© Musée royal de Mariemont

De Lin & de Laine : les textiles égyptiens s’exposent à Mariemont

Jusqu’au 26 mai, le Musée royal de Mariemont accueille plus de 200 pièces de tissus égyptiens du premier millénaire. Vêtements, linges de maison... Un patrimoine rare et émouvant : par leur fragilité, les textiles disparaissent très vite. Partout, sauf en Egypte !

Qu’y a-t-il de plus intime qu’un vêtement ? Porté à même la peau, il reflète notre personnalité, notre statut social, nos goûts artistiques, voire notre morphologie. Reste que si ces pièces d’étoffes font partie du quotidien de l’Humanité depuis des millénaires, elles sont incroyablement vulnérables. Putrescibles, elles résistent mal au temps qui passe et se décomposent rapidement. A tel point que pour se figurer l’habillement de l’Antiquité ou du haut Moyen-Âge, il faut presque toujours se contenter de mosaïques, de dessins, de statues, voire d’infimes traces archéologiques.

Une exception notable à cette règle se situe en Egypte. Le climat égyptien, très sec, est en effet propice à la conservation des matières dégradables. D’où le réel intérêt de l’exposition du Musée royal de Mariemont : les textiles exposés remontent du IIIe au XIIe siècle et sont donc extraordinairement anciens. « Il s’agit de ce qu’on appelle des tissus coptes, explique Laurence Bouvin, archéologue et guide au musée.Mais attention, il ne s’agit pas de tissus religieux : à l’origine, l’adjectif « copte », qui vient de l’arabe, fait référence à tous les habitants de l’Egypte. Les textiles présentés ici sont des vêtements civils qui s’échelonnent de l’Empire romain à l’époque arabe, en passant par les Byzantins. » Soit une période de mille ans, aujourd’hui bien moins célèbre que l’Egypte pharaonique mais pas inintéressante : Alexandrie constitue alors l’un des plus grands pôles (si pas le plus grand) de la culture hellénique, puis arabe, et l’Egypte reste une terre fantasmée et particulièrement développée.

De Lin & de Laine : les textiles égyptiens s'exposent à Mariemont
© Musée royal de Mariemont

Vêtements funéraires... de tous les jours

A l’époque, la momification est depuis longtemps passée de mode : les défunts sont emmaillotés dans des tuniques (jusqu’à dix superposées !), puis dans des linceuls rembourrés de rideaux, de nappes ou de tentures, avant d’être inhumés dans la sécheresse du désert. Tous les tissus présentés à Mariemont proviennent de ces tombes, innombrables en terre égyptienne. « Le grand intérêt, c’est qu’il ne s’agit pas de textiles funéraires : les vêtements avec lesquels les personnes sont enterrées sont les habits portés de leur vivant, les autres tissus sont d’authentiques tissus d’ameublement, qui ont réellement servi« , s’enthousiasme la guide.

De Lin & de Laine : les textiles égyptiens s'exposent à Mariemont
© Musée royal de Mariemont

De quoi offrir une véritable radiographie des modes antiques et islamiques ! C’est d’autant plus intéressant qu’à peu de chose près, les vêtements étaient identiques sur tout le pourtour méditerranéen, que l’on vive à Rome, au Caire, à Tripoli ou à Byzance. « Le vêtement de base était la tunique, avec une coupe en forme de « T », identique pour les femmes et les hommes. Initialement, les Egyptiens ne portaient que du lin, impossible à teindre : leurs vêtements étaient donc blancs. Les Grecs vont ensuite introduire la laine, qui permettra de rajouter aux vêtements des décorations colorées, brodées à même le lin ou cousues par après. »

De Lin & de Laine : les textiles égyptiens s'exposent à Mariemont
© Musée royal de Mariemont

A la mode copte

Ces décorations alternent entre touchante naïveté et grande finesse, mêlant végétaux, petit gibier et oiseaux, personnages mystérieux teints de rouge de cochenille, de bleu de guède ou, pour les vêtements les plus riches, de pourpre. La qualité est manifeste, elle n’avait d’ailleurs pas échappé aux contemporains : les tissus égyptiens sont exportés dès le Ve siècle en Occident, notamment pour réaliser des vêtements ecclésiastiques. Les chasubles, étoles et aubes d’aujourd’hui en sont les directes descendantes ! Longtemps délaissés par les archéologues contemporains, on ne redécouvre l’intérêt des textiles coptes qu’au début du XXe siècle. « Malheureusement, au départ, on ne s’intéresse qu’aux motifs décoratifs, en jetant le reste. Certains n’hésitent pas à enlever des morceaux ci et là pour regrouper les décorations et les présenter comme une pièce complète... D’où le fait qu’il n’existe que peu de tuniques ou de linges d’ameublement entiers. « 

De Lin & de Laine : les textiles égyptiens s'exposent à Mariemont
© Musée royal de Mariemont

Dommage car, à voir les quelques pièces (presque) complètes présentées à Mariemont, ces dernières ont assurément un supplément d’âme. Elles racontent une histoire, parfois émouvante et toujours perceptible à travers les siècles. « Au cours de toute une vie, on considère qu’une personne ne possédait en moyenne que 4 à 5 tuniques : elles étaient donc rapiécées avec soin, certains éléments étaient récupérés pour être recousus sur d’autres vêtements, détaille Laurence Bouvin en montrant la tunique d’un enfant de sept ou huit ans. Ici, on peut voir que le tissu a été raccommodé plus grossièrement, probablement par la maman. Il y a aussi des renforts aux genoux.  » Plus loin, c’est une petite chaussette enfantine de laine qui retient l’attention : ses couleurs sont encore incroyablement fraîches et éclatantes, avec une séparation pour le gros orteil, afin de pouvoir chausser facilement une sandale. De quoi rendre beaucoup plus proche et vivante une civilisation vieille de près de deux milles ans !

En pratique

De Lin & de Laine : les textiles égyptiens s'exposent à Mariemont
© Musée royal de Mariemont

De Lin et & De Laine, textiles égyptiens du 1er millénaireau Musée Royal de Mariemont, 100 Chaussée de Mariemont, 7140 Morlanwelz. Jusqu’au 26 mai 2019. Musée ouvert tous les jours sauf les lundis non fériés de 10h à 17h (mars) et de 10h à 18h (à partir d’avril). Adultes 5€ ; Seniors : 2,50€ ; Étudiants : 2€ ; Enfants de -12 ans : gratuit / Entrée gratuite au Musée les 1ers dimanches du mois.

Si vous ne le connaissez pas, nous vous conseillons par ailleurs la visite du reste du domaine, voir ici.

Plus d’infos : www.musee-mariemont.be

Enfants admis

De Lin & de Laine : les textiles égyptiens s'exposent à Mariemont
© Musée royal de Mariemont

C’est de plus en plus courant, et on ne peut que s’en réjouir : en sus de la muséographie adaptée aux adultes, un second parcours a été pensé et adapté pour les enfants (niveau école primaire). Ceux-ci pourront suivre Zoïlos, petit copte inspiré d’une statue du musée, et s’essayer au métier à tisser ou à la décoration de tunique.

Contenu partenaire