Le goût est âcre, métallique. Clapotant sous le couvert forestier, l'eau qui sourd de la fontaine de la Sauvenière n'est pas bonne, loin s'en faut. Et pourtant... Pendant plus de quatre cents ans, entre le XVIe siècle et la Première Guerre mondiale, il en est passé du beau monde, par ici. En provenance des quatre coins d'Europe, on ne compte plus les têtes couronnées, les courtisanes délurées et les veuves commères, les poètes et les ministres qui sont venus ici un jour, pour remplir leur gobelet sous le mince filet d'eau de la source.
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Le goût est âcre, métallique. Clapotant sous le couvert forestier, l'eau qui sourd de la fontaine de la Sauvenière n'est pas bonne, loin s'en faut. Et pourtant... Pendant plus de quatre cents ans, entre le XVIe siècle et la Première Guerre mondiale, il en est passé du beau monde, par ici. En provenance des quatre coins d'Europe, on ne compte plus les têtes couronnées, les courtisanes délurées et les veuves commères, les poètes et les ministres qui sont venus ici un jour, pour remplir leur gobelet sous le mince filet d'eau de la source. Il faut dire qu'à l'époque, Spa est un peu l'équivalent de Gstaad ou de Saint-Tropez aujourd'hui: on y croise tout le gratin européen. L'objectif affiché par la jet-set d'alors est d'aller "prendre les eaux". À l'origine, cela revient à consommer à intervalles réguliers de grandes goulées d'eau thermale locale, naturellement carbo-gazeuse et ferrugineuse, réputée riche en vertus thérapeutiques. "Mais prendre les eaux, c'est davantage un prétexte qu'autre chose, sourit Gaëtan Plein, artiste conteur et guide local. En réalité, les gens viennent ici pour courir les réceptions, se retrouver entre eux, voir et être vus, et pour prendre du bon temps au bal, au Waux-Hall ou au kursaal, comme on appelait alors le casino." Histoire de préserver les apparences, il convient toutefois de faire le "tour des fontaines" durant son séjour. Cela consiste à visiter les différentes sources - on parle ici de "pouhons" - disséminées dans la campagne environnante. Il faut alors se résigner à quitter la ville et ses plaisirs pendant quelques heures. Initialement, si les "bobelins" (les curistes) les plus modestes ou les moins prévoyants n'ont d'autres choix que d'user leurs semelles, l'élite préfère se rendre aux pouhons en calèche ou en fiacre. En 1734, le guide des "amusemens des eaux de Spa" déconseille d'ailleurs de gagner la fontaine de la Sauvenière par ses propres moyens: "la pente est trop roide pour y aller à pieds, à moins de s'exposer à forcer la transpiration, ce qui pourroit donner lieu à une répercussion dangereuse, par le froid actuel de l'eau [de la source], comme on en fait de fatales expériences." Sur place, l'activité mondaine reprend rapidement le dessus, surtout au niveau des sources les plus courues, comme celle de la Géronstère. Un véritable pôle touristique, où l'eau s'écoule sous un dôme de pierre, avec une glacière pour se rafraîchir en cas de chaleur ardente et une galerie pour s'abriter des ondées... De quoi attendre son gobelet d'eau en bonne compagnie et dans les meilleures conditions! "Il y a souvent beaucoup de monde, c'est un terrain de jeu idéal pour ceux qui veulent draguer", sourit Gaëtan Plein. La donne change doucement à partir du XIXe siècle, lorsque l'intérêt pour les paysages naturels grandit. Le charme des itinéraires reliant les différentes sources de Spa commence à retenir l'attention des bobelins, qui prennent plaisir à les parcourir à pied.Le réseau de promenades, initié au XVIIIe siècle, s'étoffe alors progressivement. Les nouveaux itinéraires prennent souvent le nom de visiteurs illustres ayant marqué la région de leur empreinte, comme la Duchesse d'Orléans, la Princesse Clémentine, fille de Léopold II, ou le compositeur allemand Meyerbeer. L'objectif est de proposer aux curistes des paysages pittoresques, littéralement dignes d'être mis en peinture. Les parcours sont parfois volontairement chaotiques, mettant à l'honneur étangs, rocailles ou petites cascades. L'un des exemples les plus probants est créé en 1849 et porte aujourd'hui le nom de "Promenade des artistes": suivant le vallon encaissé de la Picherotte, cette balade traverse le ruisseau à plusieurs reprises, grâce à de petits ponts de bois. "Chaque pont porte le nom d'un peintre qui y est venu autrefois, fait remarquer le guide. Encore aujourd'hui, il n'est pas rare de voir quelqu'un y planter son chevalet..." Avec le temps, l'urbanisation s'est étendue et le réseau a évolué: seules quelques-unes des promenades initiales, toujours aussi charmantes, sont encore renseignées sur le site de l'Office du tourisme. Mais qu'à cela ne tienne: d'autres itinéraires ont depuis vu le jour, correspondant davantage aux habitudes des randonneurs d'aujourd'hui (trails, promenades familiales...). "Beaucoup peuvent être débutées à hauteur de la source de la Géronstère ou de Sol Cress, croit bon de préciser Gaëtan Plein. Mais à mes yeux, la plus belle promenade est celle de la Fagne de Malchamps, située un peu plus loin de la ville... Attention, elle est assez fréquentée le week-end, mieux vaut y aller tôt le matin!" Sur 482 hectares, avec ses caillebottis et ses tourbières, le paysage de Malchamps n'est pas sans rappeler celui des Hautes Fagnes toutes proches. Des lieux qui, en leurs temps, charmèrent le poète Guillaume Apollinaire, qui en vantait "les bruyères fleurant le miel" et "les myrtilles et les airelles tendrement mariées". Pour le coup, rien n'a changé... La Belle-Époque a beau être finie, la campagne spadoise en garde tout de même de bien belles traces! Pratique Plus d'infos sur www.spatourisme.be ou 087 79 53 53