Collectionneuse avisée, elle crée un véritable écrin pour y loger ses plus belles pièces.

C'est un cadre de conte de fée, de ceux qui titillent l'imagination : perdu dans un parc gigantesque, à deux pas de splendides jardins à la française, le château de Gaasbeek surgit au détour d'un chemin et s'impose soudainement au regard. Si ses puissantes tours rappellent son origine médiévale, on comprend vite qu'il s'agit avant tout d'un lieu de plaisance, plus que d'une forteresse inexpugnable. Il suffit de passer le porche pour se croire dans une cour du XVIe siècle, au milieu des paons et buissons taillés au cordeau, face à une terrasse dominant le paysage. Les façades ne sont d'ailleurs pas sans rappeler certains châteaux de la Loire. Pour le Béotien, tout ici respire la construction multiséculaire. " Mais en réalité, l'aspect actuel de Gaasbeek est surtout dû à une importante restauration réalisée au XIXe siècle ", explique Luc Vanackere, directeur des lieux. A cette époque teintée de romantisme, on n'hésite pas à se lancer dans de grands travaux de prestige. Plutôt que de redonner aux bâtiments leur aspect d'origine, on tente de faire revivre un passé fantasmé, idéalisé, et souvent bien plus luxueux que la réalité. L'heure est aux styles néo (néo-gothique, néo-Renaissance...), Gasbeek n'échappe pas à cette mode.A l'origine de cette rénovation radicale, on retrouve une femme : la marquise Marie Arconati-Visconti (1840-1923). Drôle de de personnage, en vérité ! Née roturière dans un milieu bourgeois français, de gauche et athée, elle épouse à l'âge de 33 ans l'héritier de l'une des plus prestigieuses et richissimes familles nobles d'Italie, Giammartino Arconati-Visconti. Le mariage défraye alors la chronique, puisque Marie n'a rien d'une Lady... Féministe avant l'heure, dotée d'une solide éducation, la dame n'a pas sa langue en poche, roule elle-même ses cigarettes et débite à la perfection des injures dignes d'un charretier.Le mariage ne dure qu'un temps puisque le marquis, de constitution fragile, décède rapidement. Désormais veuve, à la tête d'une fortune colossale, Marie Visconti s'entiche de Gaasbeek : le château, vieille possession de feu son mari et dont les parties les plus anciennes remontent au XIIIe siècle, est alors dans un état de quasi-abandon. Elle contacte l'architecte Albert Charle, disciple de Violletle-Duc, pour transformer les lieux. La marquise n'y occupe qu'un modeste appartement, tout le reste sert d'exutoire à sa fantaisie et à son amour de l'art. Déguisée en page, elle parcourt les couloirs labyrinthiques et les escaliers biscornus dignes d'Harry Potter, qui mènent à des pièces d'apparat où se mêlent reconstitutions pointilleuses (pour l'époque) et oeuvres anciennes.Le décor change de pièce en pièce : on passe d'un salon néogothique couvert de boiseries précieuses à une chambre néo-Renaissance où pendent d'exquises tapisseries de Tournai ou de Bruxelles, avant d'arriver à une fausse cuisine médiévale... qui ne sert qu'à épater la galerie ! Il faut dire que Marie Visconti peut dépenser sans compter pour assouvir ses passions... et que son grand amour n'est autre que Raoul Duseigneur, un célèbre antiquaire bruxellois ! Derrière une armoire, se cache parfois un passage secret ou un discret observatoire, " pour surveiller le personnel ou offrir une échappatoire aux amants ", sourit Luc Vanackere.A l'époque, les lieux sont plein de vie et d'animation : intellectuels progressistes et artistes - uniquement des hommes, la marquise préférant la compagnie masculine - sont souvent conviés à des salons littéraires et à des banquets, certains résident même sur place plusieurs mois. L'ambiance est bon enfant et les convives n'hésitent pas à s'amuser avec les antiquités présentes sur place : on peut ainsi découvrir une photographie sur laquelle des épées médiévales semblent servir de jouet tandis qu'un téméraire n'hésite pas à souffler dans le cor de chasse du Comte d'Egmont, propriétaire du château au XVIe siècle ! Tout ce petit monde se réunit dans une salle à manger d'inspiration médiévale, sur les fresques de laquelle Marie Visconti s'est fait représenter en reine, entourée de ses amis, dans une scène de banquet digne de la cour de Bourgogne.Ce joyeux bouillonnement artistique et spirituel se prolonge jusqu'à la Première Guerre mondiale : lorsque le conflit éclate, la marquise se trouve à Paris et se réfugie à Angers, où décède son amant. Marie ne reviendra jamais à Gaasbeek après-guerre et fera don de ce domaine à la Belgique en 1922. La mécène - qui a aussi activement soutenu la recherche scientifique - décède un an après, après avoir légué la plus grande partie de sa collection d'art au Louvre.Dans un premier temps, le château de Gaasbeek ne suscite qu'une certaine indifférence chez les autorités. " On a longtemps considéré que les styles néo-gothiques et néo-classiques étaient sans intérêt, qu'ils ne constituaient pas des styles à proprement parler ", souligne Luc Vanackere. Mais aujourd'hui, le château et son parc (voir encadré p. 99) sont des incontournables du Pajottenland. Comme un clin d'oeil à Marie Visconti, l'intérieur du bâtiment sert à nouveau d'écrin, pour des expositions temporaires d'art moderne. Les pièces contemporaines se mêlent au mobilier (parfois faussement) médiéval ou Renaissance : certains s'en offusquent mais, à titre personnel, nous avons trouvé que la juxtaposition fonctionnait à merveille. Loin d'un musée figé dans le temps, Gaasbeek vit encore, comme à sa grande époque, et c'est tant mieux !
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